Après 19 des 39 courses de Coupe du monde de la saison, l’équipe de Suisse a déjà fêté 10 podiums pour quatre victoires. Un bilan meilleur que l’hiver dernier à pareille équipe, puisque les skieuses helvétiques n’étaient montées qu’à huit reprises sur la boîte pour une seule petite victoire. Mais comme il y a une année, seules Lara Gut-Behrami, Corinne Suter et Wendy Holdener ont connu l’honneur du top 3 avant la mi-janvier. Derrière les trois têtes d’affiche du ski suisse, les autres skieuses n’affichent pas encore leur plein potentiel. Leur entraîneur en chef, Beat Tschuor, fait le point sur ses attentes et évoque également la nouvelle génération à la veille des épreuves de vitesse de Sankt-Anton.

A mi-saison, Beat Tschuor, quel bilan tirez-vous des performances de l’équipe de Suisse féminine de ski alpin?

Nous avons montré des résultats solides jusqu’ici, mais tout n’est pas encore au top. Nous avons plusieurs athlètes qui skient bien individuellement, qui réalisent de bons top 10, mais d’autres sont encore en retrait de leur potentiel. L’écart est parfois trop grand pour certaines par rapport aux meilleures et ont encore une marge de progression par rapport au haut du tableau.

Avec dix podiums pour quatre victoires, c’est une performance globale à laquelle vous vous attendiez jusqu’ici ou vous en espériez davantage?

C’est très difficile à dire. Le nombre de podiums est bon, même si uniquement trois filles sont parvenues à y monter dessus. Mais je souhaiterais que la deuxième garde se rapproche du premier groupe. J’aimerais qu’il y ait plus de top 30. Dans les disciplines de vitesse, les résultats globaux sont relativement bons, même en moitié de tableau. Nous travaillons bien. Mais on remarque qu’en géant et en slalom, l’écart est trop important entre les groupes.

Corinne Suter est montée à quatre reprises sur le podium cet hiver. Mais Beat Tschuor (tout à gauche en haut) en attend davantage de ses protégées. (Alexis Boichard/Zoom)

En effet, en géant, Lara Gut-Behrami, en slalom, Wendy Holdener, semblent trop esseulées aux avant-postes.

Oui, les autres filles sont un peu trop loin, c’est certain. Nous avons un bon groupe avec Aline (Danioth), Elena (Stoffel), Nicole (Good) et Mélanie (Meillard). C’est plutôt okay, même si les résultats pourraient encore être meilleurs. Pour ces femmes, l’objectif de la saison est d’être dans le top 30, dans le top 20. En géant, les objectifs sont les mêmes, même si la plupart des filles restent pour le moment entre la 15e et la 25e place. Lara (Gut-Behrami) est devant, Andrea (Ellenberger) a également performé. Wendy (Holdener) est dans le top 15, mais elle doit encore progresser dans cette discipline. Une athlète comme Vanessa Kasper ne skie pas à son niveau par exemple, ce qui est également le cas de Simone Wild. Là, nous devons absolument nous rapprocher du top 15.

On remarque aussi que Michelle Gisin et Camille Rast luttent, avec leur nouveau matériel, pour être performantes dans les disciplines de technique.

Effectivement. Pour moi, Michelle et Camille sont des exceptions car elles travaillent sur leurs réglages . Elles progressent dans ce domaine, mais elles manquent, du coup, de confiance. Et cette confiance vient uniquement avec de bonnes performances. Elles doivent continuer à travailler.

En vitesse, Corinne Suter a été la seule à monter sur les podiums jusqu’ici, mais on a le sentiment que des filles comme Joana Hählen ou Jasmine Flury ne sont pas loin?

Tout à fait, elles sont dans le coup. Michelle (Gisin) l’est également, qui contrairement à la technique, va bien en vitesse, notamment en super-G. Il existe un bon potentiel chez ces filles. Nous profitons d’un groupe dense avec des skieuses expérimentées. Et en plus, derrière arrivent des jeunes comme Delia Durrer, Juliana Suter ou Stephanie Jenal. Et cela est très intéressant pour le futur.

D’ailleurs, quel est le potentiel de ces jeunes athlètes?

C’est un processus de construction qui demande un peu de patience, surtout en Coupe du monde. Pour trouver sa place, il est toujours nécessaire d’avoir du temps, cela peut durer deux à trois ans, voire plus longtemps, surtout en vitesse. Et là, il faut simplement être patient et il est important que nous les amenions avec beaucoup de sensibilité, que nous les amenions intelligemment et que nous ne les poussions pas à bout, pour éviter notamment les blessures. Il faut un peu de chance aussi, c’est sûr, mais nous devons avant tout travailler intelligemment. On remarque qu’elles sont de plus en plus souvent dans les trente. Et c’est important qu’elles puissent faire des points. L’objectif en fin de saison est de terminer dans le top 30, c’est sûr.

En cette fin de semaine, vous avez également convoquez pour l’entraînement de la descente ce vendredi des toutes jeunes athlètes comme Malorie Blanc, Julie Deschenaux, Stefanie Grob qui n’ont pas encore 20 ans et qui vont participer, ici-même à Sankt-Anton, aux Championnats du monde juniors la semaine prochaine. Que pouvons-nous attendre de ces jeunes skieuses ce week-end?

C’est purement tactique. L’objectif est qu’elles puissent se familiariser avec cette piste, qu’elles fassent un entraînement au minimum, puis nous verrons ce qu’il se passera pour la descente principale. Il nous reste une place de disponible, mais il n’est pas certain que l’on en retienne une. Ce sont de très bonnes skieuses, j’étais à Zauchensee pour les descentes de Coupe d’Europe. Elles ont été performantes et ce sont des skieuses et des athlètes très douées avec un très gros potentiel. Je me réjouis de les voir à l’oeuvre.

Nous avons l’impression qu’il y a davantage de jeunes athlètes qui débarquent dans les disciplines de vitesse que de technique?

C’est vrai. Nous devons voir comment ces skieuses vont se développer. Mais Stefanie (Grob) est aussi prometteuse en géant, elle a déjà participé à certaines épreuves de Coupe du monde dans cette discipline. Nous avons eu Janine Mächler en slalom à Flachau. Il faut de la patience, de l’expérience, car elles sont jeunes, ce sont des filles qui sont nées en 2004… Bien sûr qu’on a du temps, même s’il faut aller de l’avant.

Existe-t-il une possibilité, même si elles n’ont pas rempli les critères de sélection, que l’une ou l’autre de ces jeunes skieuses soient retenues pour les Championnats du monde de Courchevel/Méribel dans trois semaines?

La première chose, évidemment, sera de voir combien de filles ont rempli ces critères (ndlr: un top 7 ou deux top 15 est requis pour être qualifié dans une discipline). Ensuite, nous verrons combien de places libres seront encore disponibles, compte tenu que nous disposons d’un contingent de 24 places entre les hommes et les femmes. Il faudra trouver un équilibre. Peut-être que nous emmèneront 12 filles, peut-être 14, mais pour le moment je ne peux pas le prévoir. Mais il est clair, que si je le peux, j’aimerais sélectionner des jeunes athlètes car ce genre d’événements est toujours très important pour emmagasiner de l’expérience.

Johan Tachet, Sankt-Anton