C’est un Justin Murisier amer qui s’est présenté devant la presse suisse dimanche avant d’entamer ses cinquièmes Championnats du monde à Courchevel et à Méribel. Quelques heures plus tôt, le Bagnard avait appris sa non-sélection pour le super-G, au détriment de son coéquipier Gino Caviezel. S’il accepte le choix de ses entraîneurs, le Valaisan ne comprend pas qu’il n’ait pas eu droit à une qualification interne. Malgré tout, Justin Murisier sera engagé ce mardi en combiné, avant peut-être la descente dimanche.

Justin Murisier, vous n’avez pas été retenu pour le super-G de jeudi. Comment avez-vous accueilli cette décision?

Je n’ai pas eu le choix de l’accepter, mais je suis dégoûté. Je suis 10e mondial en super-G, j’ai eu une opération du dos cet automne. Dans les critères, il est mentionné que les entraîneurs regardent la forme du moment. Il est évident que je ne pouvais pas faire de podium en début de saison à Lake Louise ou à Beaver Creek, comme je revenais de blessure. Cela n’a pas été pris en compte par les coaches. Je m’attendais à ce que Gino (Caviezel) et moi, nous participions à une qualification interne lors du super-G du combiné mardi. Cela aurait été la manière la plus équitable de procéder, avec une course. Cette décision est dégoûtante mais je dois l’accepter.

Avez-vous discuté avec les entraîneurs?

Non, ils ne m’ont pas consulté. Ils me l’ont juste annoncé. Ensuite, j’ai fait des pieds et des mains pour leur dire que ce n’était pas juste. Malheureusement, ils ne regardent que les résultats. Donc, effectivement Gino (Caviezel) compte une 4e place et moi une 7e comme meilleur résultat. Au classement, il est juste une place devant moi pour 3 points et au classement de la liste de départ (WSCL), il est devant pour 4 points. Les feux étaient plus au vert pour lui que pour moi. Je trouve dommage qu’ils n’aient pas pris en considération que j’ai eu une hernie discale au début de la saison.

Existe-il alors un sentiment de revanche par rapport à cette décision pour le combiné de mardi auquel vous participez?

Quand tu es au départ des Mondiaux, le but n’est pas de prendre ta revanche contre des décisions de Swiss-ski. Ton objectif est de faire de ton mieux pour aller chercher une médaille. Ça fait 13 ans que je suis en Coupe du monde et que je prouve que je peux me battre devant. Cette année, avec mon opération du dos, j’arrive à faire des top 7, voire mieux, j’ai prouvé que je peux skier vite. La décision de Swiss-Ski n’était pas facile à prendre quand tu as cinq athlètes tout devant en super-G pour seulement quatre places. Quelqu’un devait ne pas y participer, mais il y avait moyen de le faire de façon honnête et, malheureusement, ils ne l’ont pas fait.

Le combiné est la seule discipline à laquelle vous êtes certain de participer en France. Vous avez quand même de l’ambition après votre 4e place aux Jeux olympiques l’hiver dernier?

Totalement. Maintenant, j’y suis. C’est la seule que je suis sûr de courir, je vais tout faire pour être performant. Je sais que j’ai des grosses capacités en super-G. En slalom, j’ai des bons restes. Sur une course d’un jour, tout peut se passer. Je monte en puissance en super-G mais en slalom, je n’en avais plus fait à cause de ma blessure au dos. J’en ai même pas fait depuis les Jeux jusqu’à la semaine dernière où j’ai pu avoir deux jours d’entraînement avec les slalomeurs pour me remettre de dedans.

Le combiné est une discipline très décriée. Il n’y a d’ailleurs plus de course dans cette discipline sur le front de la Coupe du monde. Quel est votre sentiment sur ce combiné?

C’est un format de course que j’apprécierais, si on était cohérents avec cette discipline. Mais là, actuellement, elle ne fait plus aucun sens. C’est pareil pour le parallèle et l’épreuve par équipes. Pour moi, tous les trois, c’est du folklore. Quand tu as une discipline dans l’année et elle est aux Championnat du monde, on distribue des médailles, super, bravo. Mais ce n’est pas notre sport. Personne ne s’entraîne. J’ai fait deux jours de slalom pour le combiné des Mondiaux, ce n’est pas sérieux. Personne ne mise sur les combinés, le parallèle ou le épreuve par équipes. On pourrait se focaliser sur les quatre disciplines reines et puis c’est tout. Pour moi, c’est le chemin à suivre.

Faudrait-il revoir le format, comme cela fut le cas cette saison aux Championnats du monde juniors où s’est déroulé un combiné par équipes?

À mon avis, il faudrait le supprimer. Si on veut garder l’intérêt sur les quatre disciplines principales, on ne doit pas se disperser. Sinon, on se retrouve avec 15 médailles aux Mondiaux, 15 aux Jeux olympiques, et on ne sait plus qui est champion du monde… Je préfère qu’il y ait moins de discipline, mais davantage d’intérêt sur les plus importantes et que l’on arrête de disperser. Soit on arrête tout, soit on en fait une réelle discipline.

Pour en revenir à vous, vous serez en qualifications internes pour la descente. Avec Marco Odermatt et Niels Hintermann, certains d’être au départ, il y a deux places restantes pour l’équipe de Suisse et vous serez en concurrence avec Stefan Rogentin, Gilles Roulin et Alexis Monney.

Il y a moyen de faire quelque chose car peu de monde a skié cette piste de l’Eclipse qui est assez technique et rapide. Ce sont des choses qui me plaisent donc j’ai bon espoir de pouvoir me qualifier et de réaliser un gros coup.

Vous participez à vos cinquièmes Championnats du monde. Quelle est la différence entre aujourd’hui et votre première à Garmisch-Partenkirchen en 2011?

A l’époque, j’étais clairement un outsider car j’avais 18 ou 19 ans. C’était déjà exceptionnel de pouvoir y participer. Aujourd’hui, je suis là pour jouer les médailles et non uniquement pour prendre du plaisir. Je suis aussi conscient que les Mondiaux sont des courses d’un jour et que je suis dans l’optique qu’il faut tout donner car il n’y a que la médaille qui compte. Cela ne change pas que ça soit mes premiers ou mes cinquièmes Championnats du monde.

Johan Tachet & Laurent Morel, Courchevel