La Coupe du monde de ski se posera au pied du Cervin dès 2023. C’est désormais officiel après deux années de préparation, depuis que l’idée d’organiser une descente entre Zermatt et Cervinia a germé dans la tête de Franz Julen, le patron des remontées mécaniques de la station valaisanne et désormais président du comité d’organisation. “Notre objectif était de mettre en place une compétition de vitesse après le géant de Sölden, sans prendre la place de quiconque dans le calendrier. Et à notre altitude, sur le glacier, nous sommes les seuls à pouvoir proposer un tel événement à ce moment-ci de l’année”, se réjouit Franz Julen. Le projet a immédiatement reçu le soutien de la FIS, de Swiss-Ski et de la FISI (Fédération italienne de ski) pour une compétition dont le budget s’élève à 6 millions de francs. “Gian Franco Kasper, l’ancien Président de la FIS, s’est tout de suite montré enthousiaste, et Johan Eliasch m’avait contacté, avant même son élection, et m’avait assuré qu’il était à 100% derrière le concept.”

Les premières épreuves du Cirque blanc se dérouleront à l’automne 2023, le dernier week-end d’octobre et le premier de novembre. Il n’est pas encore établi si se courront uniquement des descentes ou si le programme comprendra une descente et un super-G tant pour les messieurs que pour les dames. “La FIS aurait souhaité avoir les premières compétitions dès la saison prochaine en 2022. Nous étions sceptiques, mais nous étions prêts”, poursuit Franz Julen. “Malheureusement, la construction de la télécabine entre Testa Grigia et le Petit Cervin a pris du retard à cause des mauvaises conditions météorologiques durant l’été. Et elle sera terminée uniquement au printemps 2023.” Toutefois, la piste sera ouverte sur une bonne partie de sa longueur à l’automne 2022 pendant trois semaines afin de permettre aux équipes de s’y entraîner et aussi de pouvoir organiser des couses de Coupe d’Europe, qui serviront de tests grandeur nature.

Un nom de piste tiré du patois valtournain

La présentation de cette descente italo-suisse, une première entre deux pays, a permis de lever le voile sur le nom de la piste qui s’appellera “Gran Becca”, Grand Bec en français, se référant au surnom du Cervin donné en patois de Valtournenche dans le Val d’Aoste. “Le Cervin accompagnera les athlètes de l’arrivée au départ et nous souhaitions un nom qui représente notre montagne et nos deux régions qui travaillent ensemble”, souligne Marco Mosso, vice-président du comité d’organisation.

La course en elle-même sera la plus élevée jamais disputée avec un départ à 3800 mètres d’altitude à Gobba di Rollin, sur le territoire suisse, pour une arrivée jugée en Italie à Laghi Cime Bianchi à 2850 mètres en Italie. “La descente, qui se trouvera sur le glacier sur les deux tiers du parcours, fera un peu plus de 4 kilomètres pour un temps de course entre 2’15 et 2’20”, annonce Didier Défago, le designer de la piste qui nous avait déjà expliqué les contours techniques du tracé. Le champion olympique de descente de Vancouver a cherché à dessiner le parcours au plus proche des éléments naturels du glacier sur lequel il sera tracé. “Ma première question a été de savoir s’il y avait quelqu’un qui connaissait parfaitement le glacier afin d’être certain où on pouvait aller, où les crevasses et les endroits instables, ainsi que protégés, se trouvaient. Ma volonté été de montrer que l’on se trouve en haute montagne, dans une partie sauvage.”

Le plan de la piste Gran Becca (Zermatt Tourism)

Des critiques physiologiques et environnementales

Evidemment, un tel tel projet a déjà suscité certaines critiques. Les premières sont d’ordre physiologique pour les athlètes, compte tenu de l’altitude élevée, puisque le départ est 400 mètres plus élevé que celui de Beaver Creek actuellement. “Ce sera bien évidemment une descente exigeante qui couronnera un athlète complet, mais les athlètes seront prêts”, poursuit Didier Défago. “Par expérience, je peux vous garantir que les compétitions de Beaver Creek, de Bormio, ou de Wengen demandent également beaucoup.”

Les seconds reproches concernent les questions de durabilité environnementale lorsque l’on ‘organise un tel événement sur glacier. “Justement, comme nous skions sur le glacier sur les deux tiers du parcours, nous bénéficions de la neige naturelle qui s’y trouve et n’avons pas besoin d’eau”, reprend Franz Julen. “Pour le dernier tiers, nous profitons de neige artificielle stockée dans une installation existante. De plus, comme nous sommes en haute altitude, nous n’avons pas besoin de couper des arbres.” Le big boss des futures compétitions haut-valaisannes n’éludent aucunement le critiques. “Il y en a toujours dès que quelque chose est innovant. Cela démontre que le projet est vivant. Mais nous ne sommes pas arrogants pour autant, et nous écoutons les critiques, nous les analysons. Nous sommes motivés à prouver que l’on est capable d’organiser un tel événement.”

Des cérémonies protocolaires sur deux communes par hologrammes

D’un point de vue logistique, mettre sur pied une compétition sur deux pays auraient pu poser de nombreux problèmes. Mais les organisateurs ont déjà trouvé la parade. “Les équipes seront réparties entre Zermatt et Cervinia. Ensuite, nous prévoyons d’organiser les cérémonies protocolaires en même temps dans les deux stations. Avec la technologie actuelle, on peut mettre en place des cérémonies avec des hologrammes”, sourit-il.

Des nouveautés qui permettront non seulement à la FIS de se renouveler, mais surtout à Cervinia et à Zermatt de se mettre en vitrines. “Nous allons bénéficier d’une fenêtre sur le monde pour démontrer nos capacités”, se réjouit la légende locale Pirmin Zurbriggen, fier ambassadeur de compétitions qui attisent déjà toutes les curiosités. Il n’en serait être autrement lorsque son emblème est le Cervin et qu’on y prévoit une descente de Coupe du monde à son pied.

Johan Tachet, Zermatt