Justin Murisier n’attendait rien en particulier de son début de saison. Tant mieux, il a réussi deux courses d’excellente facture prouvant que, pour son retour, il n’est plus très loin des meilleurs. Le tout alors qu’il souffre encore de ses genoux endoloris. Vingt-troisième en ouverture de saison à Sölden, le Valaisan a fait mieux que confirmer en prenant la 10e place à Beaver Creek. Il espère poursuivre sur ce chemin dimanche, lors du géant de Val d’Isère… si celui-ci a bien lieu. En cas d’annulation du slalom samedi – possible au vu des prévisions météo -, il pourrait être reprogrammé au dimanche et le géant annulé. Mais c’est de la musique d’avenir.

Justin Murisier, vous revenez des Etats-Unis avec un top 10 dans les baggages. Plutôt positif, non?

Oui, c’est clair que ça fait du bien. J’ai eu une préparation très difficile avant Sölden et je ne me sentais pas très bien. Donc de prendre les 30 là-bas, c’était déjà un bon pas en avant. Et maintenant, d’enchaîner avec une 10e place, je réalise que c’était vraiment une très bonne performance, à laquelle je ne m’attendais pas en début de saison.

On voit que vous n’êtes pas loin de votre meilleur niveau…

En course, c’est vrai. Mais à l’entraînement, pas vraiment. Je prends souvent des casquettes par les autres. Je suis toujours derrière. Je remarque une grande différence, c’est qu’à l’entraînement je protège tout le temps mon genou, ce qui me fait vite perdre une seconde ou deux. En course, j’arrive à me lâcher complètement, c’est très bon signe. Après, c’est vrai que ce serait bien de pouvoir le faire aussi à l’entraînement pour pouvoir tester le matériel et se mettre en confiance. Mais je crois que c’est un processus un petit peu normal après toutes ces blessures.

Avec l’expérience, j’arrive à savoir quand je dois prendre des risques et inconsciemment, je n’en prends pas à l’entraînement, même si des fois j’essaie. En course, la piste est parfaite et j’essaie d’envoyer le plus possible. Ca a l’air de fonctionner. 

Ces bons résultats, c’est aussi l’occasion de voir que votre matériel, que vous n’aviez jamais pu vraiment utiliser en course, fonctionne plutôt bien.

C’est vrai. Je n’avais jamais eu la confirmation que je pouvais être rapide avec Nordica. Quand je mets de l’action, le matériel marche bien, c’est bon signe, on peut aller de l’avant.

A Beaver Creek, après la première manche, vous sembliez assez marqué. C’était à cause des douleurs?

J’ai en effet pas mal souffert à Beaver Creek, mais pas forcément le jour de la course. Si j’étais marqué, c’est surtout car la course est à 3000 mètres d’altitude et du coup, trouver du souffle est compliqué. Mais j’étais surtout embêté durant la préparation à Copper Mountain. Les 4-5 derniers jours avant la course, j’ai pris des anti-inflammatoires pour faire passer la douleur. Ça a bien aidé. 

Habituellement, vous arrivez à skier sans médicament?

J’essaie le plus possible car c’est quand même des signaux que ton corps t’envoie pour te dire que tu ne devrais pas pousser beaucoup plus. Je dirais même que je n’en prends quasiment jamais. Là, c’était vraiment compliqué. J’avais presque à nouveau perdu confiance en moi. Je les ai donc pris en dernier recours. Mais là, j’ai arrêté et je vais en théorie skier sans, ici à Val d’Isère. 

Le fait d’avoir toujours ces douleurs, c’est quelque chose d’inquiétant pour vous?

C’est clair que ça m’inquiète un peu dans le sens où avoir mal aux deux genoux à 27 ans, ce n’est pas idéal. Mais d’un autre côté, ça s’atténue quand même, donc j’ai l’impression que ça va dans le bon sens. J’espère que d’ici la fin de la saison, je vais réussir à ne plus en avoir et à pouvoir repartir du bon pied la saison prochaine, sans avoir à «gérer».

Vous devez adapter votre programme?

Mon planning de courses est assez clair cet hiver. Il se concentre sur les géants et les combinés. Je ne vais pas essayer d’aller faire plus que ça. Déjà, je n’ai ni l’entraînement en slalom, ni en vitesse, donc ça ne sert à rien d’aller prendre des risques. Sinon, je gère au niveau des entraînements. Les jeunes font cinq ou six manches par jour et moi, j’en fais plutôt deux ou trois et je complète avec beaucoup de physio et de repos. Même en condition physique, je dois éviter les mouvements qui traumatisent mes genoux. 

Ce n’est pas trop frustrant?

Ca l’était lors de mes premières blessures, quand j’étais plus jeune. Maintenant, j’ai accepté que les blessures prenaient du temps. Il faut accepter les hauts et les bas, sinon tu te mets dans un état dépressif et tu pars avec un désavantage par rapport aux autres.  

Avez-vous peur que ces douleurs ne disparaissent jamais?

Non, je n’ai pas peur. J’ai l’impression que ça va s’améliorer. Pour l’instant, j’ai mal et je ne me dis pas que tout est beau, tout est rose. On fait tout pour que ça aille mieux. J’ai toujours eu beaucoup de blessures et cela s’est bien passé au final. Cette dernière blessure dure un peu plus longtemps mais ça va aller.

Qu’avez-vous fait cette semaine?

Je me suis surtout reposé. J’étais à Neuchâtel pour faire de la condition physique mais je n’ai skié qu’un jour, en libre, à Verbier. En tout cas, c’est compliqué de s’entraîner ici pour l’instant. 

Florian Lorimier (ndlr: son préparateur physique) était content de votre condition?

Il est satisfait car j’ai peu perdu de musculature. Cela veut dire que je protège mon genou mais pas trop non plus. Mais même en condition physique, je suis obligé de lever un peu le pied. Il sait très bien que je ne peux pas faire autrement.

Quels sont vos objectifs dimanche en course? Faire aussi bien qu’à Beaver Creek?

Cette 10e place à Beaver Creek, c’était presque un exploit pour moi. Je devrais accepter si cela se passe moins bien ici. Val d’Isère, c’est toujours une course que j’ai adoré. Le mur est impressionnant et il faut engager à fond. La question est de savoir justement si je pourrai dompter cette face comme je le souhaite. 

Ces bons résultats, ça vous permets aussi de garder une excellente position sur la liste de départ.

Je ne pars pas avec cette idée en tête. J’essaie surtout de faire de mon mieux. Mais bien sûr, ces résultats me permettent d’avoir un peu de marge au niveau des dossards. C’est positif. Surtout que Val d’Isère et Alta Badia sont deux de mes courses préférées sur le circuit.

Laurent Morel, Val d’Isère