Dimanche, un petit bout d’histoire du ski alpin va s’écrire. Le tout premier Globe de parallèle sera attribué à la suite du géant parallèle de Chamonix. Un trophée décerné à l’issue de… deux compétitions dans la discipline cet hiver. Et le faible nombre de courses n’est de loin pas la plus grande des problématiques du parallèle dont la FIS entend faire sa future figure de proue, alors qu’elle peine à trouver le format idéal. “Nous voulons développer cette discipline, assure Markus Waldner, le patron de la Coupe du monde masculine. C’est un produit télévisuel compact (ndlr: 57 minutes) qui fonctionne et qui est spectaculaire.” 

Problème, les athlètes ne sont pas aussi dithyrambiques sur le parallèle. Au contraire. “J’ai discuté avec tous les skieurs, et 80% ne pensent pas du bien de cette discipline”, assure le Français Alexis Pinturault qui se passerait volontiers de prendre le départ s’il n’était pas engagé dans la course au grand Globe de cristal. Daniel Yule, de son côté, estime que le parallèle “ne va pas revitaliser” le ski alpin comme le souhaite la fédération du ski mondial. “Quand je vois le succès des courses traditionnelles, je ne comprends pas pourquoi on cherche à changer les choses à tous prix. Je serais davantage pour que l’on rajoute des super-G au calendrier plutôt que des parallèles.”

Des duels qui ressemblent à une loterie

Harmonisé (plus ou moins) et réglementé depuis l’été dernier, le format du parallèle est simple à la base. Tous les athlètes participent aux qualifications sur les tracés rouge et bleu. Les 32 skieurs les plus rapides sont sélectionnés pour le tableau final. Si les 16es de finale se disputent sur le mode de la confrontation aller-retour, le premier souci intervient dès les 8es de finale où est introduit le KO system. Les skieurs s’affrontent sur une seule manche et le parcours est tiré au sort. “Cela devient une loterie”, lance Tanguy Nef qui est suivi dans son raisonnement par Loïc Meillard, qui analyse plus en détails. “Il suffit qu’il y ait une petite bosse sur l’un des deux parcours qui nous déstabilise et on prend vite deux dixièmes de retard. Sur une manche de 20 secondes, c’est énorme et surtout pas équitable.”

La saison dernière encore, le skieur le mieux classé lors des qualifications ou au classement FIS pouvait choisir son parcours. “Je regrette ce changement, car la part de tactique est intéressante, déplore Markus Waldner. Mais cette décision n’est pas la nôtre, mais celle du Board de la FIS qui est habilité à produire les règlements.” Daniel Yule détaille, lui aussi, la part de hasard qui intervient dans la compétition. “Le tirage au sort fausse la compétition. On l’a remarqué lors du parallèle d’Alta Badia, 70% des manches étaient remportées sur le tracé bleu, un chiffre qui se montait même à 80% lors du parallèle féminin de Sestrières.”

De 32 à 16 athlètes pour davantage d’équité?

Markus Waldner assure toutefois que le système n’est pas arrêté et que afin d’assurer davantage d’équité, il se pourrait que le tableau final soit réduit de 32 à 16 athlètes, “afin que toutes les confrontations puissent se disputer en manches aller-retour.” Un conseil est agendé lors des finales de la Coupe du monde à Cortina dans le but d’entériner le règlement pour la prochaine saison, d’autant plus que la discipline “fêtera” sa première lors des Championnats du monde en 2021.

Des géants parallèles plutôt que des slaloms au grand dam de la Suisse

En plus des Mondiaux, quatre épreuves de parallèles seront au programme l’hiver prochain en Coupe du monde. Lech/Zürs (AUT) et Davos, le jour de l’an, rejoignent Alta Badia et Chamonix dans le calendrier de la discipline. Reste une question en suspens, sous quel format? Géant ou slalom parallèle? “Dans la mesure du possible, nous souhaitons organiser des géants parallèles”, poursuit Markus Waldner, dans un souci de spectacle et de favoriser la concurrence. “Le géant est plus joli à regarder, c’est plus dynamique, on peut y mettre des sauts, on élimine le fait que les portes doivent être boxées et les athlètes les plus petits ne sont plus défavorisés par rapport aux grands.” 

Ainsi, seule l’étape de Davos, à cause de sa piste plus petite, devrait mettre sur pied un slalom parallèle, au plus grand dam de l’équipe de Suisse. “Nous avions passé beaucoup de temps à nous entraîner en slalom parallèle ces dernières saisons, nous avions certainement la formation la plus performante et voilà qu’ils sont passés au géant”, regrette Matteo Joris, l’entraîneur en chef des slalomeurs helvétiques. Ramon Zenhäusern qui dominait la discipline en est l’exemple, lui qui ne veut plus concourir en parallèle tant que des géants y sont organisés. “Sincèrement, la FIS doit se décider, continue Matteo Joris. Il faut créer un programme sur cinq ans, avoir une ligne directrice et ne pas changer tout le temps le format pour que nous puissions travailler dans la continuité.”

La crainte de collision

Le géant parallèle est aussi au centre des préoccupations de sécurité. “Nous, les skieurs, nous nous retrouvons à 70-80 km/h avec des couteaux aux pieds alors que le risque de collision est grand”, lance Daniel Yule. A la FIS, on est conscient du problème. “C’est une grosse crainte de voir un athlète se crasher contre son adversaire”, reconnaît Markus Waldner. Afin de réduire le risque, la distance entre les parcours a été augmenté à 10,50 mètres au lieu de 9. “Mais nous voulons vraiment protéger le corps et nous souhaiterions que les athlètes portent des protections spécifiques obligatoire pour éviter toute coupure.”

Entre le parti des athlètes et celui des dirigeants du ski mondial, le dialogue reste difficile sur les différentes thématiques et problématiques du parallèle. Il suffirait toutefois que la FIS donne plus de considérations aux velléités des skieurs, sûrement les plus à même de juger la discipline et comment la développer dans le futur.

Johan Tachet, Chamonix