Une fille en or. C’est peut-être la description qui convient le mieux à Sarah Höfflin. Certes, la Genevoise peut désormais se targuer d’avoir une (lourde) médaille du plus beau métal autour de son cou, mais avant déjà sa victoire en slopestyle aux Jeux olympiques de PyeongChang, la rideuse de 27 ans avait conquis le monde du freeski comme le coeur de ses proches de par sa sympathie. Elle ne prend jamais un air supérieur et surtout garde le sourire en toute circonstance ou presque. Sarah, en fait, c’est l’archétype même de la femme “normale” qui réussit.
Bien sûr, la native de Genève a le talent d’une surdouée du ski. Mais son rêve n’était pas de monter sur la plus haute marche des podiums mais bien de soigner les patients dans les cabinets et les hôpitaux. Alors que la plupart de ses concurrentes sont nées dans les snowparks, Sarah Höfflin n’y est arrivée que très tard. Elle souhaitait faire médecine. Recalée, elle s’est alors lancée dans le ski mais compte bien revenir à sa première passion plus tard, alors qu’elle a entre-temps étudié les neurosciences à Cardiff.
Violon, hockey sur gazon et ballet
Rien ne prédestinait pourtant ce petit bout de femme à faire de la neige son meilleur atout. Née dans la Cité de Calvin le 8 janvier 1991, la nouvelle championne a bourlingué jusqu’à atterrir en Angleterre 12 ans plus tard. Ses parents rapidement séparés, elle a vécu avec un grand frère (Julien) et un autre (Elliot), plus jeune, d’un père différent, Neil Cook. C’est pour ce dernier que la petite famille a traversé la Manche, loin de l’or blanc qui deviendra plus tard source d’or tout court.
L’Albion n’est pas forcément la destination rêvée pour entamer une carrière de skieuse. Alors l’adolescente se passionne pour d’autres choses. La future championne joue du violon. Logique pour une fille de luthier. Ses deux grands-parents maternels étant Néerlandais avant d’avoir émigré en Nouvelle-Zélande – la patrie de sa mère-, il n’est pas étonnant non plus de la voir pratiquer hockey sur gazon. Lors d’un match, elle oublie son protège-dents mais tient quand même à participer. Evidemment, une balle lui arrive dans le visage et une quenotte se décroche et lui traverse la gencive. La rideuse en garde encore aujourd’hui une légère cicatrice. “Je ne compte plus le nombre de dents qu’elle s’est cassées”, raconte sa maman Karen, fataliste.
Il faut dire que la Genevoise est aussi une casse-cou, selon ses frères. Aussi parfois un peu pressée et même maladroite. “Je me souviens d’une fois où elle avait oublié son téléphone à la maison alors qu’on partait, raconte son beau-père. Elle devait avoir 13-14 ans. Ni une, ni deux, elle a foncé le rechercher. Mais elle avait oublié qu’on avait un petit bassin dans le jardin…” Plouf, Sarah s’est retrouvé le nez dans l’eau. Si elle se retrouvera ensuite plusieurs fois le nez dans la neige, la jeune femme est pourtant dotée d’une grâce exceptionnelle. Celle-ci se voit dans l’exécution souvent proche de la perfection de ses tricks mais ne sort pas de nulle part.
Durant ses années britanniques, la dernière gagnante du Globe de cristal du slopestyle s’est en effet surtout longuement essayée au ballet, qu’elle pratiquait déjà lorsqu’elle était à l’école à Founex, plus jeune. Une passion pour la danse classique, sans en avoir le don. “Avec ses pieds, elle n’aurait jamais pu percer dans le milieu”, rigole affectueusement sa maman, qui a désormais déménagé dans le sud de la France. Mais elle est douée. Et lors de son départ de Grande-Bretagne, sa troupe organise même un spectacle en son honneur. C’est dire si Sarah Höfflin laisse une trace là où elle passe.
Le ski, une passion née sur le tard
Mais sa véritable flamme, elle va s’allumer lors d’un camp de ski effectué avec son université. Les premiers passages sur les obstacles des parks lui laisseront de nombreux bleus. Pourtant, la Genevoise exilée a trouvé sa voie. A Manchester, où elle vie durant quelques mois, elle se rend tous les jours dans un dôme enneigé artificiellement pour pouvoir exercer son style sur “la” box de slide. Elle revient en Suisse plus de 10 ans après l’avoir quittée, juste après avoir fêté ses 23 ans, pour se rapprocher des montagnes. “Avant, je ne skiais jamais plus d’une semaine ou deux par année lors de mes vacances”, reconnaît-elle. Sa passion ne faiblit pas et elle commence à participer à quelques compétitions jusqu’au jour où Misra Torniainen vient l’aborder, en 2015.
“Veux-tu rejoindre l’équipe de Suisse?” lui demande alors celui qui est toujours l’entraîneur du team à succès lors d’une étape du SFR Freestyle Tour à Val Thorens (FRA). Incrédule, Sarah Höfflin accepte. “Je n’en croyais pas mes oreilles! J’ai eu l’occasion de profiter d’une structure pour la première fois de ma vie, c’était un déclic qui a tout changé”, sourit aujourd’hui la résidente de Chamonix. Trampoline, Waterjump (saut dans l’eau), rien n’est trop beau pour créer des champions à Mettmenstetten (ZH).
Les échelons, la pépite du freeski helvétique les monte plus que rapidement. Première Coupe du monde fin 2016 et premier succès en janvier 2017. Plus rien n’arrête la gagnante des derniers X Games en Big Air. Rares sont celles qui décrochent un Globe de cristal dès leur première saison en Coupe du monde. Elle l’a fait. Et le titre olympique tombe comme un fruit mûr moins de 3 ans après avoir intégré les structures nationales. “Je ne me focalise pas réellement sur les Jeux, je n’ai pas envie que ma vie s’arrête à cause de ça, convenait-elle en début de saison. Après, je ne suis pas inconsciente, je ne vais pas commencer à apprendre à faire du skate ou d’autres trucs un peu débiles (sic) en dehors du ski maintenant.”
Son seul regret, ne pas se retrouver sur un podium 100% suisse
Pourtant, la “Princesse de Plainpalais”, comme se plaît à l’appeler la Tribune de Genève garde les pieds sur terre. Enfin presque. Avec son copain, qui rêve de devenir guide de montagne, elle enchaîne les sorties dans la région de Chamonix (FRA), où elle a pris ses quartiers après avoir passé une saison à Val Thorens (FRA). “J’ai besoin de me poser, d’avoir un pied à terre et mon lit à moi”, expliquait-elle en début d’hiver. Absent en Corée du Sud, son chéri Will s’est cassé une cheville quelques jours avant les Jeux olympiques alors qu’il grimpait avec sa belle. Elle n’a rien eu. Comme quoi, le succès ne tient parfois qu’à un fil.
Cette amatrice de figures lancées en switch (à l’envers) n’aura peut-être qu’un regret. Le fait de ne pas avoir réussi à remplir entièrement de rouge le podium olympique, en l’absence de Giulia Tanno. La Grisonne s’est cassé un bras il y a quelques semaines. “Si j’y crois? Oui, bien sûr, pourquoi pas, lançait-elle avant la blessure de sa compatriote. On a une bonne équipe, des super bons coachs. Si on est en forme, il y a moyen de le faire.” Et c’était vrai. Car si les deux Suissesses présentes ont assuré, Mathilde Gremaud décrochant l’argent, Giulia Tanno n’avait rien à leur envier sur le papier.
Mais sinon, Sarah Höfflin reste fidèle à elle-même. “Ma vie ne va pas vraiment changer, hein?”, demande-t-elle, comme pour être rassurée. La nouvelle figure de proue du freestyle helvétique va devoir continuer à s’entourer des bonnes personnes afin de poursuivre sur la voie du succès. Et rester simple, comme elle a toujours su le faire.