Le ski est parfois cruel. Les slalomeurs suisses, encouragés par tout un peuple agitant frénétiquement des centaines de drapeaux rouge à croix blanc, en ont font une nouvelle fois l’amère expérience ce dimanche à Adelboden. Si mercredi, c’est Daniel Yule qui échouait au pied du podium à Garmisch-Partenkirchen, c’est cette fois-ci Loïc Meillard qui manquait, d’un rien, d’un souffle, d’un minuscule centième qui a basculé du mauvais côté, de monter sur la boîte dans l’Oberland bernois.
« Il y a énormément de frustration, ça fait mal surtout lorsque c’est à la maison », lançait le skieur d’Hérémence. « Un centième, tu peux le trouver à chaque virage, à chaque tournant où j’aurais pu mieux skier. » Poussé par un chaud public, le Valaisan avait signé le 2e chrono de la première manche. Il s’est ensuite laissé surprendre sur le second par les traces qui s’étaient formées sur la Chuenisbärgli en moins bon état que la veille lors du géant. « Sur le premier tracé, c’était bien, mais sur le deuxième, j’ai eu de la peine à pousser dans le rail qui s’est formé et à créer de la vitesse. Au final, cela coûte vite du temps. »
Reste qu’avec une 3e place lors du géant et une 4e lors du slalom, le bilan est « très bon » pour l’Hérensard qui prend « des bons points ». Il poursuit sa progression dans la hiérarchie mondiale avec la perspective de jouer le haut du tableau du général. « Jouer le top 3 du général est la conséquence de bien skier à chaque course, de monter sur les podiums et de faire des gros points. Et pour l’instant, il me manque encore un peu cette régularité de monter sur le podium. »
Ramon Zenhäusern: « J’arrêterai le ski quand je serai sur le podium d’Adelboden »
En embuscade, Ramon Zenhäusern s’améliore de sortie en sortie après sa 8e place, correspondant à son meilleur résultat de l’hiver. « Je me sens très bien. Je n’ai plus d’excuse au niveau de la santé maintenant. Ça va dans la bonne direction car je suis bien dans mon corps et cela me met en confiance », explique le géant de Bürchen qui se plaît toujours à skier sur la Chuenisbärgli.
« Je m’y sens comme à la maison. J’y ai marqué mes premiers points de Coupe du monde, j’ai également réussi mon premier top 7. » Il ne reste plus qu’à, un jour, monter sur le podium. « Tant que je n’y parviens pas, je n’arrêterai pas ma carrière », se marre le Haut-Valaisan.
Ému, Marc Rochat performe sous les yeux de son premier entraîneur
Pendant que les athlètes suisses défilent aux interviews, Marc Rochat assure le show, s’amuse avec le public, comme il s’est éclaté sur la piste. « Je suis un joueur de nature et si je perds le plaisir, je perds la performance. Là, je m’amuse, je joue et je suis comme un gosse. Tout devient très facile quand c’est comme ça. » Le skieur vaudois de Crans-Montana a confirmé sa 7e place de Garmisch-Partenkirchen, avec un 9e rang dans l’Oberland bernois. Mais pour le stakhanoviste slalomeur, cette performance avait une saveur particulière. « C’est une course extraordinaire, de pouvoir faire ça devant ce public. Là, je vois mon entraîneur d’enfance qui est là, qui est venu nous voir, Luca (ndlr: Aerni) et moi », glisse-t-il, ému, avec une larme perlant sur sa joue.
Son émotion est belle à voir après les nombreuses galères qui ont longtemps freiné sa progression. Mais Marc Rochat n’a jamais lâché. « Il y a tellement de moments difficiles dans une carrière sportive. C’est le genre de moments qui fait tout oublier. Gosse, j’ai rêvé de venir ici et maintenant, ça fait plusieurs années que je suis là. Mais je n’ai pas toujours réussi à saisir les opportunités et aujourd’hui, je crois que c’est mission accomplie. Je suis hyper content. » À 30 ans, le Vaudois donne l’impression de véritablement lancer sa carrière. « J’étais un peu fougueux auparavant, j’ai toujours eu de grandes ambitions parce que je croyais en mon potentiel et en mes capacités. Mais j’ai eu un chemin un peu différent des autres. Il m’a fallu un peu plus de temps pour m’établir et pour rendre des performances comme celle d’aujourd’hui. »
Les mauvais choix de Daniel Yule
Daniel Yule est, lui, resté légèrement en retrait de ses standards de ce début d’hiver. « C’est un résultat correct mais frustrant », lance-t-il. « Les 11es places ne font pas rêver. » Le Valaisan rappelle qu’il n’a jamais été rapide sur ce type de neige. « Mon 4e rang de Garmisch-Partenkirchen mercredi était un petit exploit dans ces conditions. Ma performance du jour reflète davantage mon niveau sur ce type de neige molle. »
D’autant plus que des mauvais choix de skis sur le premier parcours ont empêché le skieur de La Fouly de prétendre à un meilleur résultat. « Ce matin, la neige était assez similaire à hier. Et même pendant la reconnaissance, c’était encore très bon. Mais après la reconnaissance, la neige s’est réchauffée un peu, ça donnait un peu moins de réponse et on n’a pas eu le courage de changer de skis. Justement, c’est difficile de prendre une décision quand on ne voit pas la piste », poursuit-il en assurant, plus que d’autres athlètes, se sentir complice avec ses skis. « Je suis quelqu’un qui dépend beaucoup de mon matériel pour exprimer mon meilleur ski. »
Johan Tachet, Adelboden