Depuis 2019, Crans-Montana organise son désormais traditionnel slalom exhibition. Et ce dernier sait se distinguer des épreuves conventionnelles de Coupe du monde. Des règles innovantes, un format particulier, le tout en nocturne: est-ce le futur du slalom au niveau international? Décryptage.

Point n°1: une course nocturne

Schladming, Madonna Di Campiglio, Flachau: Crans-Montana s’est inspiré de certains des plus grands slaloms de Coupe du monde en proposant son épreuve en soirée. Certes, ce n’est donc pas une révolution. Mais ce qui est certain, c’est que ces compétitions nocturnes plaisent au plus grand nombre. À commencer par les athlètes: « En nocturne, j’ai l’impression que l’ambiance est meilleure », estime notamment Ramon Zenhäusern.

Marc Rochat va même plus loin. « Le nocturne, c’est l’avenir. Selon moi, la FIS devrait nous en planifier plus souvent. Ça marche tellement bien avec le slalom. » En effet, ça fonctionne pour le virage court. Beaucoup moins pour les autres disciplines où la visibilité est primordiale et où les coûts d’éclairage seraient beaucoup trop élevés au vu de la longueur des pistes. Cela n’empêche pas toutefois certains organisateurs de lancer un géant (Alta Badia) ou de rêver à des descentes en nocturne.

En ce qui concerne l’éclairage, il y a du bon et du moins bon. Le positif: avec ces lumières « artificielles », les skieurs sont certains d’être tous sur un pied d’égalité, ce qui n’est pas toujours le cas en pleine journée avec le soleil. Points plus négatifs: le coût, évidemment, mais aussi la possibilité que la qualité lumineuse soit moyenne. Par exemple, l’an dernier à Crans-Montana, tout n’était pas absolument parfait à ce niveau-là, mais les choses ont changé, en bien, pour cet opus 2022.

Point n°2: des tracés plus courts

Autre particularité, la durée des manches. Contrairement à l’accoutumée, le slalom valaisan propose des runs de moins de 30 secondes, soit quasiment la moitié seulement d’une épreuve standard. Et cela peut perturber: « Il faut voir sur le long terme si ça prend, car une manche de slalom habituelle dure 50 secondes et c’est pas simple de changer les habitudes. Mais sur le principe, j’aime bien », lançait alors Luca Aerni avant de remporter la dernière édition de l’épreuve.

Effectivement, conserver ces slaloms « normaux » semble être une obligation. Mais ajouter ce nouveau format aux manches plus courtes au calendrier apporterait du changement. Et ces derniers temps, la FIS aime le changement. « Au moins là, ça reste du vrai slalom! Pas comme leur idée de parallèle par exemple! ». Voilà qui est dit. Vous l’aurez compris, Daniel Yule préfère largement cette nouveauté que celle proposée par la FIS, qui d’ailleurs a du plomb dans l’aile…

Les entraîneurs aussi ont leur avis sur la question, à l’image de Thierry Meynet, coach de l’équipe de Suisse de slalom: « C’est un sprint! Il faut tout donner dès le départ, mais il y a aussi un aspect tactique. J’aime beaucoup! » Entraîneur en chef de cette équipe, Matteo Joris s’intéresse également au public: « Depuis l’arrivée, tu vois le départ, c’est un sacré plus quand tu viens suivre une course! » Pas faux.

Tanguy Nef espère briller cette année à Crans-Montana. (Maeva Pellet/SkiActu)

Point n°3: l’enchaînement des manches

Étant donné que les manches sont plus courtes, les coureurs peuvent en enchaîner plusieurs. Et ça, ça n’a pas l’air de déranger qui que ce soit, au contraire même. « C’est nouveau, mais on a l’habitude d’enchaîner quatre à six manches de cette manière à l’entraînement. C’est le même rythme au final », signale le Français Clément Noël.

Ramon Zenhäusern est même d’avis que cette succession de manches amène une certaine excitation. « En général, au niveau du ski, on progresse toujours manche après manche. Ça nous permet d’améliorer quelques détails au fur et à mesure. Ce format est passionnant. »

Le planning serré de la compétition fait que les athlètes n’ont pas le temps de gamberger. Au final, cela se rapproche un peu des compétitions de skicross ou encore de sprint en ski de fond, les différents coureurs devant rapidement faire le trajet du lieu d’arrivée à celui de départ. On notera aussi qu’au niveau du ski alpin, les compétitions parallèles allaient également dans ce sens-là. L’enchaînement ne gênait personne, en revanche l’équité un peu plus… Mais là n’est pas le sujet.

Point n°4: un système d’éliminations novateur

Là-aussi, il y a certaines similitudes avec ces fameuses épreuves parallèles. Dans les deux cas, personne n’a le droit à l’erreur. De plus, la remise à zéro des chronos donne vraiment un côté captivant à chaque manche. Exemple, concernant le slalom de Crans-Montana de cette année: un athlète peut très bien finir 15e (sur 22) de la première manche, 10e (sur 15) de la deuxième puis 5e (sur 10) de la troisième et finalement s’imposer lors de la dernière. La beauté de ce format.

Cette course à la victoire à cinq a ce côté « quitte ou double » qui donne un suspense énorme et un intérêt prépondérant, notamment auprès du public. « C’est un show, c’est aussi l’idée de donner une heure d’action aux spectateurs et aux téléspectateurs! », relève Matteo Joris.

Si son coach revient sur le public, Marc Rochat s’intéresse lui carrément à la relève: « Il faut de la nouveauté. Et ce type de courses peut enthousiasmer les jeunes et remettre un peu plus d’engouement dans notre sport. Je trouve malheureusement qu’il en manque ces dernières années dans le ski alpin. »

Le spectacle est assuré tout au long de la soirée pour les suiveurs. (Maeva Pellet/SkiActu)

Point n°5: des qualifications

Ce point-là est peut-être le plus instable. Car le système proposé à Crans-Montana ne semble pas exécutable en Coupe du monde. Dans le cas de ce mercredi, les 20 meilleurs de la liste WCSL sont automatiquement qualifiés pour la course. Tandis que les 10 autres passent par une manche de qualifications.

Au plus haut niveau, on pourrait très bien imaginer un système dans lequel tous les athlètes doivent d’abord se qualifier afin d’obtenir l’une des vingt places en vue des séries finales. Le tout sur une ou deux manches, et là-aussi, on se rapprocherait du skicross et du sprint en ski de fond, deux sports qui utilisent ce type de format depuis bien longtemps et surtout qui semble avoir fait ses preuves.

Seul bémol, déjà rencontré pour les parallèles: où effectuer ces qualifications? Sur la même piste que les séries finales? Avec le risque de littéralement labourer cette dernière? Pas certain. Tout cela mérite réflexion, mais certainement que la FIS saurait trouver la solution idoine…

Bilan: notre avis

On vous l’accorde, on pourrait presque croire à un article publicitaire avec l’omniprésence d’éléments positifs ci-dessus. Mais en même temps, coureurs, entraîneurs et suiveurs semblent tous ou presque du même avis: il y a vraiment quelque chose de novateur et d’alléchant dans ce slalom de Crans-Montana. Au point de retrouver ce type d’épreuves en Coupe du monde? Pourquoi pas.

Guilhem Bonnac, à Crans-Montana