Marco Odermatt chasse toujours les records. Si le champion de 26 ans n’égalera pas tout de suite Ingemar Stenmark, et sa série de 14 victoires successives en géant après son élimination la semaine dernière, il peut rajouter une ligne à son incroyable palmarès ce week-end. Une victoire lors du super-G vendredi ou de la descente dimanche lors des finales de Saalbach lui permettrait de signer un 14e succès cet hiver et devenir le seul skieur masculin à avoir réalisé pareille performance.

Mais ce n’est pas tout, s’il remporte les classements du super-G et de la descente, il deviendra le troisième athlète à parvenir à collectionner quatre Globes lors d’une même saison après Pirmin Zurbriggen et Hermann Maier. Sans oublier que le Nidwaldien, qui compte actuellement 1902 points, peut également améliorer sa marque de l’année dernière lors de laquelle il avait obtenu 2042 unités.

En fin de compte, Marco Odermatt s’intéresse-t-il vraiment à ces records? Est-il conscient qu’il est en train d’inscrire son nom en lettres d’or dans le grand livre du sport suisse et du ski mondial? Nous l’avons rencontré la semaine dernière à Saalbach.

Marco Odermatt, vous dominez le ski mondial depuis trois ans. Rendez-vous compte que vous marquez l’histoire du ski suisse autant que des skieurs de la génération des Maria Walliser, Vreni Schneider ou Pirmin Zurbriggen?

Oui, c’est très spécial. Tout d’un coup, il y a des statistiques qui sortent avec ces légendes, avec Pirmin (Zurbriggen). Je sais qu’il ne me manque plus beaucoup de victoires (ndlr: Odermatt compte 37 victoires en Coupe du monde contre 40 à Zurbriggen). Mais comme je l’ai déjà dit l’année dernière, c’est un objectif, un rêve, d’être un jour le meilleur Suisse. Et je n’ai jamais parlé d’Ingemar Stenmark ou de Marcel Hirscher. Ils sont très, très loin. Mais faire partie d’un cercle similaire à celui de Pirmin, c’est déjà très spécial.

Mais avez-vous pleinement conscience de ce que vous êtes en train de réaliser?

Oui, mais il est encore tôt, je suis encore actif. Je pense que je ne réaliserai tout cela que dans quelques années, quand je ne skierai peut-être plus. C’est aussi le cas des autres athlètes qui ont marqué l’histoire. Lorsque l’on skie, on est toujours en train de se développer, de devenir meilleur. Dans la tête, on n’étudie pas vraiment ce genre de choses. Et c’est pour ça que dans 50 ans, quand je serai vieux et assis ici, ce sera probablement très cool d’y repenser.

Est-ce un véritable challenge de battre des records ou cela vous fatigue que tout le monde vous en parle?

Les deux, en quelque sorte. On pense qu’après avoir gagné le Globe c’est facile, tranquille, que l’on profite. Mais il y a presque davantage de pression, car une 2e place peut suffire pour le Globe, mais pas pour les records. Mais j’essaie de faire la même chose à chaque course: bien me préparer, me concentrer, aller toujours à fond.

S’il y a un record que vous aimeriez battre, ce serait votre propre record de points ou le nombre de victoires en une saison?

C’est difficile à dire. J’ai déjà le record du plus grand nombre de points. C’était l’histoire de l’année dernière en ayant dépassé les 2000 points pour la première fois dans l’histoire. Je pense que j’aurais pu cette année facilement atteindre ce record à nouveau. Malheureusement, cinq, six, sept courses ont été annulées. Maintenant, avoir le record de victoires en une saison, ce serait cool (ndlr: il compte 13 victoires cet hiver, pour un record qu’il partage avec Stenmark, Maier et Hirscher). C’est vrai, les records représentent quelque chose de spécial. C’est difficile d’en parler à l’avance, mais quand ils sont là, c’est très bien.

Vous pouvez gagner quatre Globes de cristal cet hiver, le dernier athlète à avoir réussi pareille performance, c’est Hermann Maier. Comment expliquez-vous cette domination?

Je n’ai pas encore gagné les deux derniers, surtout que mes deux adversaires (ndlr: Vincent Kriechmayr en super-G et Cyprien Sarrazin en descente) skient bien et que je dois encore réaliser deux superbes courses. Mais il y a beaucoup de choses qui se sont assemblées. Avec les blessures d’Alexis Pinturault, de Marco Schwarz, d’Aleksander Aamodt Kilde et aussi avec Lucas Braathen qui n’a pas skié cette saison, il y a des gros concurrents qui n’étaient pas là. Ils auraient certainement pu combler un vide, notamment en géant.

Avez-vous l’impression d’être plus fort qu’il y a une année ?

C’est difficile à dire. Peut-être que oui. On ne le remarque pas forcément soi-même. Mais chaque année, avec de l’expérience en plus à ce niveau, on apprend toujours. Peut-être que les deux ou trois courses qui ont été très serrées cet hiver, je ne les aurais pas remportées l’an dernier.

Vous avez la faculté à toujours garder les skis dans la ligne de pente, malgré vos erreurs. Comment faites-vous ?

C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles j’arrive encore à être rapide malgré le nombre d’erreurs que je commets. Je suis quelqu’un qui ne freine généralement que lorsque ce n’est vraiment plus possible. Et même si je ne suis pas sur la ligne de course, j’essaie toujours de diriger mes skis vers le bas. J’ai toujours fonctionné comme cela. J’ai toujours été quelqu’un qui, enfant, skiait très direct, mais toujours vers le bas. Et je le fais avec de la confiance et tout se passe bien la plupart du temps.

Marco Odermatt, un style unique. (Christophe Pallot/Zoom)

On a l’impression que vous êtes un magicien sur les skis?

Ça peut paraître comme ça de l’extérieur, mais je ne le ressens pas ainsi (rires).

Allez-vous construire une nouvelle étagère avec vos nouveaux Globes?

Pas encore. Les anciens sont à la maison chez mes parents sur une armoire. Je pense qu’il y a encore un peu de place pour cette saison. Pour la prochaine, peut-être plus.

Lorsque l’on est un athlète aussi populaire que vous, comme gère-t-on les nombreuses sollicitations? On en profite ou c’est parfois contraignant?

Les deux. Il y a beaucoup de belles choses, de belles rencontres. Quand je pense que j’arrive à faire plaisir à tant de gens chaque week-end, c’est évidemment très agréable. Mais d’un autre côté, cela demande aussi beaucoup d’énergie. Il y a beaucoup de tâches que l’on ne recherche peut-être pas toujours ou que l’on n’aimerait pas toujours devoir réaliser, mais cela fait partie du jeu.

Comprenez-vous Lara Gut-Behrami qui fait en sorte de minimiser ces sollicitations extérieures pour conserver son influx?

Oui, je la comprends. Lorsque tu gagnes une course, la journée est très longue, il y a beaucoup d’obligations. Les différentes sollicitations demandent plus d’énergie que pour les autres concurrents. Ils sont déjà tous en train de se reposer alors que toi, tu es encore au travail. Pour moi, ce n’est maintenant que la troisième ou quatrième super saison. Mais si tu en arrives à quinze, c’est que tu as beaucoup travaillé.

Et enfin, ça fait quoi de prendre l’ascenseur avec Roger Federer lors du spot publicitaire que vous avez tourné ensemble?

(Rires) C’est très spécial. C’est évident que Roger est le plus grand sportif de tous les temps en Suisse et peut-être même dans le monde entier. Le fait de se retrouver ensemble, de se voir pour tourner des spots publicitaires, c’est très, très spécial et cela m’honore beaucoup.

Johan Tachet, de retour de Saalbach