“Je n’étais pas loin d’avoir les larmes aux yeux lorsque j’ai appris la nouvelle.” C’est un Christophe Torrent très ému qui s’est confié quelques instant après avoir appris de la bouche des entraîneurs helvétiques qu’il aurait l’occasion samedi de prendre son premier départ en Coupe du monde (retenu avec Ralph Weber, au détriment de Yannick Chabloz, d’Arnaud Boisset et de Gaël Zulauf, entre autres). Après l’annonce de l’annulation de l’ultime entraînement prévu sur la Gran Becca, le Valaisan a donc été récompensé pour son excellente prestation lors du premier et finalement unique test chronométré de mercredi.

Lors de ce seul entraînement officiel à Zermatt/Cervinia, Christophe Torrent avait signé un excellent 27e temps, alors que de nombreux skieurs devant lui avaient manqué au moins une porte. Pour son premier départ dans un portillon estampillé Coupe du monde, l’Arbazien avait impressionné. “J’étais déjà très content de pouvoir faire mes premiers pas sur une telle piste. Et c’était une manche solide, avec quelques fautes tout de même, rappelle-t-il. J’étais assez surpris en voyant mon temps à l’arrivée. Mais on savait qu’il n’y aurait peut-être qu’un entraînement et j’ai su saisir ma chance.” Il a logiquement reçu les faveurs des décideurs de Swiss-Ski.

“C’est que du bonheur”

Samedi matin, pour autant que la météo ne joue pas une nouvelle fois les trouble-fête, il aura l’occasion de s’élancer pour la première fois parmi l’élite. “C’était déjà du bonus de participer à un entraînement à ce niveau alors se qualifier pour la course, c’est le bonus des bonus! Je vais pouvoir skier libéré, c’est que du bonheur.” Du soulagement aussi pour le 5e du dernier classement de Coupe d’Europe de super-G. “La situation n’était pas simple à gérer depuis mercredi, car on ne savait pas comment ça allait évoluer avec la météo.” Finalement, les annulation successives de jeudi et de vendredi ont joué en sa faveur.

Christophe Torrent va pouvoir compter sur le soutien de son canton samedi. “Avoir cette chance ici, c’est particulier, se réjouit-il. Des membres de ma famille vont venir, c’est cool. On s’entraîne ici depuis petit, alors c’est vrai que c’est spécial.” Cette connaissance du terrain l’a peut-être aidé à l’heure d’arracher son ticket pour la course.

La visualisation comme force

“Il y avait du stress comme avant chaque course, surtout que ça faisait deux ou trois semaines que je n’avais pas skié, concède-t-il. Mais après, dès que je suis sur les skis, je me sens bien et le stress s’envole.” Et la faculté que le Valaisan peut avoir à s’imprégner rapidement d’un parcours à joué en sa faveur. “C’est ce qui fait ma force en super-G, décrit-il. J’ai besoin d’une reconnaissance pour savoir comment ça va se passer. Je fais énormément de visualisation, une dizaine de fois.” Un travail entamé en amont, sous la supervision de son coach mental (ndlr: Jean-Pierre Bringhen) qui le suit depuis plus de cinq ans.

Autre nouveauté cette saison pour celui qui est monté sur deux premiers podiums de Coupe d’Europe l’hiver dernier, des skis plus longs et de nouvelles fixations. “Mon serviceman m’a poussé à faire ces réglages moins agressifs pour m’améliorer sur les parties plates, décrypte le skieur d’Anzère. Avant, je pouvais rivaliser avec les meilleurs dans les murs mais je prenais des claques sur les parties plates. Là, c’est beaucoup mieux. Et certes, j’étais un peu moins à l’aise au début, j’ai dû m’adapter mais au fil des journées, j’ai réussi à m’adapter.”

“Marco Odermatt, je l’ai regardé avec des gros yeux”

De quoi désormais jouer dans la cour des grands et de côtoyer des stars comme Marco Odermatt. “À la première séance, je l’ai regardé un peu avec des gros yeux, rigole l’athlète de 24 ans. Finalement, j’ai remarqué assez vite qu’il était très abordable. L’autre jour, j’analysais une vidéo et il était derrière moi. J’étais un peu sur la réserve mais j’ai osé lui poser une question. Il était vraiment incroyable et m’a répondu avec plaisir. Pour lui, c’était rien du tout mais pour moi, c’était un moment sympa. C’est cool d’avoir des athlètes comme ça dans l’équipe qui peuvent donner des conseils.”

Et en profitant également de l’expérience de ses potes Alexis Monney et Arnaud Boisset, notamment, Christophe Torrent espère franchir encore un nouveau palier cet hiver, alors que ses vilaines blessures qui ont jalonné sa progression sont désormais derrière lui. “Quand on regarde où j’en étais il y a deux ans et demi (ndlr: il n’était pas loin de tout plaquer) et où j’en suis maintenant, c’est assez fou, sourit-il. J’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes qui m’ont tiré vers le haut lorsque j’étais au fond du trou.”

À moyen terme, le Valaisan espère s’établir en Coupe du monde mais son parcours passera encore par son antichambre puisqu’il ne devrait pas faire partie du voyage en Amérique du Nord des meilleurs descendeurs helvétiques. “J’ai fait une préparation pour la Coupe d’Europe, c’est mon objectif.”

Laurent Morel, Zermatt