L’histoire de Shaun White, c’est celle d’un garçon à la chevelure bien fournie rousse, pas très grand, les dents pas alignées… Bref, l’histoire d’un gamin qui n’a pas forcément été gâté par la nature et qui a en plus souffert d’une malformation cardiaque nécessitant plusieurs opérations lors de sa première année de vie. Le Californien n’a rien de ce qu’on peut deviner chez les stars hollywoodiennes, souvent parfaites jusqu’au bout des ongles. Alors le natif de San Diego a dû se trouver un talent pour mettre en valeur son histoire.

Au contact notamment de la star du skateboard Tony Hawk, qui l’a pris sous son aile, il s’est noué une passion pour le milieu du freestyle. Les planches de skate comme de snowboard sont rapidement devenus ses meilleures amies. Et en compétition, il a brillé, s’offrant petit à petit un statut de prodige jusqu’à faire partie du gratin mondial et même en être le patron.

Tout lui a réussi

Outre-Atlantique, il jouit d’un statut à part de vedette, qui n’est pour l’heure également dévolu qu’à Lindsey Vonn dans les sports d’hiver. Là où la skieuse joue sur une plastique plutôt avantageuse, le snowboardeur doit mettre en avant d’autres atouts pour se placer au-dessus du lot. Sa tignasse rousse est devenue une force, puisqu’il se fait appeler Flying Tomato (la tomate volante). Sa petite taille est un avantage indéniable pour réaliser des figures et le fait de ne pas être comme tout le monde lui confère la possibilité d’être connu et reconnu.

Shaun White, c’est le rêve américain. Sport, musique (il fait partie du groupe Bad Things), tout lui réussit. Le rider de 31 ans n’est plus seulement un sportif mais il est désormais est à la tête d’un empire. Gérer son image, organiser le Air & Style à travers le monde (l’une des plus grande compétition qui réunit snowboard et concerts), rien ne lui échappe depuis qu’il est un entrepreneur influant. Alors qu’on imaginait sa carrière sportive quasiment terminée après sa vilaine chute en octobre dernier en Nouvelle-Zélande, il a su utiliser ce pépin pour mieux se relever. Les séquelles mentales et les 62 points de suture subis au visage l’ont rendu encore plus fort. Aujourd’hui, sa cicatrice qu’il garde sur le nez est une blessure de guerre, une blessure de vainqueur.

Victoire méritée ou pas, peu importe

Mercredi, sur le pipe de PyeongChang, la superstar américaine a brillé de tous les éclats et sur tous les tableaux. D’abord, il a remporté le concours grâce à un dernier run d’exception, faisant fi de la pression, alors qu’il n’avait qu’une chance de repasser devant le magicien japonais Ayumu Hirano. Certains diront qu’il ne méritait pas la victoire, qu’il n’a pas réellement grabé l’un de ses tricks (il aurait accroché sa chaussure et non sa planche, les juges ont longtemps revisionné la scène), mais lui s’en fiche.

Le public aussi, avec pour preuve cette clameur discontinue qu’il l’a suivi dans chacun de ses déplacements, du matin lorsqu’il a pris le télésiège avec son équipe jusqu’au soir alors qu’il avait sa médaille autour du cou. Dans le Phoenix Park de Bokwang, on a assisté à la renaissance du champion après sa déception de Sotchi (4e). Il a par ailleurs apporté la 100e médaille d’or aux Etats-Unis. Et rien n’est réellement un hasard pour celui qui avait signé un run noté 100 à Snowmass en janvier. “On m’appelle Mister Perfect maintenant”, rigole-t-il.

Dans l’aire d’arrivée de l’imposant pipe olympique, Shaun White a fait le show. Lancer de casque, cris de joie, salutations à ses (très) nombreux fans, le Californien n’a rien oublié. Et lorsqu’est arrivé le temps des interviews devant les télévisions du monde entier, il n’a pas triché. Chaque journaliste a eu droit à son accolade et à un petit mot personnel. Pas question de rater ce moment, primordial en terme d’image.

Le show devant les journalistes

Dans cette situation, la NBC a évidemment la priorité et une analyse précise du run vainqueur. En grand professionnel, le rider ne manque pas de faire des clins d’oeil à la caméra. “Je vous aime tous”, glisse-t-il en se prenant le visage dans les mains. Il sait qu’il est à ce moment dans le foyer de tous les Américains. Car si cette finale a été programmée en matinée au Pays du matin calme, c’est pour qu’elle puisse être diffusée en prime time au Pays de l’Oncle Sam. Le journaliste chinois de la CCTV aura également droit à son moment de gloire. “We did it”, lui confesse le champion, qui n’a pas compris un moindre mot des questions de Li Wujun. “C’est aussi un star chez nous, tout le monde l’adore”, affirme tout de même ce dernier.

“Il est vraiment incroyable, confirme John Nicolet, qui l’a interviewé en zone mixte pour le compte de la RTS. On sent qu’il est vraiment content d’être là, il met du coeur dans ce qu’il dit, ce qu’il raconte n’est pas feint. C’est un passionné.” Certes, les interventions en public de celui qui a plusieurs jeux vidéos à son nom sont rares, mais difficile d’être plus professionnel que lui lorsqu’il passe devant les journalistes. Il y est resté plusieurs heures après son titre, bien plus longtemps que tous les autres médaillés d’or avant lui.

Dans un monde à part

Au point d’être à l’écart des autres riders. “Affronter Shaun White, c’est toujours une relation d’amour-haine, relève Jan Scherrer, 9e de la finale olympique. Il ne s’intéresse pas vraiment aux autres riders, alors qu’on est tous assez proches, des amis en quelque sorte, mais lui est toujours plutôt seul, avec sa propre équipe.” A PyeongChang, il s’agissait d’un team américain habillés avec des combinaisons qui avait tout de celles des astronautes. De la marque Burton, celle qui sponsorise celui qui marche sur la lune, évidemment. Jan Scherrer n’accable pas pour autant un athlète qu’il adore: “C’est toujours magique de le voir rider. Et il a 31 ans, 8 ans de plus que nous tous. C’est un modèle pour nous tous dans un sport aussi dangereux.”

Et comme si cela ne suffisait pas, Shaun White a d’ores et déjà les yeux rivés sur un autre objectif. Il compte participer aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020 en skateboard, qui va faire son apparition au programme. Un autre moyen de faire parler de lui. Car la chasse aux médailles au rendez-vous des anneaux, il n’a que ça qui compte au pays de la bannière étoilée. Oui, the show must go on.

La folle journée de Shaun White en quelques clichés:

Texte et photos: Laurent Morel, PyeongChang