Mieux vaut tard que jamais, tel pour être l’adage de Marc Rochat qui va participer à 30 ans à son tout premier grand rendez-vous. Dans la forme de sa vie, le skieur vaudois de Crans-Montana sera au départ du slalom des Championnats du monde de Courchevel dimanche. Une récompense pour Marc Rochat qui réussit cette saison au niveau qui est vraiment le sien, comme en témoignent notamment ses 7e et 9e places à Garmisch-Partenkirchen et à Adelboden cet hiver. Et sur la piste de l’Éclispe, il n’entend pas se cacher. Le Vaudois n’a en effet rien à perdre. Bien au contraire.

Marc Rochat, à la veille de votre tout premier slalom mondial, comme vous sentez-vous?

Franchement, je n’ai aucune pression. J’étais un peu inquiet ces derniers jours car mon dos m’embêtais. J’ai dû serrer un peu les dents à l’entraînement car j’avais pas mal de matériel à tester. Mais j’ai fait deux jours de coupure totale ensuite. Cela m’a fait beaucoup de bien. Je suis prêt au départ, mes douleurs sont sous contrôle. Au-delà de ça, la préparation mentale est très facile. C’est une course sans enjeu. J’ai juste le plaisir de vivre mon rêve et de me battre contre les meilleurs du monde. Pour moi, c’est nettement plus facile qu’un athlète qui a le poids de la nation sur les épaules. 

Dans cette course, vous avez effectivement tout a gagné et rien à perdre.

Ce n’est que du bonus. Le discours qui dit “il n’y a que les médaille qui comptent”, c’est un peu de la merde… J’estime que le fait d’être là est déjà une belle victoire. Pour tout le monde, c’est un honneur de représenter son pays aux Championnats du monde. Pierre de Coubertin l’a bien dit, et ce n’est pas le dernier des idiots: “l’importance est de participer”. Du moment qu’on est au départ, on peut potentiellement gagner. Je n’ai pas d’attente particulière vis-à-vis du résultat, car cela dépend trop des autres gars. Par contre, je peux vous assurer que je vais faire mon maximum pour montrer mon meilleur ski sur la piste et démontrer que j’ai bien ma place ici.

Lorsque l’on s’élance sur une course d’un jour, est-ce que l’on prend davantage de risques?

Je ne pense pas nécessairement. Le simple fait de pouvoir skier totalement libéré, comme à une course du ski-club, c’est un avantage. J’estime que je peux montrer du très très bon ski dans cet état d’esprit.

Les résultats de cette saison ont-il pleinement lancé votre carrière?

Je ne sais pas si je suis lancé. On dit que les meilleurs sont sous pression parce qu’on attend d’eux qu’ils gagnent. Je vous assure qu’être sur le siège éjectable, c’est, selon moi, plus difficile que de remporter une 15e victoire quand on en a déjà 14 dans la poche. Je me suis retrouvé dans cette situation qui n’était pas facile. Cette année, j’ai fait de grands pas en technique, mais aussi d’un point de vue mental. Tout est bénéfique, je m’amuse. Tout fonctionne et quand c’est ainsi, c’est chouette.

Comment avez-vous vécu ces deux dernières semaines après le dernier slalom disputé à Chamonix?

Après Chamonix, j’ai eu besoin de sortir du rythme, parce que les jours qui avaient précédé cette course étaient pénibles. Tout le monde me disait que j’étais déjà qualifié alors que ce n’était pas vraiment le cas. Ce n’était pas drôle, je devais me battre contre mon ami Luca (Aerni). Du coup, la pression est ensuite retombée. J’ai pu me changer les idées, on a été faire un peu de géant en Valais, au soleil, sur des neiges faciles. Chose dont on n’avait plus vraiment l’habitude (rires). Ça fait du bien, c’était plus de la thérapie que de l’entraînement. Ensuite, on a repris le rythme en Italie, à la Tuile, sur une piste assez engagée, comme ici, pour tester le matériel et faire les derniers préparatifs avant la course.

Vous nous avez parlé de votre ami Luca Aerni. Allez-vous avoir une pensée pour lui au départ du slalom dimanche?

Evidemment. C’est mon cher ami, mon plus vieil ami dans le ski. J’aurais préféré me battre ici avec lui aux Mondiaux. Malheureusement, je suis le seul représentant du ski-club au départ et je vais tâcher de lui faire honneur. Je vais être le représentant de la Coupe du Wildhorn.

Que représente pour vous une première participation aux Championnats du monde à 30 ans?

Quinze années de travail, sept opérations, des heures et des heures passées en salle d’entraînement où personne ne te regarde. Ça représente des moments de doute, de tristesse, pour très peu moments de joie au final. Parce que les carrières sportives sont difficiles. Participer à des Mondiaux, ce n’est pas anodin, c’est un objectif de vie. Et cela efface tous ces moments difficiles. Je suis content d’avoir serré les dents toutes ces années et de m’être battu. Ça servira d’exemple aux jeunes, leur montrer que l’on peut, même si on n’est pas le meilleur, grâce à un travail dur, y arriver. Il y a toujours une chance pour tout le monde.

Il existe quand même un objectif chiffré pour ce slalom de dimanche?

Non, juste ouvrir le portillon sincèrement. Comme je l’ai dit, bien sûr que les médailles sont importantes, mais le parcours que j’ai eu est plus important. Attention à un Rochat qui est libéré!

Si on vous demandait de faire votre propre introspection, quelle analyse feriez-vous de Marc Rochat le skieur?

D’un point de vue physique, je ne suis pas le plus dangereux, mais il s’avère que je suis parmi les plus forts de l’équipe, du moins je l’estime, en Coupe du monde. D’un point de vue mental, je suis fort parce que je suis un battant, que je n’ai jamais baissé les bras, que j’ai toujours gardé la tête baissée, j’ai avancé et fait mon chemin, en ravalant mes larmes. Je suis aussi une personne fragile, une personne sensible, une personne qui réfléchit beaucoup et qui est réfléchi. Je pense que ça m’a aussi coûté dans ma carrière, mais du moment où j’ai su m’en servir à mon avantage, ça a aussi été une arme. Le simple fait de pouvoir me remettre constamment en questions m’a aidé à avancer, en tant que personne et en tant qu’athlète. Aujourd’hui, j’ai pleinement conscience du chemin que j’ai parcouru.

Johan Tachet, Courchevel