Même si les drapeaux norvégiens flottaient au sommet, le tableau avait fière allure. La saison dernière, trois Suisses faisaient partie des six meilleurs slalomeurs de la planète. Ramon Zenhäusern a terminé 3e du classement de la spécialité, Daniel Yule 4e et Loïc Meillard 6e. Le tout non sans être monté sur un total de 8 podiums (dont 4 victoires) en 10 épreuves. Cette saison, pas moins de 13 courses entre les piquets serrés seront au programme, alors que le vainqueur du dernier Globe Lucas Braathen vient de prendre sa retraite à la surprise générale. Plutôt prometteur donc…

Car depuis l’avènement de la génération dorée valaisanne, les Suisses ne cessent de briller dans une discipline au niveau plus relevé que jamais. Sauf que les slalomeurs helvétiques courent toujours après un premier Globe depuis Dumeng Giovanoli en 1968, alors qu’il n’y avait que 4 slaloms au programme de la saison. Et lorsqu’on sait qu’aucun grand rendez-vous n’est au programme cet hiver, l’occasion est rêvée de ramener enfin du cristal au pays. Fers de lance de ce groupe, Ramon Zenhäusern (deux top 3 au classement de la discipline, cinq top 6) et Daniel Yule (deux top 3 au classement de la discipline, cinq top 6 également) ont travaillé sur la constance durant l’été afin de pouvoir y croire. C’était le cas à Ushuaïa (ARG), à Zermatt (VS), à Levi (FIN) ou à Kåbdalis (SWE), où les Suisses se sont notamment entraînés.

Le Globe en point de mire

“Il faut être fort partout pour gagner le Globe, c’est l’objectif, rappelle Matteo Joris, entraîneur en chef du groupe. Il sera déjà difficile de confirmer la saison dernière, mais on veut faire encore mieux. On s’était fait avoir dans certaines situations, on a travaillé pour que cela ne se reproduise pas.” Concrètement, les entraîneurs helvétiques ont varié les tracés et ont tenté de mettre leurs protégés en difficultés dans différentes conditions. “Oui, on a poussé les limites, reconnaît l’Italien. Et je sens que ça fonctionne. Les mecs ont gagné en autonomie.” Ramon Zenhäusern rappelle qu’il faudra “réaliser des manches parfaites. Il le faut dans notre discipline où les trente meilleurs ont le potentiel pour monter sur le podium à chaque course.”

De quoi croire au Globe? “Ce serait la suite logique d’une belle saison et on a tout fait pour être fort dans toutes les conditions, sur tous les tracés, décrit Daniel Yule. Mais je vois ça plus comme un rêve que comme un objectif. La saison passée était déjà très belle.” Celui qui est devenu le meilleur slalomeur suisse de l’histoire garde les pieds sur terre. “Ce n’est pas le genre de record sur lequel on s’attarde pendant qu’on est actif”, sourit-il. En tout cas, on se tire la bourre dans cette équipe.” Ramon Zenhäusern confirme: “Il y a une super dynamique dans l’équipe, c’est une concurrence saine, ça nous aide vraiment.”

En plus des skieurs du val Ferret et de Bürchen, Loïc Meillard, Marc Rochat et Luca Aerni ont eux aussi progressé. “Oui, je trouve qu’ils ont fait un pas en avant au niveau mental, décrit Matteo Joris. Ils sont plus mûrs et deviennent de meilleurs professionnels. Avant, on devait leur dire de faire les choses, mais désormais, ils s’entraînent quasiment tout seul. Ils savent se gérer. C’était mon but. Grâce à ça, ils se sentent plus forts. Ils ont amélioré quelques détails techniques mais pour moi, ils sont surtout plus forts mentalement.”

Marc Rochat et Luca Aerni à leur meilleur niveau

Et face à un monstre comme Henrik Kristoffersen, il faudra résister à la pression. Le Norvégien sera à n’en pas douter le favori numéro un cette saison. “Mais attention à AJ Ginnis, qui est vraiment très fort également”, insiste Matteo Joris. Le Grec, vice-champion du monde à Courchevel, s’est souvent entraîné avec les Suisses, après avoir notamment partagé un voyage mi-vacances, mi-camp d’entraînement au printemps sur ses terres avec Ramon Zenhäusern, Daniel Yule et Luca Aerni, entre autres.

Alors que tous les Suisses sont en bonne santé, le quintette “Coupe du monde” réduit composé de Ramon Zenhäusern, Daniel Yule, Loïc Meillard, Marc Rochat et Luca Aerni a pu bénéficier de conseils encore plus personnalisés à Ushuaïa durant l’été. Et si les trois leaders sont encore capables de faire des manches parfois extraordinaires, les deux “outsiders” ont progressé. “Marc est beaucoup plus fort en terme de constance, de stabilité et donc de confiance, abonde leur entraîneur. Luca a lui retrouvé son grain de folie et son meilleur niveau d’avant sa période moins faste.” Tanguy Nef et Sandro Simonet, qui ont rejoint l’équipe pour les camps en Europe, arrivent dans un rôle de challengers. “C’est une bonne chose, ils amènent une nouvelle énergie.”

À Gurgl, une piste favorable aux Suisses

Petite nouveauté cette saison pour les slalomeurs, la reprise dès ce samedi à Gurgl. Chose qui n’était plus arrivée si tôt depuis la fin des courses masculines à Levi en 2019. “Je me réjouis de cette reprise et de ce calendrier renforcé”, avoue Daniel Yule. “Reprendre plus tôt change juste légèrement l’intensité qu’on met à l’entraînement, explique de son côté Matteo Joris. Cette année, on a anticipé un petit peu, mais c’est assez automatique, les athlètes ressentent naturellement la montée en tension.” Et comme de nombreuses équipes, les Suisses ont apprécié leur voyage en Finlande avant les épreuves de Coupe du monde féminine, sur une piste Black en parfait état. Patron de la Coupe du monde masculine, Markus Waldner a récemment évoqué la possibilité d’un retour de la Coupe du monde en Laponie “C’est stupide de ne pas faire de course là-bas, tout le monde était déjà sur place, détaille Matteo Joris. En plus, avec le mur, la piste est très belle. Et les conditions sont toujours bonnes.”

Reste que les slalomeurs vont donc cette fois découvrir le terrain de jeu de Gurgl, plutôt… raide. Altitude de départ de la piste Kirchenkar: 2475 mètres. Altitude d’arrivée, 2265 mètres. La piste est d’une longueur de 548 mètres, tandis que l’inclinaison moyenne est de 38,3% (passages à 62%). “Le mur sera l’un des plus longs de la Coupe du monde”, prévient Matteo Joris, pas mécontent de cet état de fait. Arrivés mardi dans la station tyrolienne située à quelques encablures seulement de Sölden, les Suisses ont d’abord dû faire face à la pluie mais un refroidissement et quelques flocons sont annoncés pour cette fin de semaine. De quoi s’entraîner parfaitement avant le coup d’envoi de l’hiver.

Laurent Morel, Gurgl