Ne l’appelez pas James, il risque de se vexer. Le nouveau nouveau champion du monde de super-G se fait appeler Jack, contrairement à ce qui est écrit sur sa carte d’identité. “C’est ma soeur Candace qui a commencé à m’appeler ainsi quand j’avais trois ans et c’est resté”, se marre celui qui manie les spatules sur la neige aussi facilement que Jack Sparrow barre son navire de boucanier dans la Mer des Caraïbes.

Sur les traces de Didier Cuche

Ce jeudi, le Canadien a damné le pion aux Marco Odermatt, Aleksander Aamodt Kilde ou autres Alexis Pinturault pour être sacré sur le toit du monde. Jamais encore, aussi talentueux qu’est le natif de Toronto, il n’avait remporté la moindre victoire sur le Cirque blanc. “Je rêvais depuis longtemps de me retrouver au sommet, je n’étais jamais loin en Coupe du monde ces deux dernières années. Mais réaliser cet exploit aux Mondiaux, c’est complètement fou”, savoure celui qui devient, après John Kucera et Erik Guay, le troisième skieur à la feuille d’érable à être sacré champion du monde. “Ce sont des gars qui m’ont inspiré dans ma jeunesse, j’ai toujours voulu être leur égal.”

Plus jeune, il s’imaginait champion, à l’image de ses idoles Didier Cuche ou Bode Miller. Il aurait aussi pu devenir le nouveau Sidney Crosby. Aussi à l’aise sur les patins à glace que sur les skis, il évoluait dans l’équipe de son collège avec celui qui est devenu la star des Edmonton Oilers Connor McDavid, jusqu’à ses 16 ans, avant de devoir faire un choix déchirant à ce moment. “Apparemment, je crois avoir pris bonne décision”, rigole l’athlète de 25 ans qui se révèle pleinement dans les épreuves de vitesse malgré son jeune âge. “Si on excepte Marco Odermatt qui a une faculté d’apprentissage incroyable, il est important d’avoir de l’expérience lorsque l’on s’élance en descente ou en super-G”, acquiesce James “Jack” Crawford. “Beaucoup de gars ont le potentiel de gagner, mais l’expérience te permet d’engranger de la confiance et de faire la différence.”

Une génération canadienne en or

Ce n’est pas un hasard de retrouver le “crazy canuck” aux avant-postes. L’homme fait partie d’une génération de skieurs canadiens extrêmement talentueuse qui comprend également Broderick Thompson, Brodie Seger, Jeffrey Read ainsi que Cameron et Kyle Alexander. Un groupe formé de skieurs qui dépassent tout juste le quart de siècle au compteur. “On est ensemble depuis nos 14 ans. On n’est pas des plus expérimentés, mais il y a beaucoup de qualité et on se pousse les uns les autres. Et surtout maintenant, on va vite.” Une émulation entretenue par le champion du monde de la descente en 2009 John Kucera, devenu l’un des entraîneurs de l’équipe canadienne. “Il sait ce que l’on doit faire, il sait comment nous motiver, il est passé par là et son expérience est précieuse”, apprécie son protégé.

Et il ne serait pas étonnant de retrouver James “Jack” Crawford aux avant-postes dimanche lors de la descente mondiale. “Je me sens vraiment bien sur cette piste de l’Éclipse”, assure le Canadien qui retrouve en Savoie des conditions similaires à celles qu’il a l’habitude de skier en Amérique du Nord. “Dès le premier jour, je me suis dit que la neige ressemblait à celle que nous skions depuis toujours au Canada. Cela m’a mis en confiance.”

Et James Crawford a l’appétit aussi aiguisé que l’épée de Jack Sparrow.

Johan Tachet, Courchevel