Ils sont plusieurs centaines à dévaler toute l’année durant les pentes poudreuses de la planète en quête de précieux points sur le Freeride World Qualifier (FWQ). Cette compétition, qui regroupe une soixantaine d’événements aux quatre coins du globe, est l’antichambre du Freeride World Tour (FWT), circuit mondial et médiatisé du freeride. 
 
De l’ombre à la lumière, les places sont chères pour tous ces riders qui rêvent d’intégrer le prestigieux Tour où se retrouvent, saison après saison, une cinquante d’élus seulement. Chaque année, uniquement les trois meilleurs skieurs, le meilleur snowboardeur et les lauréates des classements de snowboard et de ski féminins du Qualifier décrochent leur ticket pour le FWT. Et lorsque seulement les trois meilleurs résultats comptent pour établir le classement, le droit à l’erreur n’existe pas.

En marge de la Verbier Freeride Week, six riders, aux objectifs divers et aux sensibilités différentes, nous content leur trajectoire, pas toujours rectiligne, sur ce circuit Qualifier des plus relevés, avec en point de mire: intégrer le World Tour. 
 
Premier des trois volets avec l’Autrichien de Verbier Mathieu Gschwandtner et l’Ecossais Rob Kingsland.


Mathieu Gschwandtner (Autriche, Verbier) 

Particularité: il a remporté la seconde compétition 2* de la Verbier Freeride Week lundi.

“Quarante skieurs peuvent accrocher l’une des trois places pour le World Tour”

Mathieu Gschwandtner. (Verbier Freeride Week)

Mathieu Gschwandtner débarque avec ses parents – sa maman est autrichienne et son papa français – à Verbier à l’âge de 5 ans. Naturellement, le Valaisan d’adoption s’accommode rapidement des pentes poudreuses du val de Bagnes et progresse rapidement. Après plusieurs podiums sur le Juniors Tour, il fait ses armes en 2017 sur le Qualifier et se montre rapidement compétitif avec une 3e place à Jasna notamment et une 9e à Nendaz dans des compétitions 4*. 

Ces résultats probants l’incitent à rêver un grand et viser le Freeride World Tour. “Mais il faut avoir un peu de chance pour passer”, lance le skieur. “Je pense qu’il existe au moins quarante gars qui ont le potentiel pour accrocher l’une des trois places pour le World Tour en ski. C’est vraiment dur. Des riders sont là depuis dix ans et naviguent entre les places 6 et 10 sans parvenir à ce podium.”

Pour mettre toutes les chances de son côté, il décide de prendre une année sabbatique l’hiver dernier. “J’avais travaillé tout l’été pour être tranquille l’hiver. J’étais motivé, cela devait être mon année.” Malheureusement, la saison ne se passe pas comme souhaitée pour le jeune homme de 20 ans qui ne fait jamais mieux que 10e. “Je me suis mis trop de pression et j’ai fini loin de mes objectifs.”

Mathieu Gschwandtner change alors de stratégie. Il entame des études de sports et d’allemand à Fribourg, ce qui lui permet de relativiser ses performances sur les skis. “Pour l’instant, c’est bénéfique. Je profite également d’une excellente condition physique avec les vingt heures de sports que je pratique à l’uni.” Preuve en est, lundi il a remporté à Bruson la seconde compétition 2* de la Verbier Freeride Week. Le World Tour, ce skieur, fan du snowboardeur Xavier de le Rue, n’en fait pas une fixation pour autant. “Je prends saison après saison. Mais tant que je suis étudiant et que je prends du plaisir, je continuerai en compétitions.” 

Au-delà des songes, Mathieu Gschwandtner se plaît dans une communauté où les rivalités s’oublient au profit des amitiés et des aventures humaines. “Je viens de l’alpin à l’origine. Je me rappelle que dans cette discipline, chacun se réjouissait de la chute d’un adversaire. Le freeride est totalement différent. Si l’un de nous tombe, on sera déçu pour lui, alors que s’il gagne, on sera tous contents. Le Qualifier, c’est avant tout des voyages, de la fête, des potes, dans une superbe ambiance.”


Robert Kingsland (Ecosse, Glencoe)

Particularité: ambassadeur britannique pour le freeride

“Pour être performant, tu dois prendre plus de risques que les autres riders”

Rob Kingsland (Facebook)

C’est entre deux distilleries de Whisky et une dizaine de troupeaux de vaches écossaises que Robert Kingsland a appris à skier. A Glencoe exactement, dans les Highlands, la plus ancienne station de ski du Royaume. Mais les pentes britanniques sont rapidement devenues trop petites pour “Rob” qui arpente désormais les faces du Qualifier depuis cinq années. 

L’Ecossais n’a jamais véritablement eu l’intention de rejoindre le World Tour, mais il a pu se rendre compte de l’évolution de sa discipline. “Depuis mes débuts, le niveau a considérablement augmenté sur le Qualifier. A l’époque, il y avait deux ou trois beaux runs par compétition et il était bien plus facile d’atterrir sur le podium. Hier (ndlr: dimanche), j’ai vu au moins dix gros runs. Aujourd’hui, tu te bats contre cinquante gars qui ont autant de potentiel que toi.”

Avec une concurrence croissante, les athlètes doivent dépasser leurs limites afin de régaler les juges et taper haut dans le classement. “Pour être performant et compétitif, tu dois être totalement dédié et concentré sur ton sport, sur ce que tu fais. Et surtout tu dois être en mesure de prendre davantage de risques que les autres riders.” D’ailleurs, Rob Kingsland a choisi de lever le pied, de rider “plus safe”. “Il est difficile de trouver un équilibre, car mon objectif est de vouloir skier tout l’hiver et donc de ne pas me blesser.”

A 26 ans, il se dit “trop vieux” pour prendre trop de risques, d’autant plus qu’il doit faire tourner son business en Ecosse. Mais cela n’empêche pas “Rob” de lorgner sur un exploit si la bonne occasion se présente au cours de l’un des cinq événements auxquels il prend part cette saison. “Il y aura bien une compétition où tu sais que tous les paramètres sont alignés pour que tu puisses être performant.” Laquelle? Le Britannique ne le sait pas encore. “C’est le jour même que tu t’en rends compte, lorsque les conditions sont pour toi et que tu te sens physiquement et mentalement prêt à tout lâcher.”

Johan Tachet, Bruson/Verbier