Enfin! Quatorze mois après la finale olympique, Fanny Smith a enfin reçu mardi à Lausanne, des mains du Président du CIO Thomas Bach, sa médaille de bronze du skicross des Jeux de Pékin. Sa seconde après celle des Jeux de PyeongChang, mais celle-ci a une saveur particulière puisque la Chablaisienne a dû non seulement se battre face à ses adversaires sur la piste, mais également avec les instances dirigeantes en-dehors.

La Vaudoise, 3e de l’épreuve sur la piste Zhangjiakou, avait été disqualifiée par le jury de course, coupable à ses yeux d’un écart avec son ski gauche, ayant gêné sa concurrente, l’Allemande Daniela Maier. Une semaine plus tard, la Commission d’appel de la FIS avait déjà tranché en réhabilitant Fanny Smith sur le podium olympique, estimant que l’action de la skieuse suisse n’était ni intentionnelle, ni évitable, car elle aussi gênée. Au final, la skieuse de Villars et l’Allemande se partagent la médaille de bronze, après un accord à l’amiable trouvé entre less différents partis en décembre dernier.

Et c’est donc mardi soir au Musée olympique que Fanny Smith a enfin récupéré ce qu’il lui venait de droit, sa médaille de bronze, devant sa famille et ses amis.

Fanny Smith, vous portez enfin cette médaille olympique autour de votre cou. Comment avez-vous vécu ce moment?

Il y a beaucoup d’émotions. Même avec tout ce qu’il s’est passé, avec tout ce que l’on m’a enlevé, entre guillemets, à Pékin. Je pense que c’est aussi la manière et la personne que je suis qui me permet de chercher le positif dans tout et ici j’ai eu la chance de pouvoir célébrer ça ici, au Musée Olympique à Lausanne, avec la présence de Thomas Bach, de ma famille, de mes amis, de mes partenaires, et c’est quelque chose d’unique. Car dans une cérémonie olympique de médailles classique, il n’y a jamais autant de proches qui peuvent y participer. C’est quelque chose que je vais me rappeler tout au long de ma vie. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’autres athlètes à qui cela soit arrivé, c’est donc très spécial.

Est-ce le même sentiment que si vous aviez pu recevoir directement cette médaille à Pékin, il y a quatorze mois?

J’aurais clairement préféré l’avoir à Pékin et je me serais bien dispensée de tout ce qui a suivi. C’est quelque chose que je souhaite à aucun athlète.

Rapidement, la Commission d’appel de la FIS vous a rendu cette médaille de bronze. Puis, l’Allemande Daniela Maier, qui avait été déclassée à son tour au 4e rang, a fait recours auprès du TAS. Pensiez-vous qu’il était possible de perdre une nouvelle fois votre dû?

Non, parce que j’ai toujours su que j’étais dans mon bon droit. Je fais ce sport depuis pas mal d’années pour savoir de quoi je parle. Deux semaines après, c’était clair dans ma tête. Mais au final, on n’est jamais aussi clair que lorsqu’on l’a vraiment dans les mains.

Vous nous disiez il y a une année, vous serez soulagée uniquement lorsque vous tiendrez enfin cette médaille entre les mains.

Exactement. Je pense que ça marque la fin de toute cette histoire, de ces Jeux Olympiques de Pékin qui ont été très, très, très intenses.

Au final, cette médaille de bronze vaut de l’or?

Elle valait déjà de l’or quand j’ai passé la ligne d’arrivée, même si je ne réalisais pas vraiment où je me trouvais. J’ai vraiment vécu une grosse injustice le jour de ces Jeux olympiques. D’autant plus lorsque je regarde d’où je venais, avec une blessure un mois avant les Jeux. J’étais dans l’incertitude, je ne savais pas si j’allais pouvoir concourir ou non. Et à la fin, pouvoir skier, arriver en finale, était déjà extraordinaire en soit. J’avais les larmes aux yeux avant même de m’élancer. Il y avait quand même une énorme fierté et une reconnaissance envers tous les gens de mon équipe qui m’ont soutenue dans ce processus et toute l’énergie que j’ai mise durant ce mois pour être prête pour les Jeux. Et la chute est d’autant plus haute parce que je passe la ligne d’arrivée en gagnant cette médaille de bronze et d’un coup, on vous l’enlève. Ça a été un énorme choc.

Comment fait-on pour se relever?

C’est encore un processus qui n’est pas terminé. C’est clair que ça a été dur. C’est aussi par rapport à tout ce que j’ai donné à mon sport durant toutes ces années. Et c’est cette injustice et cette incompréhension qui ont suivi cette décision qui m’ont fait très mal. Je me suis questionnée sur la direction que prenait ma discipline pour laquelle j’ai énormément de passion et d’amour. C’est clair que cela m’a changé. Et il y a encore du travail à faire pour revenir totalement sur le circuit de la Coupe du monde.

Existe-il toujours une forme d’amertume, d’aigreur?

J’élimine gentiment. Après, ce n’est pas de l’aigreur. Dans la vie, il y a toujours des pépins et il faut aller de l’avant en prenant les choses positives avec.

Sortez-vous renforcée de cette histoire?

Oui, mais il en faudrait pas trop non plus. Cette saison qui a suivi les Jeux a été très difficile aussi. J’ai dû beaucoup me battre, donc désormais on va essayer de profiter de récupérer avant de repartir sur une nouvelle préparation et retrouver le rythme que j’avais avant les Jeux.

Vous arrivez déjà à vous projeter vers les Jeux de Milan et de Cortina d’Ampezzo en 2026, avec l’espoir d’aller chercher l’or olympique, la seule médaille qui manque à votre immense palmarès?

Les deux médailles que j’ai déjà sont belles et valent de l’or (ndlr: Fanny Smith a également remporté le bronze en 2018 à PyeongChang). Je ne suis pas spécialement à la recherche de cette médaille. Bien sûr, comme tout athlète, on veut toujours être au top. Mais l’objectif est déjà de pouvoir y participer, de donner le meilleur de soi-même et ensuite on verra ce qu’il se passera.

Johan Tachet, Lausanne