Actuellement 21e du classement général de la Coupe du monde et 9e de celui du slalom, Camille Rast a effectué un gros pas en avant cette saison. Quatrième meilleure Suissesse cet hiver, la skieuse de Vétroz a changé de statut et il ne lui manque qu’un podium pour confirmer sa grosse progression entrevue tant dans ses résultats que dans sa manière de skier et sa confiance.
Son nouveau statut, Camille Rast en est fière et compte bien le faire fructifier en cette fin de saison, avant de poursuivre sa marche en avant lors de la préparation estivale. Souvent considérée, à juste titre, comme l’un des fers de lance de la relève helvétique, elle a tout pour faire l’ultime pas vers le plus haut niveau mondial. Déterminée, elle s’est confiée en marge des courses d’Åre, point de départ de la dernière ligne droite de son meilleur hiver sur le Cirque blanc.
Camille Rast, comment vous sentez-vous avant le rendez-vous d’Åre?
Je vais bien. Il y a eu une longue période de pause à gérer depuis Soldeu, mais je crois avoir réussi à plutôt bien le faire. J’ai vraiment pris le temps de me sortir du « truc » et de me replonger dans le ski. J’ai fait la part des choses. J’ai peu skié par rapport à d’autres, uniquement quatre jours à la maison. J’étais cuite et de toute façon, on n’avait pas le choix. On ne pouvait pas décider d’aller faire d’autres courses. J’avais déjà pris la décision avant la saison de tirer un petit peu sur la corde jusqu’à Soldeu, avant ce « break ». Et là, j’ai de nouveau envie de courir.
En plus, vous retrouvez des conditions plutôt hivernales en Suède.
Oui, c’est vrai. Mais les conditions sont assez changeantes et il faut beaucoup s’adapter.
Quel premier bilan tirez-vous de votre saison, alors qu’il reste deux week-end de Coupe du monde, à Åre et à Saalbach? C’est assez fou de se dire que vous êtes 21e du classement général de la Coupe du monde alors que votre début de saison n’était pas forcément flamboyant…
On a tendance à oublier d’où je viens. Il y a eu beaucoup de bons résultats chez les Suisses et on a parfois tendance à passer rapidement d’un résultat à l’autre dans le pays. Mais pour moi, pour ma première saison de nouveau chez Head, il a fallu retrouver les automatismes. C’était un gros travail au début et du coup, c’est vraiment positif. Je ne pensais pas que ça allait si vite vers le bien. Je l’espérais mais peut-être pas à ce point. Ma régularité globale commence à payer. Maintenant, il me reste encore à aller chercher la régularité dans la manche et c’est ce qui me fera aller plus vite encore.
Regrettez-vous d’avoir changé de matériel la saison dernière (ndlr: elle était passée de sa marque de toujours Head à Salomon)?
Non, ça fait partie d’une carrière. Je devais le faire une fois car ma curiosité est plus forte que moi. Il n’y a pas de moment idéal mais ce que je peux dire, c’est que je suis très contente d’où je suis aujourd’hui, de ce que j’ai réussi à faire avec ce que j’ai aux pieds. J’ai beaucoup appris. Je ne suis pas sûr que j’en serais là sans ce changement, peut-être qu’autre chose n’aurait pas fonctionné. Dans la vie, il y a des choses qu’il faut faire, ça s’appelle le destin. Si ça n’avait pas été l’année dernière, cela aurait peut-être été l’an prochain. Avec des « si » et des « mais », on peut refaire une carrière. Si j’avais dû changer quelque chose dans ma carrière, je l’aurais peut-être fait plus tôt pour éviter trois année blanches avec ma blessure et ma mononucléose. Mais en même temps, je n’y peux rien. Reste que le temps perdu, je l’ai plus ressenti à ce moment-là que la saison dernière.
Vous l’avez précisé plus tôt. En gagnant en régularité au cours de vos manches, le podium va finir par arriver, non?
Oui, pour moi, c’est la clé. Mentalement, j’ai fait d’énormes progrès. Je me sens plus prête quand j’arrive aux courses. Certes, on peut toujours faire mieux mais j’ai fait un grand pas en avant. Physiquement et techniquement, ça tient. Les étoiles sont plutôt bien alignées, il faut « juste » trouver cette régularité sur deux manches, de haut en bas et avoir un petit peu de chances aussi.
Cela pourrait-il arriver dimanche, alors que c’est votre entraîneur Denis Wicki qui tracera la première manche et que c’est un terrain sur lequel vous êtes devenue championne du monde juniors (en 2017)?
Je ne dis pas non. Après, sans savoir réellement pourquoi, je n’aime pas trop Åre. Je ne sais pas si c’est parce que c’est en fin de saison, parce qu’il y a eu une pause avant, si c’est le fait qu’on a déjà eu des courses de printemps par chez nous ou si c’est parce que je me suis blessée ici il y a deux ans aux deux genoux, mais il y a un petit mélange de tout cela. Cependant, je ne me prends pas trop la tête. J’ai dit la même chose avant Jasná et au final, j’ai adoré. Je vais me laisser surprendre pour ce week-end.
Que retenez-vous de cet hiver?
Énormément de positif. On a été quelque peu déséquilibrées dans l’équipe avec la blessure de Wendy (Holdener). Avec Mel (Meillard), notre statut a changé de suiveuses à leaders. En tant que jeunes francophones, on n’avait jamais eu l’occasion de se faire entendre. On nous a écouté mais pas toujours suffisamment entendues pour faire bouger les choses dans le passé. Pour nous, cette fois, c’était une belle opportunité qu’on a pu saisir.
Et les résultats ont suivi.
Oui, et le statut a changé. En slalom, je suis dans les dix meilleures mondiales. Faire ce que j’ai fait, en slalom et en géant, où je suis aux portes du top 20, ça montre qu’il faut s’accrocher. Il y a de l’espoir!
Et vous parlez de Mélanie, une fois de plus vos destins semblent liés.
Oui et non, on a chacune notre route. Elle s’est plus orientée vers le slalom, alors que moi je n’ai jamais voulu lâcher une des deux disciplines. Physiquement et mentalement, c’est plus difficile.
Et pour l’année prochaine, que pouvez-vous espérer au sein de cette équipe? Être mieux entendues?
J’espère que par nos résultats, nos besoins et nos envies seront plus écoutés. Tout ne va pas changer du jour au lendemain, c’est sûr, mais on aimerait bien par exemple s’entraîner plus souvent en Suisse romande. On remarque avec Mel que les voyages nous coûtent beaucoup d’énergie mentale et physique. Dans le groupe (avec Wendy Holdener), les francophones sont finalement majoritaires en nombre. Ce serait bien de le prendre en considération. C’est une question de mentalité et j’espère qu’on va parvenir à la changer. On espère aussi pouvoir partager nos avis en terme de programme. Je pense notamment à Ushuaïa, où nous pourrions partir plus tard et rester une semaine plus tard, alors que les conditions sont bonnes.
Vous vous êtes également entraînée en super-G cet hiver, juste?
Oui, un jour à Reiteralm en janvier. C’est clair que ça me titille. C’est quelque chose que j’ai bien aimé. Pourquoi pas mettre les longs skis en fin de saison pour me faire plaisir. Pas forcément pour aller chercher des performances, mais plus pour trouver des sensations et du plaisir sur les skis. C’est important! On a vu avec Lucas Braathen que sans plaisir, on peut en arriver à arrêter une année…
Pourriez-vous faire une carrière « à la Justin Murisier », parti du slalom et bifurquant vers la vitesse?
Non, je ne pourrais jamais abandonner le slalom, c’est ma discipline de cœur. J’adore ça depuis que je suis gamine. Mais pourquoi pas mettre des skis de super-G, oui, peut-être déjà en Coupe d’Europe mais sans pression car la priorité reste dans les disciplines techniques. Le moment venu, je vais le sentir. La descente, c’est plus compliqué. L’expérience joue un grand rôle, il faut connaître les pistes et pour le moment, ça ne m’intéresse pas.
Laurent Morel, Åre