« Franchement, c’est le plus beau moment de ma vie d’athlète. » Impossible de ne pas deviner le large sourire qui orne le visage de Corinne Suter, certes masqué. Ses yeux pétilles, et autour de son cou, sa médaille d’or scintille. La Schwytzoise est entrée dans le grand livre du ski mondial devenant samedi à Cortina d’Ampezzo championne du monde de descente, dans celle que beaucoup considèrent comme la discipline reine, 32 ans après Maria Walliser. « Depuis toute petite, j’ai rêvé de ce jour. Enfin à la base, je ne rêvais que de me retrouver déjà dans un portillon de départ, et là, me voilà avec cette médaille autour du cou. Si quelqu’un avait un jour prédit cela, je lui aurais ri au nez. »

Une fille des grands rendez-vous

Ce titre ne tombe pas nulle part. Depuis deux ans, il est difficile de trouver une skieuse aussi constante et présente aux avant-postes en descente que Corinne Suter, qui compte 8 podiums sur les 15 dernières épreuves disputées et qui a remporté le Globe de cristal de la spécialité, ainsi que celui du super-G, la saison dernière.

Mais imaginez seulement qu’avant les Mondiaux d’Åre en 2019, la skieuse de Suisse centrale n’était jamais montée sur la boîte, avant de remporter deux médailles en Suède: l’argent du super-G et le bronze de la descente. « Je crois vraiment que l’adrénaline m’aide vraiment, me motive plus que jamais », glisse la désormais quadruple médaillée mondiale, au moment d’expliquer sa recette lors des grands rendez-vous. Une réponse peut-être trouvée par Michelle Gisin, 5e de la descente: « Corinne est impressionnante par sa faculté à gérer mentalement la pression et ses nerfs. Peu d’athlètes le font aussi bien. Et en plus, elle est une descendeuse complète. C’est une glisseuse de rêve et techniquement, elle est très forte. »

Des bougies et des skis en feu

Encore faut-il parvenir à réunir tous les ingrédients le jour J. Si son compagnon a été à l’église de la station des Dolomites pour allumer des bougies avant la descente, Corinne Suter s’est réveillée avec un bon pressentiment et d’excellentes jambes. « Je me sentais vraiment bien, acquiesce-t-elle. J’étais pleine d’énergie. C’est toujours un bon signe quand vous vous sentez comme ça avant une course. Je me suis dit: tu as bossé tout l’été, tu t’es donnée à 100% , tu as fait tout ce que tu as pu. Je savais que je pouvais décrocher un superbe résultat, gagner. »

Corinne Suter plane dans l’aire d’arrivée, autant qu’elle a survolé la descente mondiale sur cette piste Olimpia delle Tofane sur laquelle elle n’avait jamais brillé… jusqu’à jeudi dernier et son titre de vice-championne du monde de super-G. Lors de la descente du jour, elle a taillé la courbe mieux que quiconque dans la partie technique, avant de filer, fusées aux pieds, vers l’or mondial sur le bas du tracé. « Mon serviceman a fait un énorme boulot, je ne peux que le remercier, rigole la Schwytzoise. J’ai fait la course que je souhaitais, ce que je devais faire pour prendre de la vitesse. »

Rester la même Corinne Suter

La nouvelle reine de la descente va désormais prendre le temps de profiter de son succès planétaire, mais elle assure que son titre ne va nullement changer sa personnalité. Elle reste une fille plutôt réservée qui préfère ne pas se retrouver au centre de l’intérêt. »On sait tout les sacrifices nécessaires et tout le travail que cela implique pour décrocher une médaille d’or, il est alors important de garder les pieds sur terre. »

Et personne ne remet en question le succès de Corinne Suter, encore moins sa compatriote Michelle Gisin: « Corinne mérite amplement son titre olympique… euh, du monde. » Un lapsus, un songe doré, à une année des Jeux olympiques de Pékin. Bon présage?


Lara Gut-Behrami: « Corinne mérite son titre »

« Remporter deux médailles lors de mes deux premières courses ne m’étais jamais arrivé. Réussir à gagner le bronze sans réaliser une grosse manche est positif. J’ai commis une grosse faute après le deuxième temps intermédiaire et je suis sortie de la ligne idéale. Ce résultat démontre encore une fois que je suis de retour, que je skie à mon niveau. Je reproduis le ski pour lequel j’ai travaillé tous les jours. J’ai plus d’expérience qu’il y a cinq ans quand j’ai remporté le Globe. Corinne (ndlr: Suter) mérite son succès, elle a fait une course incroyable et elle est l’une des meilleures descendeuses du circuit. »

Johan Tachet, Cortina d’Ampezzo