Le parcours de Kikkan Randall est pour le mois chaotique. Née à Salt Lake City il y a 37 ans, l’Américaine a passé près de 20 ans sur le circuit de Coupe du monde, étant l’une des figures du ski de fond mondial. Couronnée par une médaille d’or olympique lors du sprint par équipes en compagnie de Jessica Diggins en 2018 à PyeongChang, la championne a commencé son véritable combat après sa carrière conclue en mars 2019, face au crabe.

«J’ai été motivée par les Jeux olympiques depuis toute petite, raconte celle qui est présente à Lausanne pour donner des conseils aux jeunes athlètes participant aux JOJ. Je me suis donc tournée vers le sport rapidement et je me suis imaginée moi-même aux Jeux dans plusieurs sports. Finalement, c’est le ski de fond qui m’a le mieux réussi et qui m’a emmené dans un voyage de vingt ans et de cinq Olympiades. J’ai fini par gagner une médaille olympique par équipes. C’était la conclusion parfaite d’une incroyable carrière.» 

“Soudainement, je n’étais plus une athlète invincible”

Las pour elle, la maman d’un petit Breck, né en 2016, a dû adapter son après-carrière à la maladie. «J’étais très excitée par les chapitres suivants dans ma vie, poursuit la première médaillée d’or américaine en ski de fond. L’un d’eux était d’être élue à la commission des athlètes du CIO. J’étais très motivée à l’idée d’être de l’autre côté du sport et d’apprendre plus à propos des structures. Malheureusement, quelques mois après la fin de ma carrière, j’ai appris que j’avais un cancer. Soudainement, je n’étais plus une athlète invincible. J’ai dû profiter de toutes mes compétences acquises jusqu’ici dans le sport notamment pour gagner une médaille pour les transposer dans cette nouvelle bataille.»

La meilleure fondeuse américaine de l’histoire s’est donc reposée sur ses compétences pour ne pas lâcher. «La plus importante partie de cette bataille était de garder un état d’esprit positif, précise-t-elle. J’ai réussi à rester focalisée là-dessus et mon traitement a fonctionné. Je suis vraiment très heureuse que tout se soit aussi bien passé jusqu’ici. J’ai pu reprendre toutes les activités auxquelles je prenais part auparavant.» Et même se lancer de nouveaux défis puisqu’elle a réussi à courir le marathon de New York en moins de trois heures au mois de novembre dernier. 

Le fait d’être mère de famille et son envie de transmettre l’a beaucoup aidé dans son combat. «L’une des choses les plus importantes pour moi en ce moment, c’est que je suis une mère et je veux élever mon fils pour qu’il puisse suivre ses rêves», confie ainsi l’ex-skieuse au palmarès chargé (trois médailles mondiales, 29 podiums en Coupe du monde dont 13 victoires, trois Globes de cristal du sprint, etc.).

Je suis très heureuse d’être de retour sur la ligne de départ

«Je suis très heureuse d’être de retour sur la ligne de départ, se réjouit-elle. Ces vingt dernières années, j’étais focalisée sur le ski. Désormais, j’ai la liberté d’essayer des choses nouvelles. Le marathon était une super expérience car c’était un objectif difficile. En m’entraînant, je me suis souvent dit que je n’allais pas y arriver, mais j’ai travaillé et j’ai réussi. Aujourd’hui, je cherche à savoir comment le sport fonctionne et je suis très heureuse d’être autant impliquée et de pouvoir raconter mon histoire. Si ça aide d’autres personnes à trouver leur direction, c’est idéal. Tout est ouvert, c’est très excitant.»

Alors que le cancer du sein qu’elle a dû affronter l’a rendue plus forte, Kikkan Randall continue aujourd’hui de transmettre son expérience, notamment à Lausanne. «C’est très spécial d’être ici aux Jeux olympiques de la Jeunesse, confie-t-elle. Lorsque tu regardes les jeunes athlètes, tu te reconnais en eux. Ils sont dans une position où ils ont toute leur carrière devant eux. C’est très excitant de se demander comment ils vont acquérir de l’expérience. Et je ne pense pas seulement aux médailles qu’ils peuvent gagner, mais aussi à la façon dont ils vont évoluer dans leur manière de poursuivre leurs rêves. J’adore venir à ces Jeux. Ça m’inspire. Je suis très excitée à l’idée de pouvoir aider et supporter ces athlètes dans leur développement en vue de devenir des champions.»

Inspirer les autres

C’est aussi dans ce cadre que la fondeuse d’Anchorage, en Alaska, continue de raconter son histoire de vie. «Il y a beaucoup de similarités entre se battre pour une médaille d’or et contre le cancer, explique «Kikkanimal». La grosse différence, c’est que dans les courses de ski, tu peux toujours décider d’arrêter mais quand tu te bats contre le cancer, tu n’as pas le contrôle et ça peut être très effrayant et très frustrant. De mon côté, j’ai juste essayé de me rappeler que j’étais forte et qu’en prenant jour après jour le futur dont je rêvais était encore possible. C’était mon inspiration. Je voulais rester là pour ma famille et pouvoir refaire du sport et tout ce que j’aime. J’ai donc essayé de rester motivée et positive et heureusement, ça a fonctionné.»

Toujours très engagée politiquement dans le sport, en étant notamment membre de la commission des athlètes de la FIS de 2009 à 2017 et président de cette même commission de 2013 à 2015), l’ancienne fondeuse a fait son entrée au CIO en 2018. Un rôle qui lui permet aussi de montrer notamment aux Etats-Unis que son sport n’existe pas qu’à travers les Jeux olympiques. «Il est vrai que là-bas, l’attention est beaucoup reportée sur les Jeux olympiques et ce n’est pas toujours simple car tu peux être dans un bon jour et devenir champion olympique ou à l’inverse passer une carrière à être l’un des meilleurs au monde mais ne pas avoir de médaille, assure-t-elle. En étant impliquée dans le sport depuis aussi longtemps que je le suis, je me suis rendu compte que le plus important était surtout de courir après des objectifs, de faire de son mieux. Bien sûr, gagner cette médaille en or était super car cela a permis de mettre en lumière notre sport et de motiver plus d’enfants à skier et a récompensé tout le travail effectué mais ça ne fait pas tout.» Kikkan Randall n’a pas fini de poursuivre ses rêves et d’aider les autres à atteindre les leurs.

Laurent Morel, Lausanne