Les sept heures de voyage entre Oberhof et Antolz n’ont pas entamé la bonne humeur de Benjamin Weger. Tout juste le Haut-Valaisan se dit “légèrement fatigué” par le trajet entre l’Allemagne et l’Italie. Le biathlète de la vallée de Conches est toujours euphorique vingt-quatre après avoir pris la troisième place de la mass start d’Oberhof, pour monter sur le cinquième podium de sa carrière, le premier depuis le 11 février … 2012. Neuf ans de disette enfin effacés au prix d’énormément d’abnégation et encore davantage de travail.

Benjamin Weger, dans quel état vous trouvez-vous au lendemain de votre 3e place lors de la mass start d’Oberhof?

Je ne suis pas encore de retour sur terre (rires). Mais je suis surtout heureux, car cela fait neuf ans que je travaillais pour goûter à ce moment. J’avais les bases, mais il me fallait terminer le travail.

Une si longue attente, n’a-t-elle jamais été frustrante, d’autant plus que vous avez accumulé les places d’honneur ces dernières saisons?

C’est vrai que je n’étais jamais loin du podium. Mais il me manquait quelque chose à chaque fois. Parfois le ski, parfois une faute lors du dernier tir. Toutefois, j’ai toujours su que je pouvais revenir sur le podium. Et dimanche, c’était le jour parfait. J’avais du bon matériel et j’ai su tirer vite. Tout s’est parfaitement déroulé.

Dans quel sentiment abordez-vous vos cinq dernières balles à tirer alors que vous êtes à la lutte pour ce podium? Existe-il de la nervosité à ce moment précis?

Parfois, dans la même situation, la pression était énorme. Mais hier (dimanche), je n’ai eu aucune sensation de stress et ce dès le premier tir. J’étais là, sans forcer. Je ne réfléchissais pas. Je tirais vite et bien. Comme on dit souvent, j’étais dans le flow. Pourtant, je n’ai rien fait de différent par rapport à d’habitude. Simplement, c’est passé.

Vous n’avez jamais douté durant votre période de disette?

J’ai connu des hauts et des bas durant ma carrière. Des fois, j’avais des manques de motivation, parfois j’en avais trop. Mais je savais que je pouvais remonter sur le podium. Mais cela n’a jamais été facile. Je prend l’exemple de l’hiver dernier. J’étais incapable de faire un top 3 dans des conditions normales. Je n’étais pas en forme, je me trouvais en surentraînement. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de mettre un terme à ma saison avant la fin. Pour recharger les batteries et retrouver la motivation afin d’être à 100% à la reprise au mois de mai.

Avez-vous revu vos plans d’entraînement l’été passé?

Nous avons eu un nouveau coach (ndlr: Alexander Wolf) et nous avons regardé les choses différemment. Nous avons fait davantage de course à pied durant l’été ou, pour ma part, de vélo. J’ai aussi renoncé à faire un stade en altitude en octobre comme l’automne précédent. C’est cela qui m’avait mis dans le rouge pour la saison et je souhaitais garder l’influx pour l’hiver qui arrivait.

Ce podium a-t-il davantage de valeur que votre tout premier en Coupe du monde il y a désormais dix ans?

Oui, car désormais j’ai conscience du travail qu’il y a derrière pour y arriver. A l’époque, j’ai fait des podiums, et de nombreux top 10, mais cela me paraissait normal. Puis, j’ai appris à travailler, car le niveau a considérablement augmenté depuis dix ans. Enormément d’athlètes skient vite. Au tir, il ne suffit plus de bien tirer, il faut également être rapide. Et la moindre faute vous coûte le podium.

L’appétit vient en mangeant dit-on, allez-vous revoir vos objectifs à la hausse ces prochaines semaines?

Ce serait une illusion de se dire que l’on va grimper sur le podium chaque week-end. Après, je sais désormais que si j’ai une nouvelle journée parfaite, je peux rééditer ma performance. L’important est de ne pas se dire qu’il faut impérativement monter sur le podium. C’est comme cela que je fonctionnais jusqu’ici et cela restera ainsi. Il s’agit pour moi de bien skier et de tirer vite. Et jusqu’ici, je réalise une superbe saison (ndlr: Benjamin Weger est 16e de la Coupe du monde).

Même les Championnats du monde de Pokljuka (8-22 février) ne se trouvent pas encore dans un coin de votre tête?

Avant cela, il y a les compétitions d’Antolz qui arrivent. Puis je rentrerai à la maison pour me préparer pour les Mondiaux. Je prends un jour après l’autre. A 31 ans, j’ai une autre vision des choses. On est plus tranquille, plus mature, c’est l’expérience, car on sait aussi que le corps marche moins vite qu’il y a dix ans.

Johan Tachet