Lorsqu’il a franchi la ligne d’arrivée, pour sa toute première chez les pros, Arnaud Boisset a échangé un regard avec sa maman Rachel. Dans les yeux des membres de la famille, se mélangent fierté et soulagement. Après tant de sacrifices, de galères, de blessures, le Martignerain de 25 ans s’est enfin élancé en Coupe du monde, casque vissé sur la tête en hommage à son papa Jean-Pierre Moret, disparu bien trop tôt, et affublé du dossard 33 avec la ferme volonté de démontrer qu’il appartient à la caste des meilleurs spécialistes de vitesse de la planète. Pari réussi, pour le Bas-Valaisan qui a tenu le choc face à l’agitation engendrée par ce baptême pour se classer 19e et marquer ses premiers points. “Si on m’avait dit ça en fin d’année passée ou il y a un mois ou même ce matin j’aurais signé de suite”, sourit le néophyte. “On partage des émotions très fortes, c’est pour cela qu’on fait aussi du sport de haut niveau.”

Naturellement, il y avait de la nervosité. Son camarade de chambre, le Finlandais Elian Letho qui s’entraîne avec le groupe suisse, l’a rassuré hier soir avant qu’Arnaud Boisset ne trouve assez facilement le sommeil. Ce matin, il s’est mis dans sa bulle, même s’il avoue que le stress lui a “grillé un peu d’énergie”. Sur la Saslong, comme à son habitude, il n’a pas traîné lors de la reconnaissance matinale. “Je l’ai faite seul et rapidement. Il y a beaucoup de coaches sur la piste et si tu discutes avec tout le monde, ça prend vite du temps. Le super-G, ça se skie aussi à l’instinct.”

Entre résilience, détermination et autodérision

Et en course, Arnaud Boisset n’a pas poussé le portillon avec l’unique intention d’admirer les magnifiques paysages des Dolomites. Il s’était fixé le top 30, le voici parmi les vingt. Au moment de franchir la ligne, c’est même le chiffre 14 qui accompagne son nom. “Avant même de regarder mon chrono, j’étais content, car j’ai pu exécuter mon plan. J’ai pris les risques qu’il fallait sur ce traçage qui était assez direct. Au final, c’était un soulagement. J’ai longtemps lutté pour avoir ma chance et j’ai su la saisir.”

Arnaud Boisset a su se montrer patient et faire preuve de résilience tout au long de son parcours. Longtemps, il a cru sa chance arriver. “Il y a trois ans, j’avais dit que si je continuais comme ça j’allais avoir ma chance en Coupe du monde. Je ne pensais pas que ça allait prendre autant de temps. C’est comme ça, c’est ma carrière, mon chemin”, résume-t-il. “J’aurais déjà pu prendre 10 départs, sans marqué de points… Mais ainsi, je suis arrivé plus mature peut-être, cela aide aussi”, assure celui qui avait échoué à six reprises en qualifications internes sur le Cirque blanc, sans mentionner les reports des dernières courses à Beaver Creek qui ont encore accentuer l’interminable attente. “Maintenant, c’est fait.”

Il rigole en songeant aux memes humoristiques réalisés par son fan’s club et notamment sa soeur Perrine sur les réseaux sociaux faisant référence à cette première qui tardait à arriver. “J’ai beaucoup d’autodérision et j’ai même aidé à créer certains gags”, sourit-il. “Même Odi (Odermatt) se marrait en me disant parfois que ce n’était pas encore pour aujourd’hui.”

Aller chercher le top 30

Le double champion du monde et olympique était d’ailleurs l’un des premiers à venir féliciter le rookie valaisan pour sa performance. Les deux hommes se retrouveront d’ailleurs samedi dans le portillon de départ de la “vraie” descente de Val Gardena. Grâce à sa performance lors du super-G, Arnaud Boisset a gagné ses galons de titulaire dans la discipline reine.

Et enfin arrivé dans l’élite de son sport, le skieur de Martigny entend bien s’y installer. “J’espère pouvoir encore m’améliorer, me classer régulièrement dans les trente premiers et être dans le top 30 du classement d’ici la fin de saison.”

Johan Tachet, Santa Cristina