« J’ai beaucoup pensé à arrêter ma carrière. Pour moi, ma famille, on était dévasté. » Joan Verdú ne dénombre plus les jours qu’il a passé sur un lit d’hôpital, peut-être même bien plus que ceux passés sur des skis ces six dernières années. Sa fiche médicale recense notamment deux déchirure du ligament croisé antérieur. « Mon genou a été totalement bousillé deux fois. C’était vraiment compliqué, mais je me suis accroché », se rappelle l’Andorran qui n’a pas skié en compétition entre 2018 et 2021. Il peut alors compter sur le soutien de sa famille, unie derrière ses projets, pour préserver ses rêves. « J’ai jamais arrêté de croire en moi, en mon staff et en mes capacités. »

Résistance, résilience, il s’est reconstruit petit à petit, pas à pas, porte rouge après porte bleue. Trois ans plus tard, Joan Verdú est la belle surprise de ce début de saison de géant. Il est monté sur le premier podium de sa carrière à 28 ans à Val d’Isère début décembre, avant de confirmer avant Noël sur la Gran Risa d’Alta Badia en prenant la 5e place. « Franchement, c’est incroyable. Je ne sais l’expliquer. » D’autant plus qu’un mois et demi avant le premier géant de la saison, le skieur des Pyrénées se trouvait… sur un lit d’hôpital. Une déchirure de l’ischio interrompt sa fin de préparation. « J’ai manqué cinq semaines. Je n’ai remis les skis que trois jours avant le géant de Val d’Isère. » Avec réussite…

« Nous, sa famille, sommes étonnés de le voir aussi fort »

« Tous les obstacles m’ont rendu plus fort. J’ai beaucoup douté mentalement, mais aujourd’hui, je m’éclate. » Et cela se ressent sur les skis. Joan Verdú est, avec Marco Odermatt et Filip Zubcic, très certainement l’athlète qui fait la plus grosse impression sur les skis de géant depuis le début de l’hiver. « J’ai construit la confiance, mon ski est toujours mieux, mentalement je suis prêt à jouer devant. » Ses résultats du dernier hiver l’ont confirmé dans son choix de se battre pour devenir l’un des meilleurs skieurs de la planète, puisqu’il s’inscrit à 6 reprises dans le top 20 en Coupe du monde. « La qualification pour les finales, chez nous en Andorre, a agi comme un déclic », assure sa cousine Gemma qui essaie de le suivre sur la plupart des courses sur le circuit. « Ce n’était pas son objectif et y parvenir lui a donné une grosse confiance. »

Joan Verdu a fait grosse impression sur les skis en ce début d’hiver. (Alexis Boichard/Zoom)

Mais nombreux sont toutefois surpris de le voir tenir la dragée haute aux top athlètes en ce début de saison. « Franchement, nous nous attendions pas à le voir aussi bon, même si sa préparation durant l’été laissait augurer de belles choses », soutient son oncle Pierre, qui était présent à Alta Badia il y a trois semaines. Les seuls, peut-être, à croire à la véritable éclosion du skieur andorran, ce sont ses coéquipiers d’entraînement estivaux. « Je ne suis pas surpris de le voir là », constate Aleksander Aamodt Kilde. « Quand tu vois comment il skie, comment il se comporte, tu vois qu’il sent le truc. C’était juste une question de temps », certifie la star norvégienne qui a partagé l’entraînement avec Joan Verdu cet été sur les pistes de Nouvelle-Zélande.

Aleksander Aamodt Kilde comme mentor et ami

Lorsque l’on vient d’une nation qui dénombre un total de résidants (80’000) similaire à la ville de Saint-Gall, il est difficile de pouvoir compter pléthore d’athlètes de haut niveau. Ainsi, Joan Verdú doit se débrouiller comme il le peut. S’il a la chance de s’appuyer sur le soutien financier sans faille de sa petite Principauté nichée au coeur des Pyrénées – ce qui lui a permis de se construire un staff de tout premier ordre -, il doit trouver des solutions pour s’entraîner. Il a profité des relations de son entraîneur Juan Lago, qui faisait partie du staff norvégien par le passé, pour participer au camp de l’équipe scandinave l’été dernier dans l’hémisphère sud. « Rejoindre les grandes nations me permet de partager des instants privilégiés avec de bonnes équipes et de bons coéquipiers, ainsi que de me pousser. » Des gars comme Lucas Braathen, qu’il a alors cotôyé durant cinq semaines, l’inspirent « pour progresser ».

C’est toutefois d’Aleksander Aamodt Kilde qu’il est le plus proche. « C’est mon véritablement mentor », sourit l’Andorran. « J’ai une superbe relation avec lui. Il y a deux mois, il m’a donné des tuyaux, des conseils, des détails que j’applique aujourd’hui. Et cela paie. » La réciproque est de mise chez le vainqueur du gros Globe de cristal en 2020 qui apprécie la compagnie de Joan Verdu. « Je l’admire beaucoup. Il est toujours en train de rire, il est toujours positif. On se doit d’avoir des gars comme lui », complimente le champion norvégien. « Il n’est pas seulement concerné sur les skis, mais il a aussi un grand respect pour les anciens. »

Piqué, Alaphalippe? Non, la star en Andorre c’est Joan Verdu

Au milieu de grands noms comme Fabio Quartararo (motocyclisme), Gérard Piqué (football), ou autres Julian Alaphilippe (cyclisme), qui résident dans la petite Principauté, Juan Verdú possède désormais un véritable statut de star. « C’est notre Marco Odermatt », se marre sa cousine Gemma qui explique que le ski est le sport national. « Joan est devenu une sorte de référence pour tout le monde. Même les personnes qui s’intéressent moins au ski, le connaissent, le soutiennent. » C’est d’ailleurs sur l’asphalte andorrane qu’il s’est construit un énorme coffre. Lorsqu’il ne skie pas l’été, cette bête physique enchaîne les cols prisés par nombre de champions de la petite reine.

Sur les hauteurs de Soldeu ou El Tarter, Joan Verdú veut tracer sa route vers une médaille mondiale. C’est tout un peuple qui rêve de le voir triompher sur ses pistes lors des Championnats du monde de 2029 pour lesquels Andorre est le candidat favori. Arrivé enfin au sommet de son sport, le héros national ne songe plus du tout à ranger les skis à la cave, au contraire, il ne se fixe pas de limite. « Maintenant, je prends du plaisir et c’est le principal. »

Il le promet, ce ne sera pas une simple tempête dans un Verdú.

Johan Tachet, de retour d’Alta Badia