Une année après son baptême olympique à Pékin, Killian Peier va vivre une nouvelle grande première. Le sauteur de La Sarraz est engagé mercredi et jeudi aux Jeux européens… d’été. Entre l’athlétisme, le beach soccer et le kayak, le saut à ski fait une apparition remarquée dans ces joutes qui se déroulent depuis la semaine dernière entre Cracovie et Zakopane, en Pologne.

Sur les terres de Dawid Kubacki et de Kamil Stoch, le Vaudois entend poursuivre sa préparation estivale entamée il y a un peu plus d’un mois et surtout retrouver la confiance après un hiver perturbé par une blessure au genou gauche l’été passé, qui l’a empêché de s’entraîner durant trois mois.

Interview entre préparation, ambitions et futur d’une discipline qui entend se faire une place sous le soleil estival.

Killian Peier, déjà, comment allez-vous?

Je vais bien. Les beaux jours sont arrivés. Plus concrètement, au niveau de mon corps, tout va bien. Les deux genoux sont en bonne santé et j’en suis très content. Le niveau n’est pas encore là, on ne va pas se le cacher. Après une cinquantaine de sauts, c’est encore beaucoup trop tôt, mais je me concentre sur la construction d’une base solide avec l’objectif d’aller pas à pas sur des plus grands tremplins et arriver à la fin de l’été avec une bonne base.

Nous sommes trois mois après la fin d’une saison à l’issue de laquelle vous n’êtes entré qu’à trois reprises dans les points. Quel bilan tirez-vous?

C’était simplement difficile. Je n’avais pas assez de sauts dans les jambes à la suite de ma blessure pour espérer atteindre un niveau correct pendant l’hiver, en faisant les compétitions. Cette tactique n’a pas fonctionné. Ce sont des choses que j’apprends, que je prends avec moi. J’essaie maintenant de m’entraîner correctement durant l’été, sans blessure, pour avoir une saison d’hiver avec un niveau qui soit au niveau de mes attentes.

Qu’avez-vous fait depuis fin mars?

Directement après la saison, j’ai pris un bon mois de congé avec des petites obligations. J’ai eu droit à deux semaines de vacances pour éteindre la machine. Ça a ensuite recommencé avec les entraînements physiques et depuis un mois, on saute. Ça se passe bien.

Comment avez-vous réagi quand on vous a annoncé que le saut à ski serait un sport aux Jeux européens d’été?

Honnêtement, d’abord, je me suis posé la question de ce que c’était. Mais c’est génial. Pour nous, c’est une opportunité de voir d’autres sports, d’être à un événement avec des sports d’été, de voir d’autres athlètes qui se trouvent à un niveau de préparation complètement différent du nôtre, compte tenu qu’ils sont en plein dans leur saison. Malheureusement, je n’aurai pas le temps de voir d’autres disciplines car nous sommes à Zakopane, assez loin de Cracovie, et que seule la boxe se déroule dans le même lieu.

Ce n’est pas un hasard toutefois de retrouver le saut à ski à des joutes estivales en Pologne…

Officiellement, je ne sais pas. Mais les organisateurs ont dû le proposer car le saut est un véritable sport national en Pologne.

Cet événement a-t-il modifié votre début de préparation estivale?

Non, car les Jeux européens ne représentent pas une priorité. C’est un événement cool, fun, que l’on va prendre au sérieux cependant.

Avec quelles ambitions, pour le coup, vous rendez-vous à Zakopane?

Le but, c’est de poursuivre la préparation. Ces compétitions arrivent ultra tôt dans le calendrier, un mois plus tôt que les premiers concours d’été qui, eux, arrivent également relativement tôt (ndlr: la première étape de Grand Prix est agendée le week-end du 29 et 30 juillet à Courchevel). Je ne pense pas avoir le niveau que je peux avoir, mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas capable de faire de bons sauts sur place. Le tremplin, je le connais, il y a de quoi prendre du plaisir.

Pensez-vous que les meilleurs sauteurs européens joueront le jeu?

Oui, je le pense. Celui qui gagne aura fait les meilleurs sauts et aura déjà un très bon niveau. Mais cela ne sera pas forcément une grosse indication, sachant que la préparation ne fait que débuter et la forme de chacun va varier encore au fur et à mesure de l’été.

D’ailleurs, participerez-vous au Grand Prix d’été, sachant qu’entre vos différentes blessures notamment, vous n’y avez plus pris part depuis trois ans?

J’y serai si la forme est bonne, si les genoux tiennent.

Selon vous, le saut à ski se trouve-t-il dans une phase d’évolution, compte tenu du changement climatique, en organisant toujours plus d’événements en été?

Je ne pense pas que le saut à ski sera officiellement un sport estival un jour. Après, on a l’avantage de pouvoir s’entraîner tout au long de l’année et notre sport a pris cet avantage pour organiser des concours en été qui ont une certaine valeur. Je n’espère cependant pas que le changement climatique aille aussi loin, que l’on n’ait plus de neige en hiver et que l’on soit forcé à faire un sport hivernal… en été.

Un sport sur deux saisons est-ce un jour envisageable?

Je ne pense pas. Après, dans une centaine d’années, le monde aura une toute autre forme. Il faut évidemment faire attention à la planète. Mais cela ne veut pas encore dire que le saut à ski va vers une forme hybride avec des concours qui ont davantage de valeur en été et qui se mélangent avec l’hiver ensuite.

Est-ce si différent que cela de sauter en été ou en hiver?

Non. C’est presque plus simple de sauter en été, car les conditions sont presque toujours les mêmes au niveau de l’élan et de l’atterrissage, par rapport à la neige qui peut varier en fonction de la météo en hiver.

Revenons vers vous et la compétition. Peut-on déjà se projeter vers la prochaine saison. Le but de réintégrer le top 15 mondial est-il objectif?

Oui, c’est un objectif réaliste. Il y a aussi les Championnats du monde de vol à ski, même si c’est un peu moins médiatisé, mais ce sera un temps fort de la saison. Pour moi en tant que non-spécialiste de vol, ce ne sera pas ma priorité. Le but est de faire de mon mieux, de prendre du plaisir. Et de revenir au niveau que je suis capable d’avoir.

Il y a également eu ce printemps un changement de coach au sein de votre structure puisque l’ancien champion du monde norvégien Rune Velta (33 ans) a pris la succession de l’Allemand Ronny Hornschuh, entraîneur en chef depuis huit ans. A-t-il déjà apporté un nouveau souffle?

Pas encore car il commence officiellement le 1er août. Je me rappelle de mes premiers Championnats du monde où il avait remporté l’or (ndlr: en 2015 à Falun sur le petit tremplin). C’est cool d’avoir un coach jeune, qui apporte de la fraîcheur dans l’équipe. On a fait un camp d’entraînement avec lui, on a discuté de nos buts, je pense que lui voulait ressentir les attentes de chacun.

Il était important que la structure change pour pouvoir évoluer?

Oui, c’était pour nous important d’avoir ce changement, même si Ronny (Hornschuh) a fait du très bon boulot. Après certaines années, c’est toujours bien d’avoir de nouvelles idées et une vision différente, cela va nous aider à nous fixer de nouveaux challenges et ainsi devenir meilleurs.

Johan Tachet, Ittigen