C’est avec des fourmis dans les jambes que Marco Odermatt a assisté cette année avec le sourire à la mythique descente de Kitzbühel et au légendaire slalom de Schladming. S’il se remet tranquillement d’une blessure au ménisque du genou droit contractée en fin d’année 2019 à Alta Badia et a pu prendre part au super-G du Hahnenkamm vendredi ainsi qu’au géant de Garmisch-Partenkirchen, le Nidwaldien est encore un peu juste pour s’aligner en descente. Mais le vainqueur du super-G de Beaver Creek va de mieux en mieux et compte bien jouer encore les premiers rôles d’ici la fin de l’hiver, à commencer par jeudi et vendredi à Saalbach-Hinterglemm.

S’il donne souvent l’impression d’être décontracté, Marco Odermatt a déjà tout d’un grand champion et notamment une détermination sans faille. Il a d’ailleurs chaussé ses premières lattes à 2 ans dans son petit canton de Nidwald. « Depuis tout petit, Marco est venu skier en ma compagnie avec le sourire, raconte son père Walti, alors entraîneur au ski club local. Il était plus léger et donc moins rapide que les autres, mais il ne se décourageait pas. » Suivre les traces des plus grands, c’était le leitmotiv du blondinet. Parmi ces plus âgés, figuraient notamment Andrea Ellenberger et Reto Schmidiger, qui ont depuis fait leurs preuves en Coupe du monde.

Reto Schmidiger comme modèle

«Reto a toujours été un modèle en quelque sorte», avoue d’ailleurs le skieur de 22 ans. Par la suite, Marco Odermatt a rêvé de glisser dans le sillage de Didier Cuche, son idole de jeunesse. «Plus jeune, j’ai eu la chance de gagner une journée de ski avec lui, se souvient la nouvelle coqueluche du ski suisse. C’était génial car il était une vraie inspiration. Il était rapide et toujours sympa aux interviews. Il partageait beaucoup d’émotions. D’ailleurs, je n’exclue pas de travailler un jour avec lui.» Un sujet toutefois pas forcément d’actualité… 

Il faut dire que le prodige nidwaldien avale les étapes à une vitesse folle. «C’est notre grand espoir, il a le potentiel pour aller très loin», relève Beat Feuz, avec qui il échange souvent. Malgré sa progression fulgurante, le skieur d’Hergiswil tente de garder les pieds sur terre, tout en rêvant de gagner un jour le mythique géant d’Adelboden. S’il se perd, ses parents sont toujours là pour l’aider à retrouver sa route. «Marco est très équilibré, se réjouit son père. Il est toujours joyeux, c’est important notamment quand il va skier mais j’espère que son nouveau statut ne va pas le changer. Je n’aime pas dire qu’il est une superstar. Les blessures peuvent arriver tellement vite et on sait à quel point c’est difficile de revenir ensuite qu’il ne faut pas s’enflammer.» 

Lors de sa victoire à Beaver Creek, il a réussi une prestation de très haut vol. (Alexis Boichard/Zoom)

Des parents bienveillants

Dans cette optique, le jeune skieur est passé par le Centre national de performance d’Engelberg, d’où il n’est pas ressorti les mains vides mais avec une maturité en économie. «C’était très important pour nous qu’il fasse des études, poursuit Walti Odermatt. Il lui fallait un plan B au cas-où le ski ne fonctionnait pas.» Aujourd’hui émancipé, le sextuple (!) champion du monde juniors a longtemps compté sur sa famille. «Je pense que pour lui, la famille était très importante jusqu’à ses 17-18 ans, ajoute son père. Aujourd’hui, il a des entraîneurs géniaux, une super équipe. Il est totalement intégré. Il revient avec plaisir à la maison, mais ce n’est plus exactement comme avant.»

Ce qui ne l’empêche pas de suivre les exploits de sa petite soeur Alina. «Elle vient de marquer ses premiers points en Coupe d’Europe», sourit le champion. Deux fois 23e à l’échelon inférieur, la descendeuse de 19 ans sera à Crans-Montana ce week-end mais elle a encore du chemin avant de suivre son frère. «Elle est solide, analyse son père, qui n’a lui participé qu’à quelques courses FIS. Cependant, c’est parfois difficile car elle moins de talent que Marco. Mais je la soutiens à fond et pour l’instant tout se passe pour le mieux.» La mère de famille, Priska, n’a pour sa part jamais accroché avec le monde du ski. Elle soutient ses enfants mais tremble souvent lorsqu’ils s’élancent sur les pistes les plus dangereuses du monde. 

Le Globe, un but sur le long terme

Un jour, c’est le gros Globe de cristal que Marco Odermatt tentera d’atteindre. «C’est tellement loin pour moi actuellement, tempère-t-il toutefois. Je ne ressens ni de la pression ni de la motivation pour ça, c’est irréaliste pour l’instant. Le but, c’est de gagner un jour le général, c’est clair, mais là, je me concentre sur moi-même, je me fixe mes propres objectifs. Je sais que je peux skier vite dans plusieurs disciplines, mais j’ai encore besoin de quelques années d’expérience supplémentaires.» 

Notamment en descente, où il reste encore loin des meilleurs spécialistes. «Il est vrai que je dois encore prendre de la masse, admet celui qui pèse actuellement quelque 90 kg. J’ai le temps, ce n’est pas encore la priorité. D’ailleurs, j’aime toutes les disciplines. J’apprécie aussi beaucoup m’entraîner en slalom par exemple.» Certains se demandent s’il ne se met parfois pas en danger, à force de jouer avec les limites. «Je suis un skieur qui donne quasiment 100% à chaque course mais je crois que je reste suffisamment intelligent pour ne pas prendre trop de risques, se défend-t-il. C’est très important de connaître sa limite.»

Le Nidwaldien se plaît sur les podiums de Coupe du monde. (Maeva Pellet/SkiActu)

Un pur produit helvétique

Souvent comparé à Loïc Meillard, avec qui il partage plusieurs sponsors et surtout un potentiel gigantesque, Marco Odermatt apprécie son coéquipier avec qui il passe énormément de temps. «Avec Loïc, il y a un rivalité, bien sûr, reconnaît-il sans sourciller. Mais c’est cool d’être deux jeunes dans la même équipe qui se battent tout devant.» Le Valaisan est du même avis: «On s’entend vraiment bien dans cette équipe et c’est agréable de se pousser à progresser entre nous».

Et le public suisse peut se réjouir. La plupart des sponsors de Marco Odermatt sont du cru, à l’image de Stöckli, dont il est le principal et fier atout. «Je travaille avec eux depuis 11 ans, on se connaît très bien et ils font le maximum pour moi, se félicite le principal intéressé. J’ai aussi des amis là-bas, c’est parfait.» Et alors qu’il préfère pour l’heure s’exprimer en allemand ou en anglais, le Nidwaldien promet qu’il le fera très bientôt également en français. Histoire de véritablement assumer son statut d’icône suisse en devenir. «Heureusement, nous ne sommes pas comme les footballeurs», rappelle une dernière fois le jeune homme, qui pratique volontiers le golf, le tennis ou encore le wakeboard lorsqu’il en a le temps. «Je veux toujours m’amuser avec mes amis et ne pas prendre la vie trop au sérieux», conclut-il d’ailleurs.

Laurent Morel