Candide Pralong (28 ans) revient des Grisons où il a participé à un camp de quatre semaines avec le groupe « distance » de l’équipe de Suisse de ski de fond. A la suite de plusieurs mois de galère après avoir contracté le syndrome du surentraînement l’automne dernier, le Valaisan retrouve petit à petit toutes ses dispositions physiques. En pleine préparation pour le nouvel hiver, le fondeur du val Ferret revient sur cette dernière saison blanche lors de laquelle il a appris à écouter son corps.
Candide Pralong, vous voyez enfin le bout du tunnel?
Il est encore difficile si j’en suis dehors ou pas. Mais depuis le mois de juin, cela va bien mieux. A partir de là, j’ai senti un déclic et je parviens à récupérer de mes entraînements. J’ai commencé alors à augmenter petit à petit la charge de mes séances. Aujourd’hui, on est mi-août et je n’ai pas eu de souci.
Quel a justement été ce déclic?
Je ne le connais pas. Mais j’ai fait un semestre à l’université à 100% lorsque j’étais en surentraînement afin de rattraper mon retard. Ce n’était pas la bonne solution car j’étais tellement fatigué que même me concentrer aux cours, de vivre une vie étudiante normalement tranquille, étaient compliqués. C’est vraiment en juin, quand qui je me suis concentré pleinement au sport, que tout a commencé à mieux aller.
Pouvez-vous vous entraîner désormais comme avant?
Jusqu’à fin mai, je ne m’entraînais pas vraiment. J’essayais simplement de maintenir une petite forme à travers quatre à cinq séances tranquilles par semaine. Je ne faisais pas de spécifique. Et début juin, on a commencé notre programme pour la nouvelle saison. Ce n’était pas long, trente minutes pour commencer et je récupérais bien. Alors, on a augmenté de semaine en semaine, sans dépasser les 10% d’augmentation. Toutefois, je n’ai pas encore atteint un volume d’entraînement normal.
Avez-vous dû revoir votre manière de vous entraîner?
J’ai pas mal changé mon approche. Je privilégie désormais la qualité à la quantité. Je me rends compte en faisant des intervalles, des tests dernièrement, que je me sens plus frais que lors des dernières saisons.
Concrètement, qu’est-ce que vous avez changé?
Avant je m’entraînais beaucoup, jusqu’à trois heures de ski sans faire des exercices spécifiques. Nous avons tout revu avec notre entraîneur (ndlr: Ivan Hudac) car il n’est désormais plus possible de réaliser le même volume qu’auparavant. On essaie ainsi à chaque entraînement d’être concentré à 200% sur une plus courte période. Maintenait, nous faisons 1h30 de séance et on coupe chaque trente minutes avec des sprints, du renforcement et divers exercices pour que ce soit plus structuré, plus varié. Il y a davantage de réflexion derrière l’entraînement. Je fais des séances qui doivent m’apporter quelque chose.
Pourquoi, ce n’était pas le cas auparavant?
Je pense qu’il faut un peu un mix des deux. Avant j’étais dans l’extrême, je m’entraînais un maximum sans trop réfléchir. J’ai fait de bonnes chose, obtenu de bons résultats, mais c’est ce qui m’a aussi conduit en surentrainement et il fallait donc changer quelque chose.
Vous estimez que c’est la cause du surentraînement?
Encore aujourd’hui c’est dur à savoir. C’est une accumulation de plusieurs stress qui conduisent à ce sentiment. Entre la charge des entraînements, le stress lié aux études à côté, il y a plusieurs choses. Quand on parle de surentraînement, cela vient d’un surplus de stress dont l’origine peut être diverse.
Comment cela se traduisait-il physiquement?
Je ne récupérais pas du tout de mes entraînements. J’avais l’habitude de m’entraîner deux à trois fois par jour. Puis, j’avais besoin de trois jours pour récupérer d’un entraînement de deux heures. Je remarquais que je dormais mal. J’avais des troubles du sommeil. J’étais encore plus fatigué, c’était une spirale sans fin.
Comment avez-vous géré ces symptômes?
Je n’avais pas le choix de calmer, de faire le moins de sport possible. Il n’existe pas de solution miracle, il fallait du temps.
Avez-vous eu peur un moment de ne pas retrouver vos sensations d’antan?
Un peu ce printemps. A la base, je devais reprendre mon entraînement normal début mai mais je ne parvenais toujours pas à récupérer. Je me demandais pourquoi après cinq ou six mois, cela ne tournait pas. Mon entraîneur m’a dit que l’on repoussait la reprise au mois de juin, et je ne sais pas comment expliquer, tout d’un coup mon corps réagissait mieux. Aujourd’hui, je me sens vraiment bien. Mais je reste prudent, car cela ne fait que deux mois et demi, que ça va bien.
Avez-vous appris sur vous durant cette période?
Oui, ca, même si je n’ai pas fait du spécifique pour le ski de fond durant ces mois, je suis resté sur l’optique de toujours m’améliorer. Je me suis renseigné sur les principes d’entraînements, du mental, de la technique, j’ai essayé de travailler dans des domaines dans lesquels je ne travaillais pas avant.
Etiez-vous conseillé durant cette période?
Oui, par des personnes qui ont connu les mêmes problèmes que moi. La plupart m’ont dit qu’il n’y a pas de solution miracle et m’ont expliqué les éléments qui n’avaient pas fonctionné pour eux et que je devais éviter de répéter. La première chose est d’écouter son corps. Désormais, j’arrive à savoir quand mon corps est fatigué, à gérer le moment où il a besoin de repos. J’ai l’impression de trouver plus facilement l’équilibre.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui se retrouverait dans la situation que vous avez connue?
D’arrêter le plus rapidement possible. Mais la chose la plus difficile est de s’en rendre compte. Lorsque l’on m’a parlé tout d’abord de surentraînement, je n’ai pas cru. Je ne prenais pas cela au sérieux. Si on te diagnostique, il faut stopper. Quand tu es sportif pro, c’est difficile de devoir faire une pause. A chaque personne que j’ai rencontrée, elles m’ont dit qu’elles avaient commencé trop tôt, donc d’attendre. C’est ce que je dirais au prochain, même si, moi aussi, comme les autres, j’ai commis la même erreur.
Comment avez-vous vécu de regarder vos amis en Coupe du monde à la télévision?
Au début, c’était difficile, car j’avais encore l’intention de concourir. Puis, dès janvier, au moment où j’ai décidé de tout stopper, d’accepter, ça a tourné et j’ai adoré suivre les compétitions.
Vos objectifs pour le prochain hiver ont-il été revus après une saison blanche?
Non, ils sont les mêmes qu’avant. Si je me suis battu pour revenir, ce n’est pas pour être moins fort. J’ai tiré un trait sur les longues distances, car mon objectif sera la Coupe du monde avec le Tour du ski en perspectives. Je l’avais fait en 2018 jusqu’à la fin, j’avais adoré et cette fois j’aimerais réaliser quelque chose de bien.
Johan Tachet, Orsières