En se réveillant dimanche matin, les Kiwis vont encore avoir de la peine à réaliser. Immenses favoris de la Coupe du monde de rugby, les All Blacks ont cédé devant l’Angleterre alors que dans le même temps, une skieuse du pays de 17 ans décrochait sa première victoire sur le Cirque blanc. Il y a fort à parier qu’Alice Robinson va rapidement devenir la coqueluche du pays insulaire de moins de 5 millions d’habitants.

Déjà deuxième en géant lors des finales de Coupe du monde à Soldeu (AND) à la surprise générale en mars, la skieuse de Queenstown, capitale des sports extrêmes en Nouvelle-Zélande, a fait mieux que confirmer à Sölden. Grâce à des courbes parfaitement taillées sur le glacier du Rettenbach, elle a relégué Mikaela Shiffrin et Tessa Worley sur les 2e et 3e marches du podium. De quoi confirmer, s’il le fallait, le potentiel de celle que de nombreux observateurs imaginaient comme la révélation de la saison.

Des angles incroyables

Alice Robinson a pris part à sa première course de Coupe du monde en janvier 2018 à Kranjska Gora (Zoom)

Voir descendre Alice Robinson, c’est s’offrir un petit voyage au pays des merveilles. Précise, agressive mais pas trop, sa façon de skier ne va pas sans rappeler celle des plus grands. Certains iront jusqu’à dire qu’elle s’inspire du style de Marcel Hirscher. Son entraîneur Chris Knight ne préfère pas s’aventurer dans les comparaisons. “Elle a son propre style, souligne-t-il. Celui-ci est différent des autres. Sa force, c’est qu’elle est très solide et prend des angles incroyables en course. Elle n’a peur de rien. Elle arrive à faire ce qu’elle souhaite. On a trouvé notre philosophie et on travaille tranquillement là-dessus.”

Tranquillement, oui. Car malgré ses exploits, la pétillante Néo-Zélandaise ne veut pas mettre la charrue avant les boeufs. “Je veux rester calme et continuer de gagner en constance, insiste-t-elle. Oui, j’ai battu Mikaela Shiffrin, mais il faut garder les pieds sur terre.” L’expression est juste mais peut-être mal choisie puisqu’Alice Robinson va s’envoler dès dimanche pour Queenstown, où elle doit encore suivre une semaine de cours à l’école. “Je ne crois pas que la pression va être un problème, a relevé Mikaela Shiffrin. C’est vraiment cool de voir le feu et la glace en elle. J’adore sa façon agressive de skier.”

La Nouvelle-Zélande et l’avantage du ski en été

Mikaela Shiffrin (à dr.) avait gagné sa première course de Coupe du monde à 17 ans et 9 mois. Alice Robinson a 17 ans et 10 mois… (Maeva Pellet/SkiActu)

Alors qu’elle n’a jamais connu de grave blessure, la 35e du géant des Jeux olympiques de PyeongChang compte également faire ses armes en super-G cet hiver. “Son potentiel est bon, peut-être infini, confirme son coach. On doit encore attendre (“wait and see”) en slalom car actuellement, elle est plutôt une skieuse de géant et de vitesse. Mais aucune porte n’est fermée. Elle n’a que 17 ans!” Et lorsqu’on sait que le coach en question n’est autre que Chris Knight, ancien mentor de Lindsey Vonn et Julia Mancuso notamment, le futur s’annonce plutôt radieux.

Il faut dire que le technicien et son élève ont de quoi être complices. Tous deux kiwis, ils se connaissent depuis longtemps. “Je ne m’occupe d’elle à plein temps que depuis la saison dernière, explique-t-il. Mais je la connais depuis toute petite et je l’ai souvent suivie lorsque je revenais en Nouvelle-Zélande. L’avoir est une excellente nouvelle pour le pays. Elle est très facile à vivre, une Kiwi typique.” L’entente est réciproque. “Ça se passe très bien”, lâche la pépite, qui a progressé avec les exploits de ses modèles Lindsey Vonn et Bode Miller.

Avoir grandi dans l’hémisphère sud ne semble pas être un problème dans un sport qui est habituellement plutôt dominé par les Européens et les Nord-Américains. “C’est un avantage d’être en Nouvelle-Zélande lors que c’est l’été en Europe, partage celle qui s’entraîne fréquemment dans la station de Coronet Peak. C’est toujours agréable de pouvoir s’entraîner à la maison. Après, en Europe, je suis tellement loin de chez moi l’hiver que ce n’est pas idéal.” Désormais, elle a une base d’entraînement dans le Val di Fassa (ITA).

Au mois de mars: “Peut-être que quelque chose va se passer la saison prochaine”

La Kiwi a participé aux Jeux olympiques à seulement 16 ans. (Zoom)

Disponible, l’énergique jeune femme aux tâches de rousseur a tout d’une future grande et certains sponsors tels que Red Bull ne s’y sont pas trompés. “Je ne pensais pas arriver à ce niveau cette saison, nous avouait-elle à Soldeu après son premier podium lors des finales de Coupe du monde, pour lesquelles elle s’était qualifiée grâce à son titre de championne du monde juniors. Je veux juste continuer à bien skier, de façon agressive, à m’améliorer. Et qui sait? Peut-être que quelque chose va se passer la saison prochaine.” Prémonitoire…

On se réjouit désormais de voir ce que la native de Sydney (elle a quitté l’Australie à 4 ans) est capable de réaliser sur des neiges plus froides (il faisait chaud tant à Soldeu qu’à Sölden). Une première réponse pourrait intervenir lors du géant de Killington, la prochaine étape à laquelle elle prendra part. Viendra alors peut-être le moment de penser un peu plus à son rêve: “remporter la Coupe du monde”. Elle le dit sans encore trop y croire: “Mais non (rires). On verra bien de toute façon”.

Laurent Morel, Sölden