Marco Odermatt brille de mille feux depuis le début de la saison. Le Nidwaldien de 23 ans, auteur de trois podiums en autant de courses de géant cet hiver dont une victoire à Santa Caterina, est devenu le premier Suisse à remporter une épreuve dans la discipline depuis Carlo Janka en mars 2011. L’athlète d’Hergiswil est également devenu le premier skieur helvétique à porter le dossard rouge de leader en géant, toujours depuis Carlo Janka qui avait été le dernier à la revêtir en décembre 2009. Des résultats probants qui font du petit prodige du ski suisse a un candidat crédible au Globe de cristal qui attend un successeur suisse depuis Didier Cuche, il y a près de 12 ans.

Un Didier Cuche, retraité des pistes depuis 2012, qui ne manque d’ailleurs pas de suivre les exploits devant son petit écran de celui dont il est l’idole. Admiratif, le quintuple vainqueur de la descente de Kitzbühel est persuadé que Marco Odermatt est promis à un brillant avenir. Entretien à la veille des premières épreuves de vitesse de la saison à Val d’Isère, la station où Didier Cuche était devenu champion du monde de super-G en 2009.

Didier Cuche, vous êtes le dernier skieur suisse à avoir décroché le Globe de cristal de géant, c’était en 2009. Estimez-vous que Marco Odermatt peut vous succéder déjà cet hiver?

Marco sera très difficile à aller chercher pour le Globe en géant, car, même s’il n’est pas intouchable, il est très régulier. En plus, il a engrangé énormément de confiance grâce à ses résultats en ce début de saison.

Comment analysez-vous son style sur les skis?

Il possède un très bon toucher de neige, il n’est jamais en puissance ou en dérive. C’est très pur, il sait contrôler la vitesse, les entrées de virage et les endroits stratégiques de la piste où il faut skier avec la tête. On l’a vu à Santa Caterina, il a été le seul à parfaitement savoir gérer les portions délicates. Mentalement, il est déjà très fort.

Pensiez-vous qu’il puisse être aussi performant à seulement 23 ans?

C’est vrai que c’est tôt à cet âge. Mais il avait déjà prouvé tout son talent chez les juniors, où il a tout remporté et l’an dernier avec plusieurs podiums en géant, sans oublier cette victoire lors du super-G de Beaver Creek. Il skie en pleine confiance. Le stress ne l’atteint pas. Même porter le dossard rouge ne l’a pas déstabilisé. Je ne suis pas du tout surpris, surtout que je le connais depuis qu’il est petit.

Marco Odermatt nous avait avoué que vous étiez son idole et qu’il avait effectivement eu la chance de skier avec vous plus jeune.

Je m’en souviens très bien. Il avait remporté plusieurs fois la Silvano Beltrametti Cup, une course très relevée et réservée aux enfants entre 9 et 12 ans à Lenzerheide. Les gagnants remportaient une journée de ski avec moi. Nous avions ainsi pu skier ensemble avec Marco Odermatt et parler un peu de technique. Franchement, chez Marco, il n’y avait quasiment rien à revoir, si ce n’est quelques petits détails. C’était assez bluffant pour un jeune de son âge.

Peut-on tirer un parallèle entre Marco Odermatt et vous?

Pas véritablement, car je n’étais pas aussi performant que lui en géant à son âge. Je me suis d’abord affirmé dans les disciplines de vitesse. J’ai dû attendre 10 ans avant de remporter le Globe en géant. Marco est davantage dans l’acquisition des bases techniques, ce qui va bien évidemment lui profiter dans le futur en vitesse.

Quelles sont les limites du skieur nidwaldien? Est-il un candidat crédible pour remporter le classement général?

Peut-être pas tout de suite, cela dépendra des aléas. Mais s’il est épargné par les blessures, ce ne sera qu’une question de temps, car il a un gros potentiel. D’autant plus que Marco possède une belle marge de progression. Il peut déjà jouer devant en super-G, il l’a déjà prouvé l’hiver dernier. En descente, il ne connaît pas encore toutes les pistes, c’est une discipline qui demande un peu de bouteille. Mais c’est un gars qui apprend très vite, il est très instinctif.

D’un point de vue plus global, comment voyez-vous la saison de vitesse pour l’équipe de Suisse qui débute ce week-end à Val d’Isère?

Beat Feuz est performant dans toutes les situations. Même s’il doit faire attention à son genou, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas reprendre où il en était resté et remporter un nouveau Globe de cristal en descente. Pour Mauro Caviezel, il lui faudra un peu de routine après sa blessure au tendon d’Achille pour crocher à nouveau devant, mais je suis confiant. Dans l’ensemble, les résultats de la saison dernière ont fait énormément de bien à toute l’équipe, à tout l’encadrement. Cela prouve que l’équipe travaille sur le bon chemin. Ces performances ont permis également de tirer en avant les seconds couteaux. Et la Suisse surfe désormais sur ce dynamisme.

Johan Tachet