“Ressentir de telles émotions fait un bien fou!” La phrase émane d’un supporter aguerri de Marco Odermatt, plus qu’heureux de retrouver une ambiance digne de ce nom samedi dans les tribunes de l’aire d’arrivée de la Chuenisbärgli après une année de disette et une “ghost edition” (édition fantôme) la saison dernière, comme l’avaient appelé les organisateurs puisqu’elle se déroulait à huis clos. Cette fois, le public a fait son retour à “Adel la belle”, et pas qu’un peu.

Si des jauges, des limitations, ont été évoquées par les responsables oberlandais, l’ambiance se rapprochait finalement assez de ce qu’elle était avant la pandémie mondiale, même s’il fallait montrer patte blanche pour entrer dans l’enceinte de l’événement (3G, vacciné, testé ou guéri). Et le nombre de spectateurs ayant effectué le déplacement pour le mythique géant ne semblait finalement pas beaucoup en-deçà des habitudes. Les files d’attente à Frutigen pour embarquer dans les bus vers Adelboden depuis la gare et les goulets d’étranglement dans certaines zones malgré l’organisation rôdée venaient confirmer cette impression.

Une ambiance quasi habituelle et un drame

Les responsables ont annoncé la présence de 12’300 personnes sur le site samedi, soit à peu près la moitié du public habituel. Mais à se promener entre les chalets, les tentes et les stands de bières, de schnaps et de saucisses dans les allées du “Weltcup Dorf”, difficile de voir la différence avec les années “normales”, si ce n’est l’absence de la fameuse tente sous laquelle la Schlager résonne habituellement. Mais impossible ce samedi de circuler sans se faire bousculer dans tous les sens par une foule dense, rompue à l’exercice de déambuler dans la zone par des années d’expérience dans les pâturages enneigés d’Adelboden.

La situation était toutefois plus calme dimanche pour les 6100 spectateurs annoncés par les organisateurs, même si la journée a été s’est conclue sur une note tragique, avec l’annonce du décès d’un Fribourgeois de 20 ans, venu assister au géant et disparu depuis 18 heures samedi. Son corps a été retrouvé sans vie dimanche vers 19 heures, annonce La Liberté.

Les spectateurs ont bien profité du village de la Coupe du monde samedi. (LMO, SkiActu)

La tribune principale, elle, a été renforcée par l’installation d’un virage supplémentaire pour observer les meilleurs skieurs du monde dans le mythique mur final. L’ambiance n’en était que plus belle, magnifiée par les exploits helvétiques. Et le public, parfois masqué (ce n’était pas obligatoire car la manifestation se déroulait en extérieur), a joué le jeu, encourageant avec ferveur ses protégés. Sauf que ce week-end idyllique semblait en décalage total avec la situation actuelle dans le monde, qui contraint de nombreux dirigeants à prendre des mesures drastiques. Les compétitions en Autriche et en Allemagne se déroulent à huis clos, Les Rousses, à la frontière helvétique, sont contraintes d’annuler leur étape de Coupe du monde de ski de fond, mais en Suisse, on est en passe de retrouver la normalité.

Le Cirque blanc a peur

Ce choix a de quoi surprendre mais les autorités assurent que tout a été fait pour assurer au maximum la sécurité de l’ensemble des personnes présentes et que le public doit assumer ses choix. Sauf que la caravane de la Coupe du monde a peur de subir de plein fouet l’arrivée du variant Omicron et de se retrouver au coeur d’un cluster. Certes, l’immense majorité des athlètes et de leur entourage est vaccinée, mais une contamination au Covid-19 maintenant signifierait automatiquement une absence lors des Classiques de Wengen et de Kitzbühel, ainsi qu’un gros point d’interrogation pour les Jeux olympiques de Pékin, qui démarrent dans moins de quatre semaines.

Et si de nombreux cas ont déjà été recensés sur le circuit féminin, ce n’est pas le cas chez les messieurs. La bonne nouvelle, c’est que le Covid-19 ne semble pas avoir été en mesure d’y faire sa place. Mais cela laisse craindre le pire à certains skieurs et à leur staff. “On serait rassuré si c’était derrière… Bien sûr que ça fait peur de devoir subir un coup d’arrêt, glissent la plupart des acteurs du Cirque blanc. On est sur le qui-vive en permanence actuellement.” La plupart des équipes a renforcé ses mesures de prévention, à l’image de la Suisse, qui réserve désormais des chambres simples pour ses athlètes et leur demande de manger seuls à leur table ou dans leur chambre justement.

Splendide 2e tant du géant que du slalom sur la Chuenisbärgli, Manuel Feller y est lui allé de son interrogation, s’étonnant lors d’une interview à ORF de la différence de traitement que subissent les courses en Autriche et en Suisse notamment. “Les Suisses ont une approche un peu différente, a-t-il rigolé. Ils tentent de contaminer tout le monde en un week-end…” Dans la foulée du géant, la remise des prix prévue samedi soir a finalement été annulée par l’organisation.

Positif avant les Jeux olympiques, la crainte absolue

Quant aux journalistes, en contact direct avec les athlètes, ils ont dû jouer des coudes malgré leur nombre limité cette année. Contraints pour la plupart à se mélanger au public dans les bus pour se rendre à Adelboden et pour rejoindre l’aire d’arrivée à cause de la configuration des lieux, ils ont ensuite dû s’entasser dans une zone mixte des plus exiguë, où il était tout simplement impossible d’imaginer respecter la moindre distance sociale. Et malgré les efforts de la FIS pour tenter de limiter les risques de contamination au maximum, la crainte était également bien présente pour ceux qui doivent se déplacer en Chine d’ici quelques jours.

La FIS, elle justement, tente tant bien que mal de mettre en place une bulle et de faire respecter ses nombreux protocoles. Mais elle est contrainte de se plier aux décisions des organisateurs locaux et surtout des autorités des lieux sur lesquels se déroulent les compétitions. Qui doit être testé? PCR ou antigénique? Quel public peut se rendre sur place? Toutes ces questions trouvent des réponses différentes dans chaque région. Un vrai casse-tête pour l’instance, qui espère que la problématique ne va pas s’amplifier d’ici aux Jeux olympiques. D’ici là, la caravane de la Coupe du monde va tenter tant bien que mal de continuer sa route, slalomant entre les différentes mesures, et espérant surtout que la situation ne dégénère pas.

Devant un public attendu à nouveau nombreux à Wengen le week-end prochain…

Laurent Morel, Adelboden