Annoncer et assumer un objectif, c’est souvent la marque des grands champions. Marco Odermatt fait partie de cette caste. En 2022, aux Jeux olympiques et alors qu’il s’était manqué en super-G et en descente, le Nidwaldien a fait fi des conditions exécrables pour aller décrocher la médaille d’or en géant. Un an plus tard, après avoir raté son super-G dont il était le grand favori, il avait su se surpasser pour aller gagner sa première descente aux Championnats du monde de Courchevel. Il visait Adelboden en Wengen, il y est désormais quasiment intouchable. Les Globes? Même constat. « Odi » est bien le Roger Federer du ski et il va tenter de le prouver une nouvelle fois samedi lors de la descente du Hahnenkamm.
« Gagner ici, c’est mon plus grand défi », reconnaît le natif de Buochs. « Mais c’est très difficile et je ne suis pas le seul à le vouloir. » Kitzbühel, c’est La Mecque du ski alpin. Il n’y a qu’à voir l’immense spectacle (avec drones lumineux) qui a éclairé la nuit autrichienne vendredi soir à l’heure de la remise des prix du super-G. « Bien sûr que c’est spécial ici, c’est la plus grande course du monde. » Pour pouvoir définitivement entrer dans la légende du ski alpin, le Nidwaldien va devoir dompter la Streif.
Mais à 27 ans, ce n’est pas chose aisée. Oui, Didier Cuche s’était imposé à 23 ans une première fois sur la neige tyrolienne, mais il avait dû attendre 10 ans avant de récidiver et d’écrire ses plus belles lettres de noblesses en allant jusqu’à y décrocher 5 victoires en descente. Souvent deuxième, Beat Feuz avait lui dû attendre de fêter ses 33 ans avant de gagner enfin la course ultime dans son pays d’adoption.
Tester des lignes
Deuxième de la descente derrière Beat Feuz en 2022 et derrière l’intouchable Cyprien Sarrazin la saison dernière, Marco Odermatt semble toutefois mur. Sa victoire vendredi en super-G l’a prouvé. Même s’il n’a pas skié à fond sur l’ensemble de la mythique piste, le skieur de Hergiswil a les clés techniques et tactiques pour terrasser le mythe. « Je suis dans une position ou tout le monde imagine que je peux gagner toutes les courses et réussir une prestation parfaite, mais c’est impossible de le faire chaque jour », tempère-t-il. Son début de saison quelque peu poussif (par rapport à ses standards de la saison dernière), l’a rappelé.
D’ailleurs, si sa confiance semble parfois inébranlable, « Odi » doute aussi. Il a ainsi testé passablement de matériel lors des deux entraînements officiels. « Tout n’a pas parfaitement fonctionné », concède-t-il. « Je dois encore choisir la bonne paire de skis et les bonnes trajectoires. » C’est sûr, il sera prêt samedi. Il se pourrait d’ailleurs même qu’il ait imaginé certaines trajectoires mais qu’il ait volontairement voulu les cacher à ses adversaires lors des tests chronométrés. Le ski est aussi stratégique.
Alors que lui faudra-t-il samedi pour gagner devant les dizaines de milliers de spectateurs venus assister à la course la plus célèbre de la planète? « T’as besoin que tout fonctionne bien en même temps. Un bon ski, une bonne technique, de la bonne glisse et aussi beaucoup de cœur et de courage pour attaquer. » Petit signe du destin, il a pris la cabine de Pirmin Zurbriggen mercredi lors du second entraînement. « C’était cool mais j’espère pouvoir prendre la mienne l’année prochaine », rigole-t-il.
« Le plus grand objectif qui reste sur ma liste »
Pour cela, il devra « être le plus rapide des 60 athlètes au départ » et « faire abstraction des absents ». Le vainqueur de la saison dernière Cyprien Sarrazin (qui a livré un message plein d’émotions ce vendredi), Aleksander Aamodt Kilde, Vincent Kriechmayr vont beaucoup manquer ce samedi. Les principaux rivaux de Marco Odermatt devraient fait être Suisses. « Bien sûr, Franjo (von Allmen) et Alexis (Monney) ont été très rapides à l’entraînement, mais il y a aussi les autres. Les Canadiens, les Français, les Italiens et les Autrichiens sont également très forts.
Déjà très ému au moment de recevoir son chamois d’or vendredi soir après le super-G, Odi le serait encore plus samedi, devant une foule bien plus compacte. « C’est le défi ultime, clairement », confirme-t-il. « Il s’agit du plus grand objectif qu’il reste sur ma liste. Ça ne veut pas dire que je n’aurai plus de buts par la suite, mais c’est quelque chose que je n’ai pas encore gagné. Je veux y parvenir un jour. » Ce jour est peut-être arrivé.
Laurent Morel, Kitzbühel