On les entend déjà, les “c’est vraiment dommage”, les “j’aurais voulu qu’il aille chercher le record de Stenmark” ou encore les “il n’a pas le droit de faire ça à ses fans, à ses sponsors et à sa fédération”. Pourtant, Marcel Hirscher est un être humain comme les autres, même s’il a souvent su se faire passer pour un extraterrestre, et il a le droit de faire ses choix de vie, comme tout un chacun.

En Suisse, on a peut-être été trop mal (ou bien, c’est selon) habitués. C’est vrai que le meilleur sportif de tous les temps tape la petite balle jaune avec le passeport rouge à croix blanche. Et alors qu’il n’a plus rien à prouver depuis fort longtemps, Roger Federer continue à nous procurer des émotions comme personne d’autres. Marcel Hirscher est de ceux-ci, certes. Mais là où “Rodg'” prend toujours un plaisir fou à jouer et surtout à préparer ses grands rendez-vous, Marcel a des idées d’ailleurs.

Trop de contraintes

Papa depuis bientôt un an, le double champion olympique ne peut pas et surtout ne veut pas arriver sur les courses sans être prêt à 200%, comme il l’a toujours été depuis le début de sa carrière. Perfectionniste, il préfère donc mettre le clignotant à droite et dire stop à ses ambitions sportives, plutôt que de ne plus pouvoir forcément se battre pour les victoires.

Grâce à son talent, son travail et donc ses succès, Marcel Hirscher avait gagné le droit de se faciliter la vie de sportif au maximum. Son contrat avec Red Bull lui permettait de voler en avion privé ou en hélicoptère dès qu’il le souhaitait. Il esquivait facilement les obligations qui ne lui plaisaient pas, à commencer par certaines rencontres avec la presse. Et le quintuple champion du monde individuel arrivait parfois au dernier moment sur les courses, tandis qu’il avait adapté sa préparation, qu’il débutait plus tard que ses rivaux en tout discrétion.

Oui, Marcel Hirscher a le droit de dire stop. Oui, il a le droit d’en avoir marre du strass et des paillettes, de ce statut de superstar en Autriche qui doit parfois être pesant. Les records, il en a déjà une belle collection. Et surtout, à l’heure où les réorientations professionnelles sont légion, ce n’est pas parce qu’on est sportif d’élite qu’on n’a pas le droit de changer de vie.

Sa retraite, si elle se confirme, n’aura rien d’une surprise. Depuis plusieurs années déjà, l’illustre membre de la Wunderteam prenait son temps avant de confirmer qu’il continuait. Après des Jeux olympiques réussis (il était tout de même sorti en slalom), le grand dominateur des 8 (!) dernières saisons de Coupe du monde a connu quelques difficultés, si on peut les appeler ainsi, l’hiver dernier. Cela peut sembler étonnant alors qu’il a remporté haut la main le général de la Coupe du monde, mais il a dû se “contenter” d’un seul titre mondial à Are (en géant, deuxième en slalom), qui pourrait d’ailleurs rester son ultime victoire au plus haut niveau. Aux finales de Coupe du monde, à bout de souffle, il n’avait pu faire mieux que 6e en géant et 14e en slalom. Et s’il continuait, il aurait certainement dû se projeter vers les futurs Jeux olympiques, dans 2 ans et demi.

Retraite discrète

Le seul hic, s’il y en a un, c’est peut-être qu’en annonçant sa retraite mercredi prochain en conférence de presse – si ça se confirme car le skieur d’Annaberg ne nous surprendrait pas pour la première fois -, il ne s’offrira pas la sortie qu’il mérite. Il ne partira pas en réalisant un ultime exploit, si ce n’est celui de rappeler qu’il a toujours simplement souhaité être “normal”.

Ce qui est certain, c’est que Marcel Hirscher va nous manquer. Car même s’il était Autrichien, et faisait donc partie de nos meilleurs ennemis, sa manière de skier était tout simplement magique à observer. La douceur avec laquelle il embrassait les portes et sa capacité à ne jamais ou presque se retrouver en difficulté n’avait pas d’égal. Et sa personnalité singulière et son sourire manquera à coup sûr au Cirque blanc. Mais il est certain qu’il saura mettre toutes ses qualités au profit de sa future vie.

Bon vent, Marcel!

Laurent Morel