Huit concours, deux petites qualifications en seconde manche, pour une 28e place à Titisee-Neustadt et une 25e à Engelberg pour Gregor Deschwanden. Le bilan des sauteurs suisses en ce début d’hiver contraste avec la dizaine de top 10 réussit par le Lucernois et Killian Peier la saison dernière.

Et pourtant, Gregor Deschwanden avait brillé lors du Grand Prix d’été où il était notamment monté sur le podium à Courchevel. Mais il est vrai qu’entre-temps, Killian Peier, le leader vaudois de l’équipe de Suisse, a été victime d’une micro déchirure du tendon rotulien au genou gauche au mois d’août, l’empêchant de sauter pendant plus de trois mois. Si on ajoute à cela les blessures récurrentes de Dominik Peter depuis vingt mois et l’incertitude planant sur l’envie réelle de Simon Ammann de revenir aux affaires, l’équipe de Suisse ne saute pas dans les meilleures dispositions en ce début d’hiver. A quelques heures du début de la Tournée des Quatre Tremplins, Ronny Hornschuh, l’entraîneur des sauteurs helvétiques, fait le point.

Ronny Hornschuh, comme nous, trouvez-vous, que le début de saison des sauteurs suisses ne correspond pas aux attentes?

Ce début de saison est définitivement difficile. Mais il faut remettre les choses dans le contexte, car Dominik (Peter) et Killian (Peier) ont été blessés et ne sont pas dans les mêmes dispositions que les autres hivers. Ils ont d’ailleurs réalisé des bons petits pas en avant à Engelberg (ndlr: les deux sauteurs ont accroché la qualification des 50 lors des deux concours). Killian ne compte, par exemple, qu’une trentaine de sauts. Il n’avait plus sauté depuis août et a repris début décembre. On ne peut pas lui en demander trop lorsque l’on a si peu d’entraînement, alors que l’élite mondiale s’entraîne toute l’année. Il faut être patient. Et Dominik collectionne les blessures depuis deux ans.

C’est surtout de Gregor Deschwanden que nous sommes en droit d’attendre mieux?

Le problème avec Gregor c’est que nous n’arrivons pas à répéter ce que nous produisions cet été. C’est parfois normal dans notre sport. L’objectif est de sauter en étant relâché. Mais il y a une part de pression que l’on se met soi-même car on veut envoyer, on veut performer. Pour régler les choses, cela passe par l’entraînement, et le reste arrivera naturellement.

Peut-on espérer de voir Killian Peier retrouver son meilleur niveau rapidement?

Évidemment, j’espère que cela ne durera pas trop longtemps. Mais il a déjà franchi de bonnes étapes à l’entraînement à Einsiedeln ou encore en Coupe du monde. Il doit continuer à sauter, à enchaîner les sauts. Mais il faut être patient. Dans le sport, il y a des hauts et des bas. Et face aux obstacles, je pense que l’on peut en ressortir plus fort.

Dominik Peter (21 ans) a été médaillé de bronze aux Mondiaux juniors de Lahti en 2021. Quand peut-on attendre qu’il fasse véritablement le saut parmi l’élite en Coupe du monde?

Avant de se blesser l’hiver dernier, Dominik avait réalisé quelques résultats encourageants, il n’était pas loin du top 15. Mais il doit aussi se perfectionner sur certains éléments concernant le vol, notamment sa dynamique de vol. Ce n’est pas facile quand tu as des blessures qui s’enchaînent comme ça a été le cas pour lui depuis près de deux ans. Et le niveau en Coupe du monde est aussi élevé qu’il est dense. Mais je suis certain que s’il travaille la dynamique de vol, il va progresser.

Est-ce que les résultats en demi-teinte de ces dernières sorties entament le moral des troupes?

Tout le monde est un peu abattu, c’est logique car nous voulons faire mieux. Nous nous efforçons d’encourager les gars afin qu’ils restent positifs pour travailler et progresser.

Qu’en est-il de Simon Ammann, qui avouait ne pas savoir s’il souhaitait continuer à sauter à 41 ans? Il a notamment pris part au premier concours d’Engelberg (ndlr: 51e des qualifications), sans performer.

Ce n’est pas facile pour un entraîneur. Avec lui, tout est possible. C’est possible qu’il participe à un concours ou l’autre, voire à aucun. Il a mis la priorité sur les études cette année, et je pense qu’il s’imaginait que ce serait un plus facile lorsqu’il allait sauter à nouveau. Mais il n’y a pas de miracle, on ne te donne pas de cadeau. Si tu veux être performant, tu dois t’entraîner.

Derrière les Peier, Deschwanden, Peter ou encore Ammann, existe-t-il une relève dans le saut suisse?

Il y a quelques jeunes qui font leurs armes en Alpen Cup (ndlr: le circuit de saut à ski pour les espoirs) ou en compétitions FIS. C’est un peu plus qu’auparavant, même si nous aimerions naturellement avoir davantage de sauteurs pour avoir plus de concurrence. Mais ceux-ci ont besoin de temps, il faut avancer avec précaution. J’espère que les deux ou trois athlètes qui sont en dernière année juniors pourront passer un cap la saison prochaine et rejoindre notre équipe.

Johan Tachet, de retour d’Engelberg