Lorsque Laurence Saint-Germain a franchi la ligne d’arrivée du Roc de Fer ce samedi, un petit vent de bonheur s’est emparé du coeur du public français à Méribel. Car la France aime le Québec et retrouver une skieuse de la Belle Province sur la plus haute marche du podium a réjoui plus d’un spectateur sous le soleil savoyard. “C’est juste complètement incroyable, je ne m’y attendais évidemment absolument pas”, a glissé la skieuse de Saint-Ferréol-les-Neiges avec son plus bel accent.

Un deuxième Bachelor en cours

Il faut dire que sa victoire a tout de l’immense surprise de ces Championnats du monde, plus encore peut-être que la victoire de son compatriote James Crawford en super-G. À 28 ans, Laurence Saint-Germain n’avait jamais fait mieux que 6e dans un slalom de Coupe du monde. Et cette saison, elle n’avait pas encore trouvé les réglages parfaits, manquant même à deux reprises la qualification pour la deuxième manche. Mais elle a su se transcender le jour J. Presque surprise par sa prestation, la toujours très souriante Québécoise a un parcours pour le moins différent de celui de ses coéquipières et concurrentes.

Depuis plusieurs années, Laurence Saint-Germain suit des études poussées en parallèle de sa carrière de skieuse. “J’ai terminé une première formation à l’Université du Vermont (ndlr: Bachelor en sciences informatiques) en 2019 et je suis désormais en train de faire une deuxième Bachelor, à Montréal (en génie biomédical)”, nous confiait-elle dans le Vermont justement, à Killington, il y a quelques semaines.

Le ski et les études pour trouver l’équilibre

Car le ski ne suffit pas vraiment à son bonheur. “J’ai grandi près de Québec et mes parents étaient skieurs, raconte-t-elle. J’ai logiquement commencé à skier très jeune et j’ai ensuite eu un parcours assez normal jusqu’à l’équipe du Québec et l’équipe de développement du Canada. J’ai ensuite connu plusieurs saisons plus compliquées et j’ai été ‘coupée’. C’est là que j’ai décidé d’aller à l’Université du Vermont. Je me suis à ce moment-là requalifiée pour être dans l’équipe nationale.”

Désormais, la championne du Mont Saint-Anne a une vie pour le moins… chargée. “Mais j’arrive à tout concilier, rassure-t-elle. Au Vermont, j’étais à temps plein, c’était plus difficile. Mais là, à Montréal, il y a un bon programme qui me permet de prendre moins de cours, d’y aller à mon rythme. Les professeurs m’aident beaucoup. Je suis occupée, j’ai du travail tous les jours, mais ça me va bien.”

Et au final, même si elle est l’une des seules à avoir un telle rythme, la slalomeuse a trouvé son équilibre. “J’ai besoin de ça aussi pour m’ajouter un challenge et je suis convaincue que ça m’aide à performer aussi sur les skis. La saison dernière, pour la première fois en Coupe du monde, je n’avais pas vraiment de cours à côté car j’ai voulu me consacrer au ski en raison des Jeux olympiques, narre-t-elle. Mais en fait, c’était difficile, ça me manquait et j’avais hâte de recommencer. En plus, quand ça va un peu moins bien sur le plan sportif, j’ai quelque chose d’autre à quoi penser, j’ai un autre stress.” Pas sûr qu’elle doive beaucoup y réfléchir ces prochains jours…

Un futur tout tracé

Reste que l’organisation n’est pas simple à gérer. “Heureusement, désormais, il est possible de faire la plupart des examens à distance, depuis l’Europe, rappelle-t-elle. Je n’ai pas vraiment à adapter mon entraînement. Il n’y a guère que pendant la première année de la pandémie de Covid-19 que j’allais à tous mes cours finalement. C’était un plus pour mes notes (rires).”

Et Laurence Saint-Germain peut aussi se réjouir d’avoir un futur tout tracé. “Je suis un peu l’intello de l’équipe, c’est sûr, rigole-t-elle encore. Mais j’aime bien rester occupée, ça me permet aussi d’avoir un avenir après le ski.” Ce futur devrait se jouer entre deux branches: la biomécanique (“j’aimerais faire des prothèses pour les handicapés”) ou la robotique chirurgicale (“avec mon expérience en informatique pour le côté technologique et le côté biomécanique de l’athlète, ça m’intéresse beaucoup”).

D’ici là, la nouvelle étoile pourra profiter de suivre en tant que spectatrice les premières épreuves québécoises de Coupe du monde depuis fort longtemps. Le Cirque blanc fera étape la saison prochaine au Mont Tremblant, pour deux géants féminins. “C’est dommage qu’il n’y a pas de slalom, regrette-t-elle. Mais je serai présente, pour encourager les filles.”

Laurent Morel, de retour de Killington