Enfin! Après des années de galère, de préparations tronquées par les blessures ou la maladie, Camille Rast a pu profiter de son été pour mettre toutes les chances de son côté. Libérée, plus souriante que jamais et surtout extrêmement rapide à l’entraînement, la skieuse de Vétroz peut nourrir de grandes ambitions cette saison. Si c’est surtout en slalom qu’elle devrait briller, elle espère aussi se rapprocher des meilleures en géant. Première réponse dès ce samedi sur le glacier du Rettenbach de Sölden, où elle tentera de briller malgré un dossard peu avantageux (le 53).
Quelle est la différence entre la Camille Rast de l’année passée et celle qui se présente à Sölden ce week-end?
L’an passé, c’était une découverte après la blessure, après un long moment sans départ. Là, j’ai pu courir l’année passée, cet été, et on est repartis pour un nouvel hiver. La saison dernière, c’était considéré comme un retour de blessure, je devais voir où je me situais. Cette année, j’ai un peu plus de pression sur les épaules, surtout en slalom. En géant, je dois encore faire mes preuves. On verra bien comment ça se passe ici. Ça arrive tôt dans la préparation. J’espère approcher le cut mais sinon ce sera pour tout bientôt.
Vous êtes très rapide à l’entraînement, comment abordez-vous cet hiver?
La grosse différence entre le géant et le slalom, ça va clairement être le dossard. Le slalom, je vais pouvoir profiter d’être dans le top 20 tandis qu’en géant, il va falloir venir depuis derrière, avoir un peu de chance avec la météo aussi et les conditions de piste. J’ai mis toutes les chances de mon côté à l’entraînement, maintenant j’espère que les jours de course, j’arrivera à avoir le petit déclic dans ma tête et à faire un pas en avant.
Comment évaluez-vous votre préparation?
Je n’ai jamais pu profiter d’une telle préparation. Avant, j’étais encore à l’école. A la fin de la saison, je repartais sur les banc de cours et je devais décaler le début de la préparation physique. Désormais, je peux préparer ma saison dès que je termine la précédente et c’est ce que j’ai fait l’année passée. C’est la première fois que je pouvais skier jusqu’à fin avril. Je me sentais un peu comme une gamine, j’entre enfin dans le milieu professionnel. Je peux m’entraîner sans penser aux cours. C’était vraiment top cet été, je suis extrêmement contente.
Sur les glaciers, c’est à prendre avec des pincettes. Par contre ce qu’on a pu faire cet automne à Diavolezza, c’est toujours un point positif pour moi de voir que je suis dans le coup aux chronos, sur de la vraie neige de course. Voir que je suis dans le coup par rapport à Wendy (Holdener) qui donne 100% à l’entraînement, c’est agréable. Michelle (Gisin), elle, est capable de skier une demi-seconde plus vite en course. Lara (Gut-Behrami), c’est un peu pareil. En géant, il y a des jours où elle gère son truc et d’autres où elle se donne plus. C’est vraiment un plus de l’avoir dans l’équipe.
Et vous alors?
En général, je sens aussi ce petit truc en course. Mais bon, à l’entraînement, j’ai peut-être 5-6 numéros de décalage avec les meilleures et en course il y en a 50 alors…
Quelle est la limite de Camille Rast?
Il n’y a pas de limite (rires). On va tout le temps la chercher, chercher le meilleur de nous même, chercher à performer au mieux physiquement ou mentalement. La pression peut nous faire craquer mentalement mais physiquement, j’ai donné. J’ai décidé de ne plus craquer physiquement. On verra, il faut que je mette tous les éléments d’expérience engrangée ensemble avec un peu de fougue de jeunesse et peut-être que ça marchera à merveille.
Pensez-vous qu’il pourrait s’agir de la saison de l’explosion pour vous?
Je ne crois pas qu’il faut dire que ça va être ma saison. J’espère que ma carrière a encore quelques années devant elle et je ne suis pas sûr que je dois exploser à tout prix cette saison. Ça doit être un chemin où on passe des étapes, on prend de l’expérience. On apprend beaucoup de choses en étant jeune et j’espère pouvoir faire la performance qu’il faut, au bon moment.
Que peut-on évoquer comme objectif cette saison?
En slalom, je suis aux portes du top 15 alors c’est clair que j’espère y accéder. Après, c’est difficile de se situer en début de saison et c’est un petit peu tôt pour parler d’objectif. Mais c’est vrai qu’entrer dans le top 15 en slalom, ce serait bien. En géant, en partant si loin, je vais déjà viser le top 30 et ensuite on verra si le niveau me permet d’aller encore plus vers l’avant. Mais je ne vais pas me mettre de pression par rapport à ça, à des objectifs chiffrés.
Mentalement, vous sentez-vous également plus forte qu’il y a un an?
A l’entraînement, je sens la différence, vraiment. Après, en situation de course, c’est difficile à dire. J’ai quand même quelques doutes, un peu d’appréhension par rapport à où je me situe. Les filles skient différemment en course ou à l’entraînement. Oui ça va bien à l’entraînement pour moi, mais c’est chez les Suissesses. Où sont les Italiennes, les Américaines, les Autrichiennes? Peut-être que dix d’entre-elles sont plus rapides que nous.
Avec quoi seriez-vous satisfaite samedi?
Je pense que si je peux être au départ, sûre de moi et donner mon meilleur, juste skier à mon niveau, avec mes capacités, jouer avec mes skis, me faire plaisir et je pense que je serai heureuse. Après, j’espère que ce ski-là suffira pour entrer dans les 30 et faire des points. Si ce n’est pas le cas, je retournerai à l’entraînement et je travaillerai sur les détails qui manquent pour prendre les 30 avec mes gros dossards.
L’équipe de Suisse féminine est un petit peu décimée avec les blessures et maladies. Comment gérez-vous cette situation?
On pratique quand même un sport individuel donc on doit regarder ce qui se passe pour nous. On s’entraîne en équipe et on évolue en groupe toute l’année mais chacun doit faire son travail dans son coin donc c’est un peu ce que j’ai fait. J’ai bossé physiquement de mon côté et en arrivant sur les skis, je me sentais prête, je skiais sans douleur nulle part, ni au dos, ni au genou, rien. Pour moi, l’absence des autres n’a pas changé grand chose. Je fais mon chemin, mon travail et on verra bien si ça paiera au chrono.
Laurent Morel/JT, Sölden