Dans les prairies enneigées de l’Oberland bernois, on craignait que le fait d’avoir déplacé le géant au dimanche gâche quelque peu la fête du fameux week-end d’Adelboden. Pourtant, malgré une foule moins dense que le samedi pour des questions d’organisation, l’ambiance était sensationnelle ce dimanche au pied de la Chuenisbärgli. Le ski suisse continue de faire recette et au vu du bruit entendu dans l’aire d’arrivée, le public est nombreux à avoir envie de grignoter une part du gâteau. Il faut dire que le doublé réussi par Marco Odermatt et Loïc Meillard a de quoi faire rêver.
Les deux hommes, inséparables depuis longtemps sur les podiums, ont écrit une nouvelle page de l’histoire du ski suisse en imitant Marc Berthod et Daniel Albrecht, auteurs d’une extraordinaire doublé en 2008, le dernier en date. Cette fois, le suspense a été entier jusqu’aux derniers mètres. Grand favori, Marco Odermatt a laissé la vedette à Loïc Meillard en première manche, ne signant que le troisième temps d’un parcours remporté par le Valaisan. Celui-ci, encore en tête en haut du mur final sur le second tracé, a finalement dû céder devant le skieur helvétique le plus victorieux de l’histoire, pour 0″20 seulement.
« Un petit pincement au coeur »
« Quand on passe la ligne et qu’on voit du rouge, il y a une pointe de déception, un petit pincement au coeur, surtout que les deux dixièmes, je sais que j’aurais pu les trouver à quelques endroits », a relevé Loïc Meillard, sorti la veille en slalom. « Mais ça fait partie du jeu et je peux cependant être plus que satisfait du ski que j’ai montré aujourd’hui. À la fin, c’est le meilleur qui a gagné. » Le frère de Mélanie, vice-champion du monde en 2023 derrière son compatriote, devra encore attendre afin de décrocher une première victoire cette saison.
Son rival semblait presque gêné d’avoir encore un fois privé son compatriote d’un succès qui lui tendait les bras. « Je sais que Loïc veut gagner ici très fort », avouait Marco Odermatt à l’heure de l’interview. « Je pensais d’ailleurs qu’il allait s’imposer. Il était devant avant le mur et j’ai commis une petite faute. Mais au final, la chance était de mon côté. » Cette situation, encore une fois, n’est pas sans rappeler celle qu’a longtemps vécu Stan Wawrinka avec Roger Federer. « C’est vrai », reconnaît Odi. « J’ai presque eu de la peine pour Loïc aujourd’hui. Il était plus rapide aujourd’hui sur beaucoup de lignes. »
Marco Odermatt meilleur skieur que chanteur
Toujours est-il que le fait de retrouver quatre Suisses parmi les sept premiers (Thomas Tumler 4e et Luca Aerni 7e) a rendu la quatrième victoire du skieur de Hergiswil encore plus spéciale. « Connaître un tel résultat d’ensemble me réjouit énormément. Pouvoir prouver qu’on est aussi forts est très satisfaisant. » Et en gagnant une nouvelle cloche (le prix promis aux trois premiers dans l’Oberland bernois, Marco Odermatt s’est également offert un problème de riche. « Je crois que je vais devoir acheter une vache », rigolait-il après avoir entonné avec brio (mais pas forcément très juste) un splendide « Vogellisi », l’hymne local, avec la foule.
Reste que les géantistes suisses ont vécu une journée de rêve en aillant l’occasion de profiter d’une ambiance une nouvelle fois complètement folle à Adelboden, qui a donné des frissons. « En montant au départ de la deuxième manche, sur le télésiège, j’ai vu cette foule incroyable et il y avait presque une petite larme qui coulait en me rendant compte de la chance qu’on a », avouait Loïc Meillard. « J’ai voulu profiter au maximum de ces instants hors du commun. » Pourtant, le skieur d’Hérémence ne se rend pas forcément compte qu’il est en train avec son équipe d’écrire l’une des plus belles pages de l’histoire du ski helvétique. « On est un peu dans notre bulle », reconnaît-il.
Luca Aerni encore brillant
Alors que les membres de son fan club ont fait énormément de bruit ce dimanche, Luca Aerni a lui réussi à profiter de l’instant, pour ce qui était son deuxième meilleur résultat en géant (7e), complétant l’extraordinaire résultat d’ensemble helvétique. « C’était une des plus belles journées de ma carrière, reconnaissait-il, dédiant ce résultat à son papa qui fêtait son anniversaire ce dimanche. « Il faut profiter de cette ambiance, ça motive pour se lever le matin. »
Laurent Morel, Adelboden