Il y a un peu plus d’un mois, Yannick Chabloz était victime d’une grosse chute lors du second entraînement des descentes de Bormio. S’il avait pu se relever, le diagnostic faisait état de plusieurs fractures des vertèbres thoraciques, témoins de la violence du choc. Depuis, le Valdo-Nidwaldien a pu reprendre la condition physique et même chausser les lattes en ski libre. Toutefois, l’homme qui avait terminé 13e de la descente de Val Gardena la saison dernière ne reviendra pas à la compétition cet hiver. Mais cela n’empêche pas l’un des plus sûrs talents du ski suisse de suivre et encourager les copains sur le front de la Coupe du monde. D’ailleurs, ce week-end, il sera à Chamonix pour le slalom.

Yannick Chabloz, première chose, comment allez-vous?

Ça va plutôt bien. Ça avance bien, je m’entraîne en ce moment avec un nouveau coach de préparation physique chez moi, c’est bien de se remettre en forme.

Vous avez pu revenir sur la neige en ski libre. Quel est votre programme de rééducation?

Si tout se passe bien, je vais pouvoir dans deux semaines, après les Championnats du monde, passer à nouveau des piquets. En géant d’abord, et pourquoi pas en slalom. Je dois faire encore attention, car j’ai des légères douleurs selon les exercices que je pratique. Et surtout, il faut éviter tous les gros impacts, cela veut dire, il est interdit de chuter.

Quelle a été votre réaction au moment où vous vous blessez à nouveau à Bormio, seulement dix mois après votre grosse chute aux Jeux de Pékin? Le sentiment d’être maudit en quelque sorte ou plutôt celui où vous relativisez en vous disant que cela fait partie de la vie du descendeur que vous êtes?

C’était un mélange de sentiments. Mais au final, j’ai eu beaucoup de chance que ce ne soit rien de grave. Au premier diagnostic, lorsque l’on m’a dit que les vertèbres étaient touchées, j’ai eu peur. Mais je m’en sors bien. Je pense que je n’étais pas prêt pour Bormio. Dans ma tête, il y avait beaucoup d’appréhension, un peu de fatigue, car on venait d’enchaîner avec la Coupe d’Europe et la Coupe du monde à Val Gardena. Au départ, je n’étais vraiment pas sûr de vouloir faire Bormio à 100%, ça m’a joué un tour. Mais sur la route, j’étais confiant, je me réjouissais d’y aller, de faire des kilomètres et de gagner de la confiance, comme cela avait été le cas à Lake Louise. Après, c’est là que tu vois que ceux qui ont l’expérience comme Beat Feuz et Niels Hintermann savent dire non lorsqu’ils ne le sentent pas. Pour nous, les jeunes, c’est plus dur, car on doit montrer que l’on est là et on doit alors gagner notre place en qualifications lors des entraînements.

Ce manque de confiance est-elle la conséquence de votre chute à Pékin?

Oui, il y avait ce sentiment d’appréhension. J’ai dû aborder cette saison comme si tout était normal et ce n’était pas le cas. J’ai négligé cette blessure mentalement. Je me sentais bien durant l’été, mais dès les premiers entraînements de vitesse à Zermatt, j’ai connu un blocage mental. Je travaille désormais sur cet aspect pour être certain d’être prêt quand je reviendrai.

Vous reverra-t-on en compétition cet hiver?

Je veux prendre le temps d’être à 100%. En Coupe du monde, c’est impossible, car il ne me resterait plus que les courses à Aspen dans un mois. Le temps pour revenir également en Coupe d’Europe est trop court. Je veux vraiment me laisser le temps d’être prêt. Si j’étais à 150% pourquoi pas, mais ce n’est pas le cas. Ma blessure des Jeux m’a permis d’acquérir de l’expérience. Il ne faut pas brûler les étapes et faire une bonne rééducation. L’objectif serait d’être prêt pour faire des entraînements en avril avec les longs skis de vitesse.

Comment vivez-vous le fait de devoir regarder les copains skier?

Je le gère plutôt bien. Mes camarades vont bien et je suis très content des résultas d’Alexis (Monney) et de Gilles (Roulin). J’ai regardé les courses et quand j’ai vu Kitzbühel, je me suis dit que l’on était quand même des malades (rires). Quand on est dedans, on ne voit pas tout, mais quand tu analyses les images, tranquillement, c’est quand même fou et impressionnant. Ce n’est pas rien ce que l’on fait. Le danger est là en permanence et il faut l’assumer. On le voit à Kitzbühel avec Marco (Odermatt) et Kilde, les deux ont failli se mettre dans les filets. Ils ont maîtrise incroyable, mais ils sont sur le fil du rasoir. Un descendeur qui n’a jamais eu de chute, soit il a la facilité à ne pas prendre de risques, soit il a beaucoup de chance.

C’est par ce genre de blessure que l’on prend conscience du risque?

Quand on est jeune, on est naïf et on ne se rend pas compte. Oui, les blessures te font grandir et réaliser que tu joues avec ton corps par les risques que tu prends. C’est la raison pour laquelle je veux me laisser le temps. Et lorsque je remettrai les skis de vitesse, je veux être prêt. Dans la balance, les risques sont beaucoup trop grands si tu skies avec le doute par rapport aux résultats que tu peux obtenir.

Johan Tachet