Mathilde Gremaud est passée par toutes les émotions en Norvège. Une vilaine chute vendredi, un forfait salutaire samedi pour le Big Air et un retour en force dimanche pour le slopestyle, dont elle a pris le 2e rang. La Gruérienne a réussi une prestation toute en technique et en finesse pour s’emparer d’une cinquième médaille lors du grand rendez-vous des sports extrêmes, la première en slopestyle.

Dans l’aire d’arrivée pluvieuse de l’épreuve norvégienne, la vice-championne olympique s’est fait plaisir en arrosant de champagne la gagnante Maggie Voisin et sa pote Giulia Tanno, avec qui elle a partagé le podium avant de partager ses émotions à travers un grand sourire qui en disait long sur son soulagement. 

Mathilde Gremaud, que retenez-vous de ce week-end agité?

Vendredi, je suis tombée sur la tête et j’ai cassé mon casque, qui est fait pour. Heureusement d’ailleurs, sinon j’aurais probablement souffert d’une grosse commotion. On a effectué de nombreux tests et les médecins m’ont rassuré en me disant qu’il n’y avait pas de souci. Toutefois, samedi, je ne me sentais pas prête à m’élancer sur le Big Air. La tête, c’est trop précieux et je n’avais pas suffisamment confiance. Du coup, j’ai préféré ne pas prendre le départ, surtout si c’était pour ne pas être à mon niveau. Mais j’ai croisé les doigts pour le slopestyle.

Et ça a fonctionné…

Je me suis réveillée aujourd’hui (ndlr: hier) et ça allait vraiment bien, un petit peu comme aux Jeux olympiques en 2018. Je n’avais aucun doute, alors j’y suis allée. Le parcours n’était vraiment pas simple, mais les autres filles n’étaient pas forcément mieux préparées que moi. Même si je n’ai pas forcément réussi le run le plus technique que je pouvais, c’était suffisant.

Vous n’êtes jamais aussi forte que lorsque vous êtes dans cette situation en fait.

Je pense qu’avoir des doutes, ça permet de mieux rebondir. Ce n’est pas un mythe, pour moi ça fonctionne comme ça. Parfois, c’est bien aussi sans avoir des doutes, mais je m’adapte.

Aujourd’hui, vous n’étiez pas très loin de la victoire. Ça se joue à pas grand-chose.

En effet. Je pense que si j’arrive à plaquer mon dernier saut lors de mon dernier run, je suis tout devant. Mais il fallait le faire et je ne l’avais pas encore essayé sur ce saut. Dans cette situation, c’est soit ça passe, soit il manque un petit peu d’ajustement. Il ne me manquait pas grand chose, oui. Je suis contente d’avoir essayé et de ne pas m’être fait mal.

Cette médaille est votre 5e remportée lors de X Games. Pensiez-vous être capable d’un tel résultat il y a quelques années?

Non, mais c’est cool. En plus, c’est la première en slopestyle alors ça fait plaisir. 

Mathilde Gremaud s’est fait plaisir dans le park d’Hafjell. (Maeva Pellet/SkiActu)

Lorsque vous tombez, votre tête subit assez souvent des chocs. Comment réagissez-vous?

J’essaie de trouver quel est le problème pour éviter que ça se reproduise. Je pense avoir une bonne coordination et de bons réflexes, ce qui me permet de toujours réussir à me rattraper d’une manière ou d’une autre, à retomber sur mes pieds et à ne pas me tordre quelque chose. Mais c’est à ce moment que je dois alors contrôler la tête…

Quand ça arrive, je prends beaucoup de précautions, je reste tranquille. Je crois que c’est n’est pas vraiment un problème à partir du moment où je fais très attention et que je soigne ça. C’est typiquement pour cela que j’ai renoncé samedi. C’est n’est pas simple de dire non aux X Games mais je ne veux pas avoir mal à la tête toute ma vie. J’ai entendu beaucoup de choses à ce sujet et je ne rigole pas avec ça.

Vous êtes encore très jeune (ndlr: 20 ans), mais pensez-vous déjà avoir évolué avec les années passées sur le circuit?

C’est vrai qu’avec l’expérience, je m’écoute plus, je veux être en accord avec moi-même. Ma santé est la priorité. J’ai appris à prendre des décisions sans avoir de regret. Je fais partie d’une équipe, j’ai des sponsors, mais au final, c’est moi qui reste maîtresse de mes choix.

Au début de ma carrière, mon entraîneur prenait passablement de décisions à ma place. Je ne me plains pas car ça fonctionnait très bien, mais maintenant qu’il n’est plus là, j’ai dû grandir. Désormais, je fais moi-même ce travail. C’était un de mes objectifs cet hiver et je suis contente d’avoir réussi à l’atteindre.

Cette saison, vous étiez souvent en voyage avec passablement d’épreuves aux Etats-Unis notamment. Quel bilan en tirez-vous jusqu’ici?

Tout a été tellement vite que je n’ai pas trop eu le temps de compter les podiums. Mais je me rends maintenant compte que c’était une super saison. Je n’ai jamais vraiment d’attentes tant car on ne sait jamais ce qui peut arriver. On peut toujours faire mieux, mais je suis vraiment contente.

Y a-t-il un moment qui a été particulièrement compliqué dans votre saison?

Je dirais la Chine (ndlr: forfait après une chute à l’entraînement). Si j’avais pris le départ là-bas, j’avais beaucoup plus de chances de gagner le Globe de cristal en Big Air, qui m’est déjà passé plusieurs fois sous le nez. 

Le niveau du freeski est en constante augmentation. Vous devez aussi vous adaptez à cette situation. C’est facile?

C’est intéressant car on voit un petit plus de variété sur les podiums. Ce ne sont pas toujours les mêmes filles. Ça nous pousse à progresser, c’est beau. Il faut que je réussisse à être encore plus constante et ça va aller de mieux en mieux pour moi, j’espère.

Les X Games se déroulent désormais sous le format de «Jam sessions», lors desquelles vous êtes jugés sur l’impression générale. Qu’en pensez-vous?

C’est quelque chose qui fait peut-être plus sens en slopestyle qu’en Big Air. Il faut être solide sur plusieurs runs. En slopestyle, j’aime bien, ça change de la Coupe du monde car c’est intéressant de devoir varier les passages. 

Il reste normalement une étape de Coupe du monde à Silvaplana en slopestyle. Vous pouvez viser encore le Globe dans cette discipline, c’est un objectif?

Bien sûr, je vais tout faire pour. En gros, je dois gagner pour l’obtenir. En général, lorsque je skie bien le résultat suit, alors je suis optimiste.

Et sinon, de quoi sera faite votre fin de saison?

J’ai pris passablement de retard à l’école avec tous les voyages alors il va falloir que je rattrape tout ça, surtout que je finis en juin. Sinon, il y aura également les Audi Nines à Sölden. Je m’en réjouis beaucoup.

Pensez-vous déjà à la saison prochaine?

Pas du tout, je suis focalisée sur la fin de saison et sur mes cours…

Laurent Morel, Hafjell