Le retour de Marcel Hirscher sur la Coupe du monde de ski alpin, cinq après avoir pris sa retraite, fait couler beaucoup d’encre. Ce n’est pas tant le comeback ultramédiatisé de l’octuple vainqueur du grand Globe de cristal qui accapare les discussions, mais les privilèges dont bénéficie celui qui va skier le prochain hiver sous les couleurs néerlandaises de sa maman.
Il y a une semaine, la FIS a validé l’intronisation dans son règlement d’une “wild card”, qui permet à un athlète ayant remporté un Globe ou une médaille d’or olympique ou mondiale d’être assuré de s’élancer avec le dossard 31 en Coupe du monde. Et ce, peu importe les points FIS qu’il possède au compteur et qui normalement font foi dans l’établissement des listes de départ.
Les blessés désavantagés
Les skieurs suisses, présents la semaine dernière à Dübendorf pour la traditionnelle semaine publicitaire d’avant-saison de Swiss-Ski, n’ont pu éviter le sujet qui fait débat. “C’est une bonne chose pour le monde du ski que Marcel Hirscher revienne à la compétition avec le 31 pour les télévisions. Mais le statut est inéquitable pour des garçons qui doivent décrocher une place dans le top 30”, lance Marc Rochat.
Le 9e meilleur slalomeur de la planète est suivi dans son raisonnement par son entraîneur Matteo Joris. “Ce n’est pas juste pour notre sport lorsque l’on voir des gars qui galèrent à revenir après une connerie de blessure et qui doivent ensuite s’élancer avec le 60. Là, le règlement n’est pas bien fait”, souligne le coach valdôtain qui prend l’exemple du slalomeur Victor Muffat-Jeandet. Le Français peine à retrouver des dossards correspondants à son niveau après une grosse blessure subie à Adelboden en janvier 2023, après avoir déjà été blessé sur la piste indigne du haut niveau de Zagreb en 2022.
Où est le mérite sportif?
Pour Daniel Yule, le règlement dont profite Marcel Hirscher “n’est pas dans l’esprit du ski”. “Il ne faut pas se mentir, ce n’est pas un hasard si cette règle est apparue cette année”, lâche le skieur du val Ferret qui promeut naturellement le mérite avant l’arrivisme. “Ce n’est pas correct vis-à-vis des jeunes qui se battent pour avoir une place. Un gars, qui n’était plus là depuis un petit moment, arrive et on lui offre le 31. Ce n’est pas le sport le plus important là-dedans.”
Son compère et ami Justin Murisier est tout aussi véhément. “Il y a des athlètes qui reviennent de blessure, d’autres qui se battent pour gagner leur vie. Je m’entends bien avec Marcel, mais il ne faut pas oublier qu’il revient pour son plaisir.” Le Bagnard appuie son discours sur les avantages dont jouit déjà le champion austro-néerlandais de 35 ans. “Il a assez d’argent et possède sa firme (ndlr: Van Deer, marque qu’il a créée et qui équipe aussi Henrik Kristoffersen entre autres). Il ne faut pas oublier qu’il ne s’est pas arrêté de skier avec sa marque. Il ne s’est jamais blessé en cours de carrière et, ainsi, il ne doit pas être trop loin du haut niveau. Même avec le dossard 60, il n’aurait pas de problème à se qualifier en seconde manche.”
Bénéfique pour le marketing et les télévisions
Toutefois, tous s’accordent à dire que le retour de Marcel Hirscher, couplé également à celui de l’ex-Norvégien désormais Brésilien Lucas Braathen, est bénéfique pour l’image du ski. “Cela va créer un boom marketing, car tout le monde va regarder les courses”, poursuit Justin Murisier qui retrouvera les deux hommes en géant à Sölden dans trois semaines. Pour Matteo Joris, la seule présence de Marcel Hirscher dans le portillon de départ sur le glacier du Rettenbach va attirer un nombreux public. “Pour le spectacle, je suis pour voir Marcel et son dossard 31. Il y aura bien 5000 spectateurs de plus à Sölden uniquement pour le voir skier.”
Marc Rochat rappelle que le ski de compétitions a besoin de tels champions sur ses pistes. “Je garde en tête Alberto Tomba qui était parvenu à faire regarder du ski à des Siciliens. Hirscher et Braathen sont des phénomènes et médiatiquement c’est très bien. Mais je vais quand même essayer de ne pas me faire battre par un Brésilien et un Néerlandais.”
Johan Tachet, de retour de Dübendorf