À 32 ans, Justin Murisier entame sa cinquième saison en vitesse, la quatrième en descente. Le tenace et polyvalent skieur valaisan a franchi un cap ces dernières années pour s’installer parmi les quinze meilleurs descendeurs de la planète l’hiver dernier. Le Bagnard, qui aborde cette nouvelle campagne avec ambition et sérénité, revient sur ses objectifs pour la saison, les leçons tirées de ses expériences passées et son attachement à des pistes mythiques comme celles de Beaver Creek ou de Kitzbühel. Interview après un prometteur 12e rang lors du premier entraînement sur la Birds of Prey, avant la première descente de l’hiver agendée vendredi.

Comment vous êtes vous senti lors de votre prise de température sur la piste Birds of Prey à Beaver Creek mardi?

J’ai commis une petite erreur d’intérieur à l’entrée du mur, ce qui m’a fait manquer une porte. Je me suis légèrement appuyé sur l’épaule, ce qui a provoqué un petit ‘crac’. Ce n’était pas l’idéal, mais ensuite, j’ai bien skié sur le mur. Sur la partie basse, j’ai préféré y aller tranquillement pour éviter de me mettre en difficulté dès le premier jour. Globalement, je suis satisfait: j’ai été posé, sans prendre de risques inutiles, mais étant tout de même rapide dans les sections clés. La neige et la piste, avec ses nombreux mouvements de terrain, me conviennent bien. C’est une piste où il faut aussi réfléchir tactiquement, ce qui me plaît.

Skier sur une piste que vous appréciez est-il un avantage ?

C’est un avantage, mais cela crée aussi des attentes. Si on aime une piste, c’est souvent parce qu’elle correspond à notre style et qu’on y a déjà obtenu de bons résultats. Je viens ici avec des ambitions mesurées, en voulant quand même jouer déjà les avants-postes.

Les ambitions sont mesurées car c’est la première course de la saison?

Il faut simplement que je garde les pieds sur terre. Mon meilleur résultat en vitesse reste une 4e place. Je ne peux pas prétendre arriver ici et dire que je veux gagner, ce serait irréaliste. Après si cela se produit, c’est super. Mais mon objectif est de viser un top 10 et, idéalement, me rapprocher davantage du podium que de la 10e place.

On vous a quitté sur une 17e place encourageante lors du géant de Sölden. Comment cela s’est passé pour vous durant les semaines qui ont suivi?

Ça a été un peu compliqué, non pas physiquement, mais mentalement. Nous nous sommes entraînés à Copper Mountain, sur une piste facile, avec peu de mouvements de terrain et une neige froide qui freinait beaucoup, car elle n’était pas injectée d’eau. Dès que l’on se mettait sur la carre, on freinait. Je n’ai pas réussi à m’adapter à ces conditions. J’ai pris des valises. Après deux semaines, j’en avais plein l’os, je me disais que je ne savais plus skier. Mais en arrivant à Beaver Creek, j’ai retrouvé une neige qui me correspond: rapide, avec de l’eau injectée, sans être glacée. Cela m’a rassuré.

Étiez-vous alors inquiet avant le premier entraînement à Beaver Creek?

J’ai de l’expérience et je sais que je ne suis pas le champion du monde à l’entraînement, surtout sur des pistes faciles. Cela m’a permis de relativiser, même si je reste un compétiteur qui veut performer. Je suis surtout satisfait des décisions prises cet été sur le matériel, qui semblent payer.

Car il faut souligner que les performances réalisées en course sont les conséquences de longs mois de préparation et d’adaptation de matériel.

Même plus. Cela fait trois ans que je me concentre sur la vitesse, et chaque saison apporte des évolutions. On apprend à travailler avec des bases solides: une chaussure ou un ski spécifique à une condition. Tout se met gentiment en ligne et j’espère avoir de la constance sur tous les parcours durant la saison.

Justement, vous terminez 14e du classement de la descente l’hiver passé. Avec davantage de constance, quel sera l’objectif cette saison?

Il y a vraiment moyen de jouer bien mieux qu’un top 15 à la fin de l’hiver. Je ne veux pas me mettre maintenant un objectif alors que la saison n’a pas débuté. Mais si tout se passe bien, il y a moyen d’aller jouer le top 7 en descente, car il y a des courses qui me correspondent bien. Toutefois, la clé sera cette constance.

L’un des principaux changements du calendrier de vitesse cet hiver, c’est la suppression des doubles descentes sur un même week-end comme à Wengen ou Kitzbühel. Une demande faite par les athlètes auprès de la FIS, cela doit vous réjouir?

C’est une bonne chose. Ces doubles épreuves réduisaient la valeur des victoires. Par exemple, à Kitzbühel, il ne devrait y avoir qu’un seul vainqueur pour préserver le mythe de cette course. Alors oui, pour les organisateurs, c’était un avantage d’avoir tout en place, avec les filets, les infrastructures, on diminue les coûts pour augmenter les bénéfices. Mais, il faut garder l’importance de l’évènement et la fierté pour l’athlètes vainqueur d’être le seul à triompher sur la Streif.

Johan Tachet, Beaver Creek