La descente messieurs des Championnats du monde de Cortina d’Ampezzo couronnera-t-elle le meilleur des descendeurs dimanche? La question est sur les lèvres de tous skieurs après le premier entraînement disputé sur la piste Vertigine vendredi matin. A l’unanimité, l’ensemble des athlètes remet en question le tracé d’une piste qui avait déjà fait parler d’elle lors du super-G jeudi. “Nous ne prenons aucun plaisir”, clament-ils en choeur.

“Ce n’est pas beau et certains passages ne garantissent pas la sécurité des athlètes”, lance Dominik Paris qui skie pourtant à domicile et a signé le meilleur temps du premier entraînement, en ayant toutefois “coupé” tout droit en manquant deux portes. “Nous allons faire en sorte de nous faire entendre”, poursuit le Transalpin, vainqueur de la descente de Garmisch-Partenkirchen le week-end dernier. Des propos partagés par son rival, mais ami, Beat Feuz. Pour le médaillé d’or de Saint-Moritz en 2017, “on est bien loin d’une descente de Championnats du monde”. “Ce n’est pas beau, ni à voir pour les spectateurs, ni à skier pour nous”, poursuit le Bernois qui en tant que représentant des athlètes attend des réponses de la FIS.

“Horrible”, “verrue”, les qualificatifs dénigrant la piste ne manquent pas

Mais à 48 heures de la compétition, difficile d’imaginer de nombreux changements sur le tracé. Les skieurs pointent notamment du doigt le passage précédent le saut “Ghedina” que les descendeurs abordent avec pratiquement aucune vitesse. “Autant le haut et le bas du parcours sont bons, autant cette partie médiane ressemble à une verrue”, lance sans retenue Johan Clarey. “Ce ne sont même plus des courbes de super-G, mais de géant”, poursuit le Français.

Pour l’Américain Bryce Bennett, cette descente est “horrible”. “Lorsque l’on prend une courbe à 20 km/h, ce n’est plus de la descente”, peste-il. “Il nous faut une certaine vitesse, un certain angle pour pouvoir profiter de nos skis aussi longs”, reprend de son côté Dominik Paris, suivi dans son raisonnement par le champion du monde en titre, le Norvégien Kjetil Jansrud. “Nous pouvons comparer ce passage à celui de la “Tête de Chien”. Toutefois à Wengen, on a arrive avec beaucoup de vitesse et il y a ensuite un gros virage pour la limiter, mais tout se fait naturellement. Ici à Cortina, il n’y a aucun espace pour travailler un virage naturel.”

Kjetil Jansrud: “Nous sommes des cobayes”

Ce n’est pas la première fois que la piste Vertigine est skiée en compétition. Elle avait déjà accueilli les Championnats d’Italie au printemps 2019, sans qu’il n’y ait aucun problème. Toutefois, le saut a été raboté de près de 30 centimètres par rapport il y a deux ans et la vitesse était bien plus importante. “J’ai l’impression que l’on nous prend pour des cobayes en quelque sorte, pour voir si ça fonctionne. Mais à deux jours de la descente des Mondiaux, ce n’est pas possible”, regrette Kjetil Jansrud.

Le Norvégien ne saurait se tromper, car c’est effectivement ce que la FIS a fait. “Nous avons délibérément choisi de créer une partie tournante pour réduire la vitesse. Nous voulions savoir ce que cela allait donner lors de ce premier entraînement. Nous ne pouvions pas aller à la limite dès le premier jour sans savoir quelle vitesse pouvait être créée”, explique Markus Waldner, le patron du circuit masculin de la FIS, assurant qu’il “existe de la marge et que des ajustements seront faits pour rendre le parcours plus naturel”. Pour lui, “demain, la piste sera parfaite”.

Toujours est-il que Kjetil Jansrud n’en démord pas. Il remet en question l’appellation de descente mondiale pour la piste de Cortina. “Nous avons connu des pistes plates, comme à Åre, ou pentues, comme à Val d’Isère. Si tu veux être champion du monde, tu dois être capable de skier sur toutes les types de piste. Mais ici, on ne sait vraiment pas ce que la FIS a cherché à faire en traçant ainsi.”

Une montée de 200 marches qui fatigue les corps

Et la descente en elle-même n’est pas l’unique problématique. Avant la course, les athlètes doivent encore gravir près de 200 marches pour atteindre l’aire de départ. “Cette montée est un désastre” soupire Dominik Paris. Inutile de dire qu’il ne faut pas prendre ses skis sur les épaules”.

Cette belle grimpette n’est pas sans rappeler celle de la descente des Mondiaux de Saint-Moritz en 2017, même si dans les Grisons, l’ascension était bien moins pentue et la place au sommet bien plus conséquente. “A Garmisch, la semaine dernière, les organisateurs ont dû rabaisser le départ parce qu’il n’y avait pas assez de place pour respecter les mesures sanitaires, rappelle Marco Odermatt. Ici, il y a encore moins d’espace, et pourtant… On doit prévoir d’avoir 20 ou presque 30 minutes de marge pour ne pas arriver crevé au départ. Si tu marches tranquillement, ça joue encore. Franchement, c’était une longue marche et j’étais déjà un peu fatigué avant de m’élancer pour ce premier entraînement.”

Il faut grimper 200 marches pour atteindre le départ de la descente. (FFS)

Si la marche d’approche ne changera pas d’ici à dimanche, la FIS devra répondre à plusieurs questions ce vendredi soir lors de la réunion des chefs d’équipe. Et à deux jours de la descente mondiale, et alors qu’il ne reste plus qu’un entraînement samedi, difficile d’imaginer de nouveaux aménagements majeurs.

Johan Tachet, Cortina d’Ampezzo