Dans l’aire d’arrivée, Marco Odermatt jubile et se laisse glisser sur les bâches rouges aux couleurs de son dossard de patron du ski mondial. Il savoure pleinement son succès, le 29e de sa carrière, devant plus de 24’000 fans en folie qui scandent et chantent des “Odi” à pleine voix, au son de Hulapalu. À Adelboden, non seulement le prodige nidwaldien est le boss sur la piste, après avoir remporté le géant du jour avec une maestria qui le caractérise, mais il est la superstar adulée par tout un peuple qui n’a d’yeux que pour lui.

En s’imposant pour la troisième fois de suite dans la station oberlandaise, Marco Odermatt profite enfin. “Gagner, c’est beau, mais gagner à la maison, ça l’est d’autant plus.” Il l’avoue, les dernières années, il ne pouvait se lâcher comme il le souhaitait lorsqu’il se mesurait à cette Chuenisbärgli, qu’il a fait sienne, et face à ce mur rouge et blanc qui se dresse dans la raquette d’arrivée. “Il y a quelques années, c’était plus difficile d’en profiter car j’étais trop nerveux mais maintenant, depuis deux ans, je peux vraiment le faire. C’est un véritable plaisir d’être ici.”

À l’issue de son premier parcours, il s’était déjà montré très décontracté. D’humeur badine, le Nidwaldien s’est longuement confié, avec un large sourire, au speaker du stade pour le plus grand plaisir du public. “Autrefois, la nervosité était plus importante que le plaisir. Aujourd’hui, elle n’est plus aussi grande. J’aime regarder autour de moi et profiter de l’ambiance”, confie-t-il après son nouveau succès. Il ne subit plus cette pression de skier à domicile, au contraire, elle l’exorte à encore être meilleur. “Quand on peut recevoir de telles émotions et voir cette joie, cela donne beaucoup d’énergie à un athlète.”

Les louanges d’Aleksander Aamodt Kilde

Poussé par une marée rouge, Marco Odermatt s’est montré aussi expressif sur les skis qu’au pied de la piste. Malgré un départ abaissé à cause des mauvaises conditions météorologiques, le Roger Federer du ski a régalé. “Ma première manche était superbe, la deuxième, j’ai skié intelligemment”, résume-t-il. Cela ne l’a pas empêché de signer le 2e chrono – le meilleur étant celui de River Radamus – sur le second parcours, malgré une piste qui marquait sévèrement. Alors, face à autant de facilité, tout le monde s’incline.

C’est devenu une norme, la concurrence est reléguée à la seconde. “Marco (Odermatt) fait partie d’une catégorie de personnes que l’on voit très rarement”, admire Aleksander Aamodt Kilde (2e) dont le premier podium en géant en carrière a été vécu “comme une victoire”. Le Norvégien loue son rival qui le “pousse à devenir toujours meilleur”. “Tout le monde l’attend et lui il gère la pression comme personne. Il est unique à certains égards et c’est amusant de se mesurer à lui et parfois parvenir à le battre. Même si je serais heureux que l’on puisse partager un peu les victoires”, se marre le Scandinave, qui a également été longuement ovationné par les fans helvétiques.

Spectacle, Schlager mais pas de champagne

Car, entre spectacle sur la piste, Schlager à tout va et bières qui coulent à flot, l’ambiance au pied de la Chuenisbärgli n’a que très peu d’égal sur le circuit, Peut-être Kitzbühel et Schladming peuvent rivaliser avec la station oberlandaise. Et encore. La date est soulignée en rouge dans l’agenda de tout skieur. “Le jour où je n’attendrai plus Adelboden, j’arrêterai le ski”, plaisantait Marco Odermatt vendredi soir lors de la cérémonie des dossards.

Près de 24 heures plus tard, la star nationale n’avait pas revisité son jugement. Enfin presque. Car il manquait une petite touche à son triomphe à celui qui venait de récupérer une nouvelle sonnette. “J’espère que l’année prochaine, il y aura du champagne!” Il se satisfera très volontiers d’une bonne bière avec ses supporters.

Johan Tachet, Adelboden