Justin Murisier a conclu jeudi la meilleure saison de sa carrière en vitesse. En prenant la 10e place du dernier super-G de l’hiver, remporté par son pote Marco Odermatt, à El Tarter, le Valaisan a terminé au 7e rang de la spécialité. Une performance remarquable compte tenu que le skieur bagnard a été freiné par une hernie discale cet automne qui lui avait fait perdre toute la force dans son mollet gauche. “Ce résultat n’est pas trop mauvais avec une seule jambe”, a rigolé Beat Feuz sur les réseaux sociaux pour féliciter Justin Murisier.

A l’heure de tirer le bilan, c’est toutefois un sentiment mitigé qui anime le Valaisan. S’il est heureux de sa saison, il aurait espéré mieux s’il n’avait pas été perturbé physiquement.

Justin Murisier, vous terminez 7e du classement du super-G. Votre saison dans la discipline est une réussite.

Oui. Sincèrement, j’avais des espoirs de faire mieux avant l’opération du dos, c’est clair. J’avais quand même l’objectif de faire des podiums. Finir cette saison sans podium, c’est un peu un peu frustrant, mais après, je savais qu’en entrant dans la saison en n’étant pas à 100 %, ça allait être difficile. Mais j’ai quand même fini 7e en super-G. Je pense que c’était une bonne décision de ne pas prendre le statut de blessé, pour ne pas profiter du système. Crocher a toujours été ma manière de faire. J’en suis récompensé en super-G, mais par contre cela m’a un peu pénalisé en géant.

Cela démontre également vos énormes progrès en vitesse. Pas uniquement en super-G, mais également en descente?

C’était mon objectif. L’année passée, j’ai basé ma préparation un peu plus sur la vitesse pour vraiment faire le step en descente et en super-G où j’ai fait mes première et deuxièmes saisons complètes dans ces disciplines. Terminer 7e est top. En descente, il ne me manquait pas grand chose pour aller aux finales. Mais je fais une belle saison en me classant 28e. Ça promet pour l’avenir.

Et si… Et s’il n’y avait pas eu cette blessure en début de saison. Où aurait-on retrouvé Justin Murisier cet hiver?

Sincèrement, je suis quelqu’un qui réfléchit rarement avec des si. Parce que si je revenais vraiment en arrière, avec toutes mes blessures, je pourrais tout le temps parler avec des si. Ça sert donc à rien. Mais c’est clair qu’avant la saison, j’avais l’objectif de faire des podiums et j’ai très vite remarqué qu’avec l’opération ça allait être très dur. Je me serais vu sur le podium, mais ça n’a pas marché. Je vais tout faire pour en réaliser la saison prochaine.

Il y a du coup des regrets?

Oui et non. Quand je me suis fait opérer, j’avais zéro force dans ma jambe, zéro sur dix. On m’avait dit que ça se pourrait que je retrouve la force, mais que ça se pourrait également que je ne la retrouve pas. Si je reviens en arrière, je regarde l’état dans lequel j’étais trois semaines après l’opération, j’avais l’impression que je n’allais pas pouvoir revenir en tant que sportif professionnel. Je me dis que je suis très très content de terminer sur une 7e place cette saison en super-G et de pouvoir construire là-dessus.

Vous avez pu skier comme vous le souhaitez ces dernières semaines, sans trop de douleurs?

Pas réellement. Parce que j’ai commencé l’hiver en étant à 80%, même moins. Je n’ai pas pu faire la rééducation de toute la saison avec toutes les courses qui s’enchaînaient, avec mon programme entre le super-G, la descente et le géant. Maintenant, ça sera l’objectif principal: faire de la rééducation, essayer de retrouver la forme physiquement. Et on verra ensuite. Franchement, le ski, ce n’est pas ma priorité. L’objectif premier est d’abord de retrouver la santé et puis de reprendre le ski vers juillet-août.

Quel va donc être le programme ces prochains mois? Du travail en salle de force, avec de la physiothérapie?

Il y aura beaucoup de physio. Je dois essayer de retrouver un peu la mobilité, que ce soit dans le dos et dans le genou. Et après, il va falloir faire aussi un travail de force parce que j’ai perdu 5-6 kilos avec l’opération. C’est donc quelque chose que je dois absolument reprendre parce qu’en descente, on voit qu’il est important d’être un peu plus lourd.

Mais avant cela, il y a les Championnats de Suisse, à la maison pour vous, à Verbier et à Bruson?

Je me suis inscrit en géant, en super-G et à la descente, mais on verra comment mon genou réagit. Compte tenu de ma santé, je dois me faire taper les genoux à chaque entraînement, à chaque course. Si je vois que j’ai trop mal, je ne vais pas prendre le départ. Mais je serai là, en tout cas pour le public et pour les gens de ma région.

D’autant plus que ce sera une belle fête du ski.

C’est magnifique que Verbier veuille s’investir aussi dans l’alpin. C’est promettre pour l’avenir, avec la volonté de faire des courses de Coupe d’Europe. Ça redonne un peu de mouvements aussi aux ski-clubs de la région avec l’envie de former à nouveau un peu des jeunes de la région.

Marco Odermatt, nous disait que vous échangiez beaucoup. Qu’est-ce que vous lui apportez personnellement?

On adule Marco (Odermatt) parce qu’il est au top de la hiérarchie. Mais nous, on a l’impression des fois, que l’on est un peu les viennent-ensuite, les deuxièmes couteaux, voire même un peu les nuls, presque. Mais ce qu’on oublie, c’est que ça se joue à des centièmes. Je suis à une seconde de Marco sur le super-G ici à El Tarter, c’est rien du tout. Et c’est pour ça qu’on peut s’aider beaucoup. Marco ne me voit pas comme un nul. Il me voit comme un de ses concurrents. Mais il voit aussi que j’ai le potentiel pour être aussi rapide que lui. On s’aide en ayant deux avis à la reconnaissance, en ayant deux avis à l’entraînement et on essaie de travailler avec ça. Si lui, ça peut lui faire gagner dix centièmes et moi, ça peut me faire gagner dix centièmes, c’est une ou deux places de mieux à l’arrivée et on est les deux très contents.

Marco Odermatt et Justin Murisier font toutes les reconnaissances ensemble. (Francis Bompard/Zoom)

Comment cela se passe-t-il concrètement? Vous réalisez les reconnaissances de course toujours ensemble?

Effectivement, nous faisons toutes les reconnaissances à deux. On a toujours le même plan, on voit les choses de la même manière et on discute beaucoup, pour savoir ce que l’on pense chacun sur telle ou telle porte: ‘Est-ce que tu prends un mètre de marge ou tu es plus direct?’ Souvent on a le même plan. Ce qui est bien est que je peux me repérer sur lui lorsqu’il s’élance avant moi, et lui fait pareil lorsque je m’élance avant lui. Et c’est vraiment un avantage.

Vous estimez que vous avez plus ou mois le même style de ski au niveau de la prise de risques, des trajectoires que vous prenez?

Le style du ski, pas du tout, parce que Marco, il est vraiment de la nouvelle génération. J’ai presque six-sept ans de plus que lui. Mais par contre, les lignes, on ne parle pas de cinq mètres. On parle de 20 centimètres ici, 20 centimètres là. Et puis surtout, nous partageons le même mindset. On sait où on veut pousser, où on veut prendre un peu de la marge pour engranger de la vitesse sur un plat. Et c’est vrai qu’on a toujours un peu le même plan.

Johan Tachet, El Tarter