Depuis quelques jours dans le Vermont, il bruissait que le niveau actuel de Lara Gut-Behrami n’avait peu ou pas d’égal. En gros, que la Tessinoise de 32 ans n’avait jamais été aussi forte en géant. Restait encore à confirmer. Pas une mince affaire sur une très difficile piste Superstar de Killington dans des conditions pour le moins… compliquées (vent, froid, verglas, etc.). Mais cela ne fait pas peur à la championne du monde 2021 de la discipline. Pour preuve, une course parfaitement gérée devant 18’000 spectateurs pourtant acquis à la cause de l’héroïne locale Mikaela Shiffrin. Mais après avoir bravé les éléments en première manche (elle n’a vraiment pas été gâtée par Éole et de nombreuses rafales), la skieuse de Comano a prouvé qu’elle était bien la plus forte du moment en découpant le second parcours. C’est donc avec le sourire qu’elle s’est confiée à SkiActu après son nouvel exploit.

Lara Gut-Behrami, vous avez dû faire face aux éléments mais vous avez été une nouvelle fois très impressionnante, en deuxième manche notamment.

Oui, je suis vraiment contente. Je me sens bien sur les skis, j’arrive à faire ce que je veux. C’est clair qu’en première manche, il y avait pas mal de vent, pour tout le monde d’ailleurs mais c’était déjà le cas l’année passée (ndlr: elle s’était déjà imposée). La deuxième manche, j’ai pu skier de manière un peu plus fluide, même si au début je ne me sentais pas super bien. J’avais quelques problèmes d’équilibre, j’étais toujours un peu trop en arrière. Mais à partir de la première double où je suis arrivée un petit peu à la limite, je suis parvenue à changer de rythme. Je pense que la partie du bas était vraiment bonne.

Cette victoire, c’est une vrai satisfaction car les voyages et toutes ces choses ne sont pas toujours simple à vivre. Je passe passablement de moments compliqués pour pouvoir me préparer aux courses, mais je suis heureuse de voir que tout le travail paie. Ça vaut le coup, si c’est pour skier comme ça au final.

En fouillant dans vos résultats, on s’est rendu compte que vous n’aviez jamais gagné deux géants d’affilée. C’est désormais chose faite.

En effet. Je crois que l’année du Globe, j’avais gagné deux courses, à Aspen et Lienz. Mais de suite, c’est la première fois. C’est aussi la première fois que je pars avec le dossard rouge dans la discipline et que je le conserve, en plus en gagnant. C’est ce genre de choses qui me motive. Dans le sport, même quand tout semble génial et atteint, il reste des choses à améliorer.

Vous rappelez l’année du Globe (en 2015-2016). Sans vouloir parler de classement général, ces succès vous donnent-ils des idées pour réussir une grosse saison?

Franchement, ça me donne surtout l’idée d’essayer de maintenir ce niveau. J’espère réussir à faire la même chose en vitesse, trouver tout de suite mes repères à Saint-Moritz pour les premiers super-G. Mais pour l’instant, je savoure simplement mon géant.

Avec les nombreuses annulations à Cervinia et les voyages, l’organisation n’était pas simple, non?

Disons que ça fait partie du jeu et avec mon expérience, ce genre de situations sont plus simples à gérer. Après Sölden, j’ai fait la manche de Zermatt (ndlr: le seul entraînement) et cinq tours dans la neige molle à Diavolezza, sinon je n’ai jamais pu skier. Mais ce qui est difficile, c’est plutôt la récupération. Dès que je me lève le matin, j’ai des douleurs dont je ne sais pas d’où elles viennent. Avant, j’étais habituée à pouvoir tout faire, tout me permettre, aller à fond la caisse tout le temps. Mais là, je ne peux plus. Je dois apprendre à gérer. Mais si au moins, j’arrive bien à vivre tout le reste et tant que ça vaut le coup, je continue.

C’est presque paradoxal car malgré vos soucis physiques, on a l’impression que sur la piste, vous êtes plus forte que jamais.

C’est grâce au travail qu’il y a derrière. Ce matin, à 5h30, j’étais au fitness en train de soulever des poids pour essayer d’activer mon corps car hier j’avais mal à un genou. Ça fait partie des tonnes de choses que je fais avec mon entourage, avec mon staff, pour pouvoir être encore à ce niveau après tant d’années, après tout ce que j’ai fait vivre à mon corps. Ça représente vraiment des heures de boulot que toute mon équipe font sans qu’on s’en rende compte. C’est ce qui permet ensuite de donner l’impression que tout est simple sur la piste.

Et à la fin, monter sur le podium et surtout skier de cette manière, c’est votre récompense?

Bien sûr, je suis satisfaite de mon ski. Après, ça ne devient pas plus simple avec le temps mais au moins, tant que je décide de continuer à souffrir, c’est bien si les résultats suivent.

Désormais, vous avez une semaine pour vous entraîner aux États-Unis avant d’aller découvrir une nouvelle piste à Tremblant (ndlr: où deux géants sont au programme le week-end prochain). C’est quelque chose que vous appréciez?

C’est clair que ça fait du bien et que c’est un joli programme. Et en plus, en étant loin de la maison, on est toujours plus tranquille. Là, on a une semaine pour bosser sur le géant, c’est cool.

Laurent Morel, Killington