Le Valaisan s’est lancé pour la première fois cette semaine sur la légendaire Streif de Kitzbühel et a immédiatement fait des bons résultats aux entraînements. Le skieur bagnard explique comment il a approché ce défi avec, entre autres, l’aide de trois bonnes fées nommées Beat Feuz, Marco Odermatt et Didier Cuche. Interview.
Avec seulement neuf descentes de Coupe du monde à son actif, Justin Murisier affrontera dès vendredi une des pistes les plus dangereuses mais aussi les plus mythiques au monde: la fameuse Streif de Kitzbühel. Que cela importe. Le skieur du Val de Bagnes ne s’est pas laissé impressionner, même s’il insiste avoir montré tout le respect dû à cette fameuse piste. À la veille de la première descente, le Valaisan parle de ses ambitions en vitesse et explique pourquoi il s’attend à faire un bon résultat dans la station autrichienne. Interview.
Justin Murisier, vous vous êtes lancé cette semaine pour la première fois sur la Streif, quelles sont vos impressions?
C’est impressionnant! (rires) C’est le mythe de notre sport, donc déjà je suis heureux d’être au départ parce que c’est vrai que c’est un rêve depuis qu’on est tout petit de pouvoir courir ici. Et puis j’ai des bonnes sensations sur cette piste, je fais un bon premier entraînement. J’ai commis quelques erreurs lors du deuxième entraînement mais c’était quand même assez bon aussi. Donc j’espère que je vais réussir à faire une manche complète et pourquoi pas faire déjà un bon résultat dès la première course.
Vous avez terminé 21e du premier entraînement et 24e du deuxième. Comment réussit-on ce genre de résultat à Kitzbühel du premier coup?
Ça reste quand même du ski. Mais c’est vrai que j’aime assez quand c’est technique et difficile, donc je pense que c’est un peu un avantage. En haut, il n’y a pas beaucoup de passages où il faut laisser aller les skis, il faut vraiment tourner, tourner, et ça je sais faire. Étonnamment, je ne perds pas trop de temps sur la route, c’est aussi bon signe parce que j’aurais pensé que c’est là que j’aurais perdu le plus. Et la dernière partie est aussi très technique donc c’est vrai que ça me plaît pas mal.
Vous l’avez dit: la Streif est une piste mythique. Est-ce qu’il n’y avait pas un peu d’appréhension quand même au départ?
Je pensais que j’allais avoir plus les boules que ça! J’ai toujours beaucoup de respect, je ne suis pas au départ en me disant que je vais essayer de faire une manche de tueur. Mais je n’ai pas eu d’appréhension, pas eu peur. Et ça je pense que c’est bon signe parce que si tu as peur sur la Streif, ça peut être dangereux. Donc j’ai respecté cette piste, je n’ai pas essayé de prendre des risques de fou, mais non, pas de peur.
Vous avez des coéquipiers dans l’équipe suisse qui connaissent bien cette piste. Vous ont-ils donné des conseils?
Oui, on a beaucoup discuté avec Beat (Feuz) et avec Marco (Odermatt). J’ai croisé aussi Didier Cuche hier qui m’a donné deux, trois conseils qui sont assez précieux.
Que vous a dit le Neuchâtelois?
Avec lui, on a parlé de la partie haute. Il m’a dit qu’il n’a jamais été le meilleur jusqu’au deuxième intermédiaire, il a toujours skié très tactique pour prendre beaucoup de vitesse. Et j’ai essayé de faire ça. Je pensais que c’était là que je pouvais vraiment avoir l’avantage, mais en fait j’y prenais presque trop de risques et des fois, ça ne paie pas. C’est important d’avoir des gens comme lui qui me disent de skier plus intelligemment et pas forcément essayer de tuer le premier intermédiaire. C’est ce que j’ai fait et ça a bien marché.
Didier Cuche est après tout le roi de la Streif…
Il n’y a personne de meilleur que Didier, ça c’est clair. Mais, le deuxième meilleur c’est Beat et il est encore actif, donc d’avoir ces deux gars qui me donnent des conseils, c’est quand même super!
Cela fait un peu plus d’un an que vous évoluez en descente en Coupe du monde et vous avez déjà fini 7e à Bormio. Comment vous faites?
C’est un peu dur à expliquer! Depuis tout jeune j’aime la vitesse, j’avais déjà fait des médailles aux Mondiaux juniors en super-G. Mais je devais passer par la case technique pour avoir vraiment une bonne base. Et je pense que c’est ce qui m’aide: je n’ai aucun problème dans les passages techniques. Maintenant je dois apprendre à glisser. À Bormio, il n’y a quasiment pas d’endroits où on doit glisser, c’est pour ça que je fais si bien! (rires). À Wengen, c’est une piste où il faut apprendre à glisser et là j’ai encore un peu de peine. C’est pour ça que je m’attends à faire un assez bon résultat ici.
Peut-être auriez-vous dû vous mettre à la descente plus tôt?
Oui, bien sûr. Mais je n’ai jamais pu réellement m’investir en descente parce que j’avais toujours des blessures qui m’ont freiné. Je devais d’abord revenir dans ma discipline et je ne pouvais pas ajouter une autre. Depuis trois ans maintenant, je n’ai pas eu de blessures, donc j’ai pu investir un peu plus de temps en vitesse. Il y a eu un petit coup de frein en octobre avec cette hernie discale mais ça ne m’a pas freiné en vitesse. Donc ça, c’est cool.
Kitzbühel était donc un de vos objectifs déjà en début de saison?
Dans ma tête, oui: je voulais vraiment faire toutes les descentes pour apprendre, parce que j’ai déjà 31 ans et je ne peux pas attendre jusqu’à 35 ans pour faire ces pistes. Après, bien sûr, c’était selon le déroulement de la saison. Mais vu qu’en descente, ça commence vraiment à aller bien, je me suis dit: “C’est le moment ou jamais de me lancer”.Et si je finis bien la saison, pourquoi pas l’année prochaine avoir plus d’objectifs en descente!
Sim Sim Wissgott, Kitzbühel