Devant sa télévision l’hiver dernier après s’être blessé au genou droit, Killian Peier a appris la résilience et la patience. Un éloignement des tremplins bénéfique pour le Vaudois qui est revenu sur les sautoirs, non seulement affûté physiquement, mais également en pleine confiance. D’ailleurs, le sauteur de la Vallée de Joux (26 ans) réalise son meilleur début de saison en carrière avec une 9e place provisoire au classement de la Coupe du monde. Maître de régularité, Killian Peier entend se rapprocher des podiums. Et peut-être dès ce week-end pour les épreuves à domicile à Engelberg.

Killian Peier, êtes-vous étonné de votre début de saison?

Oui et non. Les entraînements d’avant-saison étaient qualitativement bons et j’étais content de ce que je réalisais. Après, être bon à l’entraînement est une chose, mais être performant en compétitions en est une autre. Je savais qu’il y avait du potentiel et j’ai été rassuré de parvenir à faire deux bons sauts en compétition.

Mais de là à vous montrer aussi constant…

C’est vrai que c’est une bonne surprise, car j’ai très peu sauté avant la saison. J’ai peut-être effectué 140 sauts sur le plastique avant la neige, ce qui est très peu. Je savais que ce serait serré au niveau timing pour retrouver toutes mes sensations pour le début de l’hiver. Mais je me suis donné à 100% à chaque entraînement. Cela m’a permis d’être concentré, prêt mentalement et de comprendre ma technique. J’ai avancé petit pas par petit pas et c’est cela qui me permet d’être là où j’en suis.

A Klingenthal, dimanche dernier, vous aviez terminé 2e des qualifications. Au final, vous vous êtes classé 13e. Avez-vous été perturbé par les conditions très difficiles?

Je me suis plutôt laissé aller par les éléments extérieurs. Au moment où je passe le contrôle des combinaisons, j’entends à la radio de la FIS que les athlètes se plaignent de la trace qui est lente. Je ne m’étais pas préparé à cela et je suis sorti de ma routine. Au final, j’ai dû perdre 5% de concentration et de confiance. Et sur 120 mètres, 5% c’est vite calculé. La faute n’est aucunement sur les conditions et d’ailleurs (Ryoyu) Kobayashi remporte le concours avec des conditions pires que lorsque je me suis élancé. C’est un message pour tout le monde: la météo ne change rien.

Existe-il encore de l’appréhension lorsque vous vous élancez sur le tremplin, notamment lorsque le temps est mauvais?

Oui, il y en aura toujours et pas seulement à cause de la blessure. Si un gars me dit qu’il ne ressent rien avant de sauter dans des conditions pourries, c’est un menteur. Mais j’accepte l’appréhension. Si une pensée arrive, je la travaille le plus rapidement possible pour ne pas que cela me bouffe trop d’énergie. Je sors de ma zone de confort. C’est un travail mental que je réalise d’un point de vue pratique. Si j’ai une pensée négative, je l’écris, puis j’essaie de la contre-argumenter, pour lui dire que ce n’est pas juste.

Les événements vont s’enchaîner ces prochaines semaines. Après Engelberg, ce sera la Tournée des Quatre Tremplins, avant les Jeux olympiques. Ressentez-vous une certaine pression avant ces échéances?

Non, je ne me mets pas de pression. La pression, elle se boit (rires). Je me suis mis dans un état d’esprit particulier depuis le début de saison, sachant que chaque week-end je devrais faire face à de nouveaux challenges. J’essaie d’être maître de moi-même et cela fonctionne plutôt bien. Je reste ainsi humble, sans prendre la grosse tête et en évitant de donner trop à manger à mon ego.

Nous avions rencontré Killian Peier le printemps dernier durant sa convalescence:

Nous avons l’impression qu’il vous manque peu pour monter sur le podium.

Je sais que si je fais deux bons sauts, j’ai les capacités de m’en rapprocher. Je suis satisfait car j’ai de nouveaux outils que je n’avais pas les années précédentes. Il y a une année, j’ai appris à être patient avec ma blessure. Je me suis surpris à le devenir. D’un point de vue de la confiance, cela m’a demandé plus d’énergie, mais ce sont deux facteurs qui doivent rester sur la même route pour que tout fonctionne.

Il y a une certaine homogénéité parmi les athlètes de pointe et vous êtes plusieurs sauteurs à pouvoir briguer une victoire, c’est également un sentiment que vous partagez?

C’est vrai que tout est possible sur le circuit. Quoique Ryoyu Kobayashi est peut-être un cran au-dessus. Il a montré ce qu’il savait faire lorsqu’il était là (ndlr: le Japonais n’a participé qu’à quatre concours pour deux victoires, une 2e et une 7e places). Mise à part Kobayashi, il y a la possibilité d’être devant tout le monde. Mais on verra ce que donne la suite car lors de la Tournée, il il y a souvent quelqu’un qui sort du lot.


Simon Ammann: “Killian fait juste pour arriver en forme aux Jeux”

Quadruple champion olympique, Simon Ammann est impressionné par le retour de Killian Peier. “On est très heureux qu’il ait pu montrer comment revenir après une telle blessure, se réjouit le sauteur du Toggenburg. Il prend le bon chemin pour arriver en forme aux Jeux olympiques et a su être patient la saison dernière. C’était vraiment cool de voir la manière dont il a pu revenir en forme cet été.”

Simon Ammann est également content de pouvoir profiter d’un tel sauteur au sein de l’équipe de Suisse. “Pour nous, c’est super, il nous a vraiment apporté de la constance dans l’équipe, relève le Saint-Gallois. C’est important d’avoir une telle locomotive, surtout que Gregor (Deschwanden) a eu le Covid-19 et n’a pas pu montrer ce qu’il valait en début de saison. Avec ma forme actuelle, c’était aussi difficile de savoir ce qui allait être possible.”

Johan Tachet/LMO