Le 7 janvier, à Adelboden, Ramon Zenhäusern avait le sourire. « C’est bon, je vais enfin pouvoir me concentrer sur la suite, lâchait-il. Je suis qualifié pour les Jeux olympiques, c’est la bonne nouvelle du moment. » Quinzième dans l’Oberland bernois, le skieur de Bürchen avait assuré l’essentiel. Surtout, sa performance l’a libéré. Car plus que ce 2e Top 15 de l’hiver, ce résultat lui a permis de montrer qu’il faisait partie de ceux qui comptent en slalom. « Pourtant, en décembre (ndlr: le 10), je ne m’étais même pas qualifié pour la 2e manche à Val d’Isère, raconte-t-il. J’étais au fond du trou. »
Une semaine après sa performance d’Adelboden, totalement relâché, le géant haut-valaisan prenait le 4e rang au terme d’une superbe 2e manche à Wengen. Le tout à seulement 0″09 du podium. Les promesses entrevues à l’entraînement semblaient alors enfin transposables en course. Depuis, Ramon Zenhäusern a entamé en marche en avant insatiable. Sixième à Kitzbühel, 13e à Schladming puis finalement vainqueur à Stockholm, lors du City Event. Déjà, le skieur de 25 ans peinait à y croire. « Je savais que je pouvais être rapide, mais de là à m’imposer pour mon premier événement du genre, c’est juste incroyable! ». Ces résultats lui ont permis d’intégrer le Top 15 mondial et de profiter d’un dossard plutôt favorable (le 15) en Corée du Sud. L’un des nombreux paramètres qui ont fait fonctionner la machine en plus d’une immense dose de confiance accumulée.
« Un rêve, je vais me réveiller »
Car cette fois, c’est une médaille olympique qu’il pourra suspendre dans le chalet familial de Bürchen. Sur la piste parfaitement à sa convenance de Yongpyong, le Valaisan n’a pas craqué ce vendredi. « C’est un rêve qui se réalise, je n’arrive pas à réaliser », relève-t-il dans un français toujours très appliqué. « En Suisse, c’est encore tôt le matin et je pense que bientôt je vais me réveiller. » Non, il l’était bien déjà, réveillé. Et il a pu monter sur ce fameux podium olympique, juste derrière Andre Myhrer. « C’est fou, c’était l’une de mes idoles, souligne-t-il en pensant notamment à cette fameuse anecdote lorsqu’il n’avait pas osé lui parler à Veysonnaz il y a 7 ans. Comme moi, il est grand. Avec Thomas Sykora, ils étaient mes modèles. »
Sa grande taille avait souvent été considérée comme un handicap par le passé. « Il n’y avaient guère que mon père et Didier Plaschy pour croire que je pourrais percer en slalom », rappelle-t-il ainsi. « Je crois que sa taille l’aide à profiter d’un levier idéal, rapporte Matteo Joris, entraîneur des techniciens helvétiques. Ramon est en train de trouver la stabilité. C’est la clé. » Des propos que confirme Victor Muffat-Jeandet, 6e vendredi. « Plus c’est tortueux, meilleur il est, relève le Français. Et sur les plats, il est très solide. Ses entraîneurs arrivent à le faire exploiter son potentiel au mieux. »
Depuis des années, Ramon Zenhäusern brille à l’entraînement. Selon les dires de l’ensemble de l’équipe de Suisse, il est capable de créer de gros écarts sur ses coéquipiers. Sauf que jusqu’ici, il ne parvenait pas à confirmer en course. « Ça fait longtemps qu’on sait qu’il est capable d’aller très vite, soutient Daniel Yule, 8e du slalom olympique. En plus ici, la piste était taillée pour lui. On le voyait gros comme une maison. »
Le lancer des bâtons
Avec les exploits de ces dernières semaines, le natif de Viège a désormais sa marque de fabrique. Lorsqu’il réussit un gros coup, il jette ses bâtons à l’arrivée. « Au début je ne voulais pas les lancer car je pensais que ça ne suffirait pas pour un podium. Mais comme il y avait assez de place, je ne risquais pas de les faire retomber sur vous, les journalistes, alors je l’ai fait. Ça me fait du bien de faire sortir les émotions. » Modeste, le nouveau vice-champion olympique a surtout voulu remercier son entourage. « Cette médaille, c’est le fruit d’un immense travail de beaucoup de monde. Je ne vais pas les citer car je vais en oublier. »
Ramon Zenhäusern aura encore l’occasion de marquer un peu plus les Jeux olympiques de son empreinte lors du Team Event. D’ailleurs, même après son exploit, il était déjà concentré sur l’événement. « Je souhaite vraiment briller pour l’équipe, précise-t-il. Je ne vais pas faire la fête et je souhaite déjà filer à l’hôtel pour me reposer en vue de samedi. » Sauf qu’en devenant vice-champion olympique, il a changé de dimension. Gageons que malgré ses 2 mètres, le géant de Bürchen saura garder les pieds sur terre. « Déjà après Stockholm, j’ai dû faire face à de nombreuses sollicitations alors que je devais préparer un examen, rappelle-t-il. Je ne me rendais pas compte de l’ampleur de cette victoire. » Elle n’était pourtant que le commencement d’une incroyable aventure.
Un voyage salutaire en fin de saison dernière
L’an passé, Ramon Zenhäusern et l’équipe de Suisse sont venus à Yongpyong en fin de saison afin de disputer des courses FIS. Histoire de se familiariser avec la piste olympique, mais aussi avec les coutumes locales. « C’était vraiment une très bonne idée, assure le héros du jour. Personnellement, ça m’a beaucoup aidé. Je suis assez sensible aux nouveautés et ça m’aide beaucoup de connaître déjà la région. »
Pourtant, tout ne s’était pas passé comme prévu. « J’avais réservé un hôtel a Séoul, mais ça n’avait pas marché, c’était déjà mal barré, se souvient Matteo Joris, à l’origine de cette initiative. On a pu récupérer des piquets du ski-club local, mais j’ai dû leur laisser ma veste de Swiss Ski en échange. » De là, les Suisses avaient pu s’habituer à la piste. « On avait déjà vu à quel point Ramon était fort dans la partie finale, rappelle l’entraîneur helvétique. Il mettait des claques à tout le monde et il l’a répété aujourd’hui, c’est génial. »
Laurent Morel, PyeongChang