Quelques minutes avant de soulever ses deux premiers Globes de l’hiver, c’est avec le poing serré que Lara Gut-Behrami a démontré sa satisfaction. Si elle venait de manquer le podium de l’épreuve du jour à Saalbach, l’important était ailleurs pour la Tessinoise qui, grâce à 10e place, venait d’assurer son triomphe au classement du géant, mais également au général. “J’étais très nerveuse avant la course”, assure la skieuse de Comano. “Mon objectif était de terminer dans le top 15 pour assurer les Globes. Toute l’année, on s’entraîne pour skier vite, mais pas forcément tactiquement. Ce n’était pas évident, d’autant plus dans des conditions de course salée comme celles-ci.”

Un pari réussi qui couronne une saison exemplaire pour Lara Gut-Behrami qui devient, à près de 33 ans, la skieuse la plus âgée à remporter le grand Globe de cristal. “Gagner le général n’est pas quelque chose de simple”, rappelle celle qui avait déjà trôné sur le ski mondial en 2016. “Il faut se battre, être cohérente pour produire chaque jour du très bon ski. Et je suis tellement heureuse d’y être parvenue.”

Plaisir et expérience

Mais contrairement à son premier sacre il y a huit ans, Lara Gut-Behrami est une toute autre skieuse. “Elle ne s’est jamais sentie aussi bien dans sa vie et sur les skis”, certifie sa maman Gabriella qui rayonne autant que sa fille dans l’aire d’arrivée. “Aujourd’hui, je prends du plaisir et je pense que c’est la clé. C’est ce qui me permet d’être relâchée dans le portillon de départ”, reprend la championne. “Ce n’est pas aussi simple que cela car on ne voit pas tout qui est entrepris derrière.”

La skieuses aux 45 victoires en Coupe du monde évoque notamment l’expérience de ses 16 longues années sur le circuit qui l’a aidée à devenir une athlète accomplie. “Aujourd’hui, je sais ce qui peut me mettre en difficulté, ce qui peut engendrer du stress. Mais il y a une tonne de travail pour trouver cet équilibre et le maintenir, que ce soit mental, que ce soit avec l’équipe. Cela fait plusieurs années que je voulais faire quelque chose de bien en prenant tout autant de plaisir, en étant consciente que je pouvais savourer, profiter avec ma famille et les personnes qui m’ont aidée.” En premier lieu, elle pense à ses parents qui “ont beaucoup sacrifié” pour que son frère Ian et elle puissent vivre de leur passion.

La famille comme socle de la performance

Lara Gut-Behrami sait ce qu’elle veut et les besoins nécessaires dans sa quête de succès et d’épanouissement. Elle n’avait d’ailleurs pas hésité en 2018 à quitter les réseaux sociaux, souhaitant conserver d’une part sa vie privée à l’abri des regards et de l’autre dans le but de minimiser toute perte d’énergie qui pourrait la contraindre dans ses performances sur la neige. “C’est ainsi que je peux m’exprime le mieux sur mes skis. Avant, je ne pensais qu’au succès. Maintenant, je rentre à la maison, je suis heureuse de la vie que je mène avec ma famille, mon mari et les enfants. J’arrive à me projeter dans un futur et et cela me comble de joie”

Lara Gut-Behrami s’amuse sur les skis et cela se ressent dans ses résultats. (Alain Grosclaude/Agence Zoom)

Libre dans la tête, heureuse sur les skis. “Je retrouve le plaisir de pratiquer mon sport”, poursuit Lara Gut-Behrami qui concède s’être “perdue” sur les chemin de traverse. “J’avais perdu ma passion, la lucidité aussi avec, au milieu de ma carrière. J’aurais pu faire les choses autrement, plus simplement. Je suis passée par des étapes qui n’étaient pas obligatoires. Mais c’est l’esprit humain, je n’étais au top dans toute les situations.

Partie pour un nouveau tour?

Malgré les difficultés, comme sa grave blessure au genou lors du combiné des Championnats du monde de Saint-Moritz – “Depuis, tout est différent” -, elle n’a jamais abdiqué. Sa longévité sur le circuit est à marquer d’une pierre blanche. Et même si elle ne le certifie pas directement, la Tessinoise sera toujours sur le circuit le prochain hiver. “Je sens tout de même la fin de saison”, rigole-t-elle lorsqu’on lui fait remarquer que le poids des années n’a pas d’emprise sur son ski. “Ce n’est pas le moment maintenant pour parler du nombre d’années que je peux encore skier.”

Dans l’immédiat, Lara Gut-Behrami songe à prendre possession de ses deux premiers Globes de cristal de la saison, en attendant ceux de la descente et du super-G qui lui semblent presque promis la semaine prochaine. Car la multiple médaillée mondiale et olympique n’a de loin pas terminé de compléter sa moisson de trophées. Le poing toujours serré, avec le plaisir de skier.

Johan Tachet, Saalbach-Hinterglemm