Dans l’histoire de la carrière de Luca Aerni, il y avait cette incroyable remontée aux Championnats du monde de Saint-Moritz, qui lui avait permis de passer de la 30e place après la descente à la médaille d’or après le slalom du combiné en 2017. Il y a désormais ce géant génial, probablement parfois injuste, et surtout très improbable à Val d’Isère de ce samedi. Parti en dernière position en première manche (dossard 62), qualifié de justesse (30e) et auteur de très loin du meilleur temps sur le second tracé, le Valaisan a fini au pied du podium dans la station savoyarde.
« Je suis très heureux aujourd’hui »
« En première manche, c’était la guerre. Il fallait survivre. En deuxième, j’ai pu profiter de la piste », s’est réjouit le skieur de 31 ans, hilare dans l’aire d’arrivée. « J’ai eu un peu de chance avec le soleil aussi mais j’ai su en profiter. Il faut prendre quand on peut. Le ski, c’est un sport d’extérieur difficile. Je suis très heureux aujourd’hui. »
Bien sûr, Luca Aerni a donc bénéficié de conditions favorables, avec une météo plutôt clémente en première manche (mais une piste complètement détruite, rendant sa manche « la plus difficile » de sa carrière) ainsi que d’une bonne visibilité et d’une piste en parfait état en deuxième manche, mais encore fallait-il concrétiser, ce qu’il a fait à merveille. « Quand on a une bonne journée comme ça, on profite », répétait-t-il après sa performance. En 2017 déjà, pour son premier départ dans la discipline, il était déjà parvenu à se qualifier, sans toutefois réussir pareille remontée. « Je pense que j’ai appris depuis. J’avais skié un petit peu trop gentil en deuxième. Là, j’ai tout donné. »
Une surprise? Pas tant que ça
Pourtant, son exploit n’a pas fait tomber des nues les autres membres de l’équipe de Suisse. « En géant, ça fait un moment qu’il peut skier très bien », rappelle Loïc Meillard, 9e ce samedi « Des pistes compliquées comme ici, ça lui convient parfaitement. » Tous deux membres de l’équipe de slalom, les deux hommes partagent souvent les mêmes entraînements. « Avoir Loïc Meillard à mes côtés, ça m’aide beaucoup », ajoute Luca Aerni. « Voir que je ne suis pas loin à l’entraînement, même si je suis derrière, c’est cool. »
Entraîneur de cette équipe de Suisse, Matteo Joris confirme que le géant a une place importante pour ses protégés et particulièrement le skieur de Crans-Montana. « On a toujours gardé pour lui la deuxième discipline et il a toujours été un bon skieur dans toutes les disciplines », rappelle le Valdôtain. « Dans l’idéal, on aimerait qu’il ait 500 points en slalom pour partir avec le 31 comme Clément Noël. Mais ce n’est pas le cas. Luca n’avait que cette chance ici à Val d’Isère et il a su la saisir. Bravo à lui, car il devait attaquer. »
Dans le top 30 rapidement?
Son incroyable quatrième place ouvre désormais le champ des possibles. Sur le papier, Luca Aerni a rempli les critères fixés par Swiss-Ski pour se qualifier pour les Championnats du monde de Saalbach. « En géant? Je n’y avais pas pensé », sourit-il. Est-il capable de rééditer pareille performance, sur une piste qui lui conviendrait peut-être moins que la Face de Bellevarde? « Je pense qu’il a le ski pour enchaîner les performances, top 10, top 15 », lâche volontiers Loïc Meillard.
Toujours est-il que le Valaisan aux origines bernoises devrait être au départ des prochains géants, à commencer par celui d’Alta Badia dimanche prochain. « J’ai fait une 4e place, mais je me réjouis surtout d’avoir abaissé mes points FIS », rigolait encore le héros du jour dans l’aire d’arrivée. Il faut dire qu’il devrait pouvoir s’élancer avec un dossard bien moins élevé ces prochaines semaines, a priori entre le 30 et le 40. Il pourrait même intégrer le top 30. Désormais 33e à la WCSL (le classement des listes de départ) en géant, il profiterait d’un forfait d’Alexander Steen Olsen, Marco Schwarz ou Justin Murisier en plus de celui acté d’Aleksander Aamodt Kilde pour intégrer ce fameux top 30.
« On va continuer comme cela », a ajouté celui qui est monté sur un podium (en slalom à Madonna di Campiglio en 2017). « Ma deuxième manche prouve quand même que j’ai le niveau pour skier dans les 10, c’est très positif. » Place désormais au slalom dimanche, avec une nouvelle possibilité de prouver que la confiance est désormais totale pour le fan de Young Boys. « Je suis juste trop content actuellement. Ces dernières années, je me suis battu avec mon corps mais j’adore faire du géant. Quand j’avais des soucis physiques, ça m’empêchait d’en faire et je pense que ça jouait aussi sur mes performances en slalom. »
Laurent Morel, Val d’Isère