Dans le portillon, il est l’homme qui murmure une dernière fois sous le casque des slalomeurs helvétiques. Ou plutôt celui qui donne de la voix pour encourager ses protégés ou pour confier une dernière indication sur le parcours. « Au départ, il faut être attentif à l’évolution de la piste pour offrir les meilleures clés aux athlètes. Avec le temps, j’ai appris à filtrer les informations qui remontent. J’en garde 40%, mais c’est surtout la confirmation de ce que l’on observe avec les coureurs », sourit Julien Vuignier lorsqu’il évoque l’un de ses rôles le jour de course.

Le Valaisan est l’un des trois membres du trio d’entraîneurs à la tête de l’équipe de Suisse de slalom. Une tâche qu’il partage depuis cinq ans avec ses acolytes et complices Matteo Joris et Thierry Meynet. À 40 ans, cet Évolénard a passé la moitié de sa vie à coacher, skis aux pieds. Une véritable vocation. « J’ai immédiatement eu du plaisir à enseigner. Je me rappelle que l’on avait une équipe dynamique, je me suis pris au jeu et la boule de neige a toujours plus grandi. Franchement, je me sens privilégié. » En deux décennies, il est passé du Ski-Club de la Dent Blanche-Évolène à la Coupe du monde. Toujours avec le même plaisir et le même objectif, celui de voir ses athlètes progresser. « On se lève avec la motivation d’aller chercher des performances. C’est super intéressant et gratifiant quand on voit que l’on travaille sur des détails, et que cela fonctionne. »

La moitié de l’année loin de la maison

Dans les paroles de Julien Vuignier, l’esprit d’équipe revient souvent. Il est vrai que la cohésion est une composante importante lorsque l’on passe la moitié de l’année hors de la maison. « Nous sommes ensemble entre 180 et 220 jours par an », analyse le Valaisan. « Si on n’a pas cette dynamique d’équipe et cette ambiance, c’est compliqué, surtout quand les résultats ne correspondent pas à nos attentes. »

D’autant plus que le boulot de coach n’est pas des plus aisés. Dans l’ombre, un entraîneur se lève souvent aux aurores et travaille de longues heures afin de permettre à ses athlètes de profiter des meilleures conditions d’entraînement possible. « J’aime comparer notre travail à celui d’un bon jardinier. Nous faisons en sorte que les skieurs aient une piste en très bon état pour s’exprimer au mieux. » La nuit, le froid, la neige ne découragent pas l’homme à la veste rouge. « Le maçon qui tape des briques par moins 10 degrés n’a pas notre chance », compare-t-il pour relativiser la rigueur de son travail, rapidement récompensé. « Les gars sont très reconnaissants et les résultats sont là. Lorsque l’on a un petit coup de blues, tu gagnes une course comme celle de Kitzbühel ou d’Adelboden et cela te regonfle pour trois, quatre mois. »

Le référant de Loïc Meillard

À l’époque, celui qui se plaît à participer presque lors de chaque édition à la Patrouille des Glaciers s’occupait de la relève féminine dans le groupe NLZ Ouest. « Mon rêve était d’amener Mélanie Meillard en Coupe du monde. » Désormais, il est le premier contact auprès de son frère Loïc sur le Cirque blanc. « Matteo (Joris) est venu me chercher pour rejoindre le groupe de slalom. C’était une opportunité que je ne pouvais pas refuser. Puis Loïc est arrivé et nos chemins se sont croisés au bon moment. » Le Valaisan n’apprécie guère le terme de « coach attitré » pour le talentueux skieur d’Hérémence. « Je suis d’abord présent pour l’équipe de slalom. Ensuite, je donne un coup de main à Loïc dans les autres disciplines. Mais c’est toujours un plaisir de partager ce temps avec lui, car on sait que lorsque l’on va sur une course, c’est pour jouer la victoire. »

De Beaver Creek à Kvitfjell, en passant par Garmisch-Partenkirchen, c’est lui qui suit le vice-champion du monde de géant lorsque celui-ci se concentre sur la vitesse. Exception faite à Bormio, où le coach hérensard, remplacé pour l’occasion par Matteo Joris, a pu profiter de passer quelques jours bienvenus en famille. Car Julien Vuignier est papa de deux petites filles. « Ce n’est pas toujours facile de devoir partir de la maison. Elles vivent mon travail devant la télévision en regardant les courses. Mais quand on part un mois en Argentine en août après avoir passé trois mois non stop avec elles, elles posent naturellement des questions. On sait que l’on est souvent loin longtemps de la maison, mais c’est pour apprécier d’autant plus les moments partagés ensemble. »

Un Globe comme consécration

Sur le canapé, la famille Vuignier vibre aux exploits des protégés de papa. De Daniel Yule à Ramon Zenhäusern, en passant par Loïc Meillard, il y a un potentiel certain pour accrocher dans un avenir plus ou proche un Globe. Ce qui représenterait « un accomplissement incroyable » dans la carrière de Julien Vuignier, récompensant également le travail de toute une équipe. « On commence par le petit du slalom pour notre équipe valaisanne et après on regardera un plus gros. » Histoire de donner de la voix, au pied du podium cette fois-ci.

Johan Tachet, Adelboden