A l’heure où la caravane du Cirque blanc est passée par la Suisse pour la Coupe du monde masculine, il est l’heure de tirer un premier bilan de l’hiver pour Urs Lehmann. Après plus d’un tiers de la saison, le président de Swiss-Ski se félicite des succès de Marco Odermatt, évidemment, et de l’éclosion de plusieurs jeunes athlètes. Mais le patron du ski suisse attend bien évidemment plus de certains skieurs et pousse un coup de gueule contre la FIS.

Urs Lehmann, les courses de Wengen ont connu un franc succès avec notamment un record d’affluence – 38’000 personnes ont assisté à la descente samedi – et le doublé de Marco Odermatt. Le bilan du week-end est plus que positif, non?

La semaine a été magnifique, extraordinaire. Pour qu’un événement soit réussi, il faut trois éléments. Le premier concerne l’organisation. On l’a vu cette semaine, c’était incroyable. Le deuxième, c’est les médias et comment ils couvrent la compétition. Et cela a été également une réussite. On l’a vu à la télévision, les images étaient folles, avec les drones notamment. Et troisièmement, c’est la performance des athlètes. C’est avant tout Marco Odermatt, mais aussi les jeunes. C’était une semaine magnifique pour le sport suisse

Toujours est-il qu’après 16 courses, il n’y a que Marco Odermatt qui est monté sur le podium cet hiver chez les messieurs. Cela ne vous inquiète pas?

Si on prend la descente de samedi, on a eu cinq athlètes dans les quinze, ce qui est très fort. On a les jeunes qui arrivent comme (Josua) Mettler, (Franjo) von Allmen, (Arnaud) Boisset. C’est énorme. Mais c’est vrai qu’il manque d’autres podiums à part Marco (Odermatt). En slalom, on a une très belle équipe, qui peut gagner. Les athlètes sont d’ailleurs les premiers déçus car ils ne sont pas sur le podium compte tenu de leur potentiel. Mais on sait où ils doivent travailler. Ça me plaît de voir que Tanguy Nef progresse pas à pas. Aujourdhui, tu vois qu’il skie la première manche à 60% pour ne pas prendre de risque et rentrer dans le 30. Marc Rochat est là également. Mais il est vrai que les podiums manquent encore.

Vous préférez voir le tableau à grande échelle, plutôt que ces podiums manqués en slalom?

Non, avant tout, j’aime voir des podiums. Mais après, il faut voir pourquoi nous les avons pas. Il y a (Luca) Aerni qui fait des progrès, Marc Rochat et Tanguy Nef qui skient avec la tête. On voit la progression. On sait que Daniel Yule et Ramon Zenhäusern ne sont pas au niveau de leur potentiel. Il faut savoir pourquoi et réagir. Et on va y arriver.

Cela ne vous inquiète pas non plus de voir des Loïc Meillard, Niels Hintermann et Stefan Rogentin qui n’ont pas encore exploité tous leurs moyens?

On est d’accord qu’ils sont capables de faire mieux. Mais le ski est tellement complexe. Tous les éléments doivent jouer ensemble. À Zermatt/Cervinia, Niels Hintermann était tout devant lors de l’entraînement. Les courses ont été annulées. Il a commencé à trop réfléchir et à se mettre trop de pression. Mais il n’est pas loin car il est toujours dans le top 10. Il doit faire un pas en avant, se reprendre, évacuer cette pression. Et Loïc (Meillard), la même chose. Les problèmes avec la fixation qui lâche deux fois cette saison, ça pèse sur la confiance. Il y a sept ou huit noms dans nos rangs qui peuvent monter sur le podium. C’est plutôt pas mal. D’autres nations n’ont qu’un seul athlète qui en est capable. Il faut le voir ainsi.

Ces courses du Lauberhorn ont également fait parler d’elles par les nombreuses chutes et les blessures. Selon vous, avoir trois courses de vitesse ici à Wengen, c’est trop?

Il faut penser que la troisième course est une épreuve annulée qui a été récupérée de Beaver Creek. Les athlètes, les entraîneurs, la FIS, tout le monde voulait replacer cette course. Il n’y a rien à se reprocher à ce niveau-là. Mais cette semaine, on a vu les limites du système. Trois courses de vitesse, sur cette piste, dans ce format, je suis certain qu’on ne le verra plus dans le futur. On pourrait se concentrer soit sur le format, soit sur le nombre de courses, mais on a appris des choses. Et avec ce savoir, on va pouvoir travailler.

Markus Waldner, le patron de la Coupe du monde masculine, a annoncé samedi soir que désormais toute course annulée ne serait pas replacée dans le calendrier.

C’est une décision hâtive. Il ne faut pas se laisser emporter par les émotions. Je dis que l’on appris des choses, on a vu les limites. Mais il faut avant tout se mettre autour de la table et discuter des solutions. Une course annulée qui n’est pas reprise est un problème. Je prends l’exemple de Niels Hintermann. Il fait toutes les descentes. Son salaire provient des courses qu’il peut disputer. Et s’il n’en a plus, qu’est-ce qui se passe avec ses revenus? Mais c’est tout le système qui est impliqué. C’est la FIS, les fédération… Il ne faut pas enlever les courses, au contraire, en avoir autant que maintenant. Mais il faut réfléchir comment, quand et où.

Typiquement, plusieurs athlètes proposent un allongement de la saison jusqu’en avril.

Je suis tout à fait d’accord. Mais actuellement, il faut penser à qui fait le calendrier… Et cela ne se fait pas selon les procédures. C’est une personne à la maison (ndlr: sans le citer Urs Lehmann fait probablement référence au président de la FIS Johan Eliasch). Et on ne peut faire comme cela.

Vous, en tant que membre du Conseil de la FIS, n’avez aucune influence?

On le dit, mais les dirigeants font ce qu’ils veulent… J’ai appris par messages que Sun Valley (USA) avait les finales en 2026, 2028 et 2030. Je n’avais jamais rien entendu. Et personne de la FIS n’a jamais été là-bas. Et j’apprends cela ainsi, par message. C’est ça le problème.

Johan Tachet, Wengen