« J’ai toujours été un rebelle. » En quittant Fischer, sa marque de skis de toujours, pour rejoindre Head, Tanguy Nef en devient un, selon le slogan de la marque américaine. Sur ses nouvelles spatules, le Genevois de 24 ans a ainsi pris le même virage qu’Alexis Pinturault, le récent vainqueur de la Coupe du monde, Beat Feuz, Vincent Kriechmayr, Kjetil Jansrud ou encore Mathieu Faivre, pur ne citer qu’eux.
A un an des Jeux olympiques de Pékin ce changement peut surprendre, d’autant plus que Tanguy Nef n’avait pas totalement la volonté de troquer son matériel à l’issue du dernier hiver qui l’a vu réaliser sa meilleure saison sur le circuit avec quatre top 10 en Coupe du monde de slalom. « J’arrivais en fin de contrat et je n’avais jamais eu jusqu’ici la possibilité de tester d’autres skis. J’ai alors eu la chance d’essayer des Head, mais je me trouvais davantage dans un raisonnement d’exploration. » Il y a un mois à Schruns en Autriche, où se situe l’une des usines de la marque, il compare deux jours durant ses Fischer et les Head. « Je me suis immédiatement senti plus stable. »
L’expérience d’Alex Martin, l’ancien technicien de Ted Ligety
La philosophie de travail de l’équipementier créé à Baltimore, qui entend se développer en slalom, et la perspective de profiter de son propre technicien vont motiver le Genevois à changer d’horizon. « Chez Fischer, je partageais mon serviceman avec Daniel Yule, qui avait naturellement la priorité. J’ai discuté avec les coachs, et notamment Matteo Joris, qui m’ont signifié que c’était une belle opportunité d’avoir mon propre technicien. Cet élément a été la clé dans ma décision. »
Et pas n’importe quel technicien, puisque Tanguy Nef travaillera main dans la main avec Alex Martin. L’Austro-Américain n’est pas un inconnu dans le milieu, puisqu’il a été durant plus d’une décennie le serviceman du quintuple champion du monde et double champion olympique Ted Ligety qui a pris sa retraite au milieu du dernier hiver. Les deux hommes ont fait connaissance la semaine passée au cours d’un stage de quatre jours sur la neige de Livigno, en Lombardie. « Avec nos côtés américains (ndlr: Tanguy Nef a étudié aux Etats-Unis), on s’est très vite entendus. Il connaît son sujet et je vais pouvoir pleinement profiter de ses connaissances et de son expérience. Pour ma carrière, c’est une offre en or. J’avais le sentiment que j’arrivais à la limite du système chez Fischer. Avec un nouveau technicien, mon potentiel est décuplé. »
Tête d’affiche de la marque en slalom avec Alexis Pinturault
Si Head est la marque référence dans les disciplines de vitesse et en géant, elle ne reste que trop peu représentée au sommet des classements en slalom, une discipline dans laquelle seul Alexis Pinturault porte avantageusement les skis américains. « Au départ, c’était un problème qui me tracassait. Mais j’ai rapidement compris que Head avait la motivation et l’envie d’investir en slalom », poursuit Tanguy Nef qui sent que les attentes, en tant que tête de gondole avec Pinturault dans les virages courts, seront grandes. Mais il n’a pas peur de s’atteler à la tâche. « Il y aura naturellement un peu de travail pour s’adapter au ski sur les différentes neiges. Le développement est à faire de A à Z. »
Les premiers essais ont toutefois été concluants, même au delà des attentes. « Après les premiers entraînements, j’ai vu que je ne partais pas dans le flou. Je me sentais bien sur mes skis avec moins de risque d’enfourcher. » Ses premiers chronos en attestent. » Durant trois ans, Matteo Joris me demandait d’être à l’arrivée avec un écart de deux dixièmes maximum entre mes manches à l’entraînement. C’était difficile d’y parvenir, et là en un jour j’ai réussi. »
Etre plus performant en géant
En skiant désormais sur Head, Tanguy Nef place également ses pions en géant dont il a pris quelques départs en Coupe du monde ces deux dernières saisons, sans réussir à accrocher une fois les trente. « Etre avec un technicien qui a essentiellement travaillé en géant est un avantage sur un ski qui, en plus, fonctionne dans cette discipline. Surtout, avoir Alex (Martin) tout le temps à mes côtés va me simplifier la tâche. Je n’aurais plus besoin de me justifier pour développer une ligne de skis », explique-t-il en soulignant, par exemple, qu’il s’était retrouvé l’hiver passé seul à Bansko avec uniquement quatre paires de skis et sans serviceman. « En géant, nous étions toujours en réaction, et non en action. Désormais, j’ai l’envie d’être plus performant, sans me mettre de la pression, car la priorité reste le slalom. »
Tanguy Nef va désormais patienter jusqu’en août avant de chausser ses nouvelles spatules. Mais guère le temps de tergiverser pour le Genevois qui doit rendre en juin son travail de Bachelor, avant de pouvoir pleinement se consacrer au ski alpin.
Johan Tachet